La Graine inconnue

La Graine inconnue
Alain Serge Dzotap – Delphine Renon
Les Editions des éléphants 2025

La patience du jardinier

Par Michel Driol

Papa offre une graine à chacun des membres de la famille. Léo reçoit une graine inconnue. Chacun prend soin de sa graine, mais, alors que les trois autres plantes se développent, la sienne ne pousse pas… avant de donner naissance à la plus belle des fleurs !

Parlons d’abord des illustrations, qui animalisent les personnages de ce récit dont les mots ne portent pas trace de cette qualité. Ainsi Léo est-il un petit lion, dans une famille de lions qui se déplacent à quatre pattes, mais sont vêtus de pantalons et chemises. Quant à la sœur ainée, elle a les écouteurs près des oreilles ! Yeux humains grands ouverts, ces animaux sont très expressifs, dans des dessins colorés de facture plutôt naïve, au milieu d’un paysage tantôt très verdoyant, tantôt aux couleurs plus ocres. Paysage utopique, ni européen, ni africain. Universel.

Ce dont parle l’album, c’est bien sûr de la patience, de la persévérance, et des rythmes différents nécessaires pour que chacun puisse grandir. Leçon de vie que reçoit ce petit lion dont les bons soins, la constance, sont amplement récompensés. Apprendre à donner du temps au temps, à ne pas vouloir tout tout de suite, à ne pas se décourager, voilà bien sûr le message de cet album, écrit dans la langue d’un conteur.  Un conteur qui prend plaisir à répéter les formules «  C’est toujours comme ça quand… », un conteur qui use des onomatopées « floc, floc, floc », un conteur qui se fait poète lorsque Léo évoque la beauté de la vie, un conteur gourmand qui termine son récit en faisant déguster à ses personnages un plat de pili pili…

Le texte plein de tendresse d’un auteur qui a toujours un pied en Afrique, un autre en Europe, qui met en scène une famille d’animaux unis, pour donner à toutes et tous des leçons de sagesse, et apprendre à nos contemporains, trop pressés, à respecter le temps.

Les Printemps

Les Printemps
Adrien Parlange
La Partie, 2022

Année après année, l’ éternel retour

Par Anne-Marie Mercier

Ces printemps, au pluriel, ce sont ceux que le narrateur a vécus et dont il se souvient, depuis ses trois ans jusqu’à ses 85 ans, moment où il peut affirmer « je n’ai jamais autant aimé le printemps ». Chaque double page présente une phrase à droite, sur la « belle page »,  alors que l’image est à gauche, choix inhabituel : le texte est ainsi mis en avant malgré sa brièveté.
C’est que chacun des souvenirs évoqués est important : le premier souvenir, le premier fruit cueilli, la première peur, le premier amour, la première trahison, le premier grand voyage, le premier travail, jusqu’à la naissance d’un enfant et la répétition avec lui des étapes vécues. S’y ajoutent les liens d’amour. Dans les images esquissées au trait sur des fonds unis monochromes de différentes couleurs, on voit s’inscrire la silhouette de la mère, du père, du grand-père, de l’enfant, de l’épouse, etc.
L’album cartonné avec des découpes pourrait faire penser qu’il est principalement destiné à de très jeunes enfants, ce n’est pas le cas : il s’adresse à tous les âges. Les uns y verront ce que leurs parents ont parcouru, d’autres y trouveront un récit de leur vie, d’autres verront les étapes parcourues et celles qui restent à venir, avec un même esprit de sérénité et d’acceptation de ce que chaque printemps apporte ou enlève. Les étapes de la vie sont de plus choisies sans trop de conformisme : des expériences apparemment minimes étant mises sur le même plan que les étapes de la vie habituellement mises en avant. C’est ainsi une belle approche de ce qui peut composer une vie humaine.
La subtilité du jeu des découpes fait qu’on peut lire le livre à tout âge et de différentes manières. On peut l’aborder de façon linéaire ou en mettant en parallèle des expériences proches : les pages liées au grand-père, quoique éloignées sont ainsi rapprochées, comme celles de la rencontre avec un serpent, etc. Les parties évidées mettent en évidence sur plusieurs pages un même détail, l’avant dernier étant celui qui représente une main d’enfant tenant une main d’adulte, et le dernier faisant le lien entre la première et la peut-être dernière fraise sauvage (hommage à Bergman ?). Toute une vie en printemps, bellement et discrètement évoquée dans ce bel objet subtil à découvrir encore et encore…