Petits riens

Petits riens
Marion Pédebernade alias *Waii-Waii*
CotCotCot éditions 2023

Poétique du microcosme

Par Michel Driol

Ces Petits riens que l’album propose d’explorer, ce sont les grains de sable qui, observés de près, se révèlent être de minuscules mondes, et que l’on peut alors collectionner dans des boites d’allumettes.

Livre d’artiste autant qu’album jeunesse, cet ouvrage est d’abord un bel objet, à la reliure délicatement cousue, avec une double page centrale dont les rabats s’ouvrent.  Un bel objet dans lequel le texte s’efface peu à peu au profit des illustrations. Illustrations ? le mot semble mal choisi, car ce sont des véritables tableaux aquarellés qui côtoient l’abstraction en conjuguant quelques éléments figuratifs (des yeux, des mains…) avec des petites formes colorées de taille variable, aux textures et aux couleurs variables. Parmi ces formes, un personnage couché à la chevelure rousse, chevelure que l’on retrouvera comme devenue pépite de sable dans les pages qui suivent, comme si l’humain se fondait dans le minéral, se retrouvait dans cet infiniment petit. Le texte, qui fait la part belle aux sensations (ce qu’on voit, ce qu’on sent) sait se réduire à l’essentiel pour raconter cette découverte vécue comme une expérience à la fois unique et reproductible, dont on peut garder des traces,  à la fois inutile et fondamentale.  Ne peut-on y voir comme une définition de la poésie, entre les Illuminations et la sensation fugitive qui fonde le haïku ? A une époque où on est fasciné par le gigantisme, voilà un ouvrage qui attire l’attention sur l’infiniment petit dans lequel il est possible de voir une pluralité de mondes, planètes infimes, trésors de fourmis, pépites insignifiantes, paillettes étincelantes. Tout l’album se retrouve dans cette liste de choses concrètes qui associe, tout en jouant sur les sonorités et les préfixes,  le sans-valeur et le précieux, le minuscule et le géant. Rien n’est laissé au hasard, et les couleurs se succèdent une dramaturgie pleine de sens, une sorte de combat entre le clair et l’obscur. Au clair initial (jaune du soleil) succède dans la seconde partie la montée d’un bleu sombre, comme une ombre qui envahit peu à peu les pages, de bas en haut, au point de les submerger, puis de disparaitre par le haut, pour laisser à nouveau la place aux grains de sable lumineux. On laissera bien sûr chacun libre d’interpréter à sa façon ce jeu entre les couleurs et cette association entre l’humain et le minéral (comme dans cette double page où les grains de sable sont à la fois eux-mêmes et larmes).

J’aime bien les trucs qui ne servent à rien… cette dernière phrase, sous son apparente désinvolture et sa modestie, clôt un riche album dans lequel la création graphique et le récit d’une découverte sont un bel écrin à une véritable approche personnelle, philosophique et poétique du monde, tout en sachant rester à hauteur d’enfant (car tout commence dans un bac à sable et se termine dans des boites d’allumettes).

Clarence Flûte et le secret de Sybille : le systême solaire modélisé

Clarence Flûte et le secret de Sybille
Sandrine Bonini
Autrement jeunesse, 2011

Physicien en herbe cherche âme soeur

Par Anne-Marie Mercier

Clarence flûte et le secret de Sybille .jpgCe titre annonce une nouvelle série, mais aussi l’introduction d’Autrement jeunesse dans le roman pour enfants. A travers un héros fort sympathique, le lecteur va découvrir qu’on peut s’intéresser aux sciences ailleurs que dans la salle de classe. Le parti pris est intéressant. On regrette cependant qu’il ait fallu passer par le cliché du garçon solitaire à lunettes, premier de la classe qui n’ose pas parler aux filles, donc un personnage qui sera perçu comme un peu ridicule par les jeunes lecteurs.

Pour le reste, le projet est assez réussi : Clarence, huit ans, après avoir réalisé un système solaire en marshmallows tente d’en créer un autre qui serait une image de son propre entourage. Les conditions de réalisation de l’expérience miment celles qu’installerait un vrai scientifique, ou un professeur des écoles qui souhaiterait faire comprendre la démarche scientifique à ses élèves. L’imbrication de questions sentimentales ou relationnelles dans le projet de Clarence est savoureuse tout comme les illustrations. Elle propose les plans, schémas, listes et donnent les étapes du « cahier d’expérience » qui scandent les perplexités du personnage.