De l’importance de savoir rebondir

De l’importance de savoir rebondir
Laura Zimmermann
Gallimard Jeunesse 2021

Cachez ce sein…

Par Michel Driol

Tout irait bien pour Greer, lycéenne de 17 ans, si sa poitrine n’avait pas pris une dimension embarrassante. Pour elle. En effet, difficile de trouver des sous-vêtements à sa taille, de s’habiller, de faire du sport. Difficile aussi de supporter le regard des garçons, et leurs propos, sans aménité. C’est alors qu’elle fait la connaissance du petit nouveau du lycée, Jackson, un garçon dont les parents changent d’adresse une à deux fois par an. C’est alors aussi qu’elle est engagée dans l’équipe de volley.

Voilà une chronique lycéenne située dans une ville des Etats Unis, avec ses rituels, comme les matchs et le culte du sport, la représentation théâtrale, ou le gala de début d’année. On suit Greer, la narratrice, dont la mère a comme métier d’intégrer les nouveaux arrivants, de leur faciliter la vie, une mère qui ne voit pas à quel point le corps de sa fille lui pose problème. On suit aussi la famille de Jackson, et ses difficultés à n’être que celui qui passe et qu’on oubliera. Pour lui, comment avoir une relation durable avec Greer ? Mais, pour Greer, comment accepter ce corps en mutation, devenu pour elle difforme, si loin à la fois de celui de la petite fille qu’elle était, et de celui de ses copines du même âge, véritables canons de beauté pour elle. Sans tabou, avec un certain humour lié à la narratrice, le roman parle, à travers de nombreux détails, de nombreuses situations tant au lycée que dans la ville, de ces transformations du corps féminin, de la difficulté à accepter sa féminité lorsqu’elle ne répond pas aux canons de beauté couramment mis en valeur par la publicité, et de la façon dont cela a une influence sur son propre comportement et ses relations avec les autres. Ce roman évoque aussi le harcèlement, parfois conscient, parfois inconscient, dont Greer est victime, dont elle se tire par l’humour et la force de ses réparties, mais qui laissent des traces. On apprécie aussi la galerie des portraits secondaires, depuis la copine en révolte contre tout le monde, jusqu’à la petite fille kleptomane…

Un roman-chronique qui dit la fragilité de l’adolescence, et la difficulté de s’intégrer dans le monde, soit parce qu’on a du mal à accepter son corps, soit parce qu’on est toujours en partance pour ailleurs..