Mon Cher Voltaire

Mon Cher Voltaire
Jean René

Bulles de savon (« Mon cher… »), 2015

 

Les éditions Bulles de savon se sont fait une spécialité de l’exploration de la vie de créateurs, avec la collection « qui êtes-vous » ?, avec des romans biographiques (Moi, Stevenson, de Jean René lui aussi) et avec la collection dans laquelle s’inscrit cet ouvrage.

Le parti pris de la lettre, certes artificiel, a cependant le mérite d’impliquer le lecteur qui, avec le narrateur, s’adresse ainsi à l’auteur, recherche une proximité, est en connivence avec lui (voir Lettre à l’écrivain qui a changé ma vie). Chaque « lettre » présente un aspect de la vie de Voltaire, qui coïncide souvent avec une période de sa vie. Présentées sur fond blanc, en caractères à empâtements (du Didot ?), ces lettres alternent avec des chapitres imprimés sur papiers de couleur en typographie plus simple (proche du type Arial) dans lesquels on voit Voltaire agir, parler, écrire, se promener, manger, écrire…
Ses œuvres sont évoquées surtout par la notoriété qu’elles lui donnent ; les contes seuls sont un peu détaillés, uniquement par le sujet et peu par la forme. Le but de l’ouvrage étant de dire un peu de tout, le reste de l’œuvre fait l’objet d’allusions, de courts dialogues, d’extraits de lettres (la correspondance est très présente, ce qui est une bonne chose). Le corps est au centre du récit, avec les maladies réelles ou feintes, l’alimentation, la recherche de confort. L’accent est également mis sur les conditions matérielles de l’exercice d’une pensée et d’une expression libre et sur la recherche par Voltaire d’une indépendance financière indispensable.
Enfin, l’image de l’écrivain engagé domine, avec un développement sur l’affaire Calas et sur celle du chevalier de La Barre ; un accent particulier est mis sur les incarcérations de Voltaire à la Bastille, son exil, les dangers qu’il court et les précautions qu’il prend pour publier ses œuvres. L’ensemble est donc assez complet, d’une lecture facile et stimulante.

Chevalier d’Eon agent secret du roi, t. 4

Chevalier d’Eon agent secret du roi, t. 4 : le pacte
Anne-Sophie Silvestre
Flammarion, 2013

Le travesti dévoilé

par Anne-Marie Mercier

ChevalierdEon4Le secret est découvert ! La jeune lectrice française favorite de la tsarine, blessée à mort (ou presque !) et inconsciente s’avère être un homme… Heureusement, seuls la tsarine, son médecin et une femme de chambre fidèle  sont au courant. Le personnage de Lia de Beaumont va reprendre des forces et revenir sur la scène, non pas le devant de la scène mais les coulisses de l’histoire où les agents secrets font merveille.

Chargé par l’impératrice Elisabeth d’une mission spéciale et secrète auprès de Frédéric de Prusse (où il rencontre Voltaire) et auprès du Pape, porteur de lettres secrètes pour Louis XV cachées dans un volume de l’Esprit des lois, débarrassé-e de ses vêtements féminins, d’Eon parcourt l’Europe, en traineau, en calèche, ou à cheval mais toujours à fond de train. Et le lecteur est entrainé à sa suite, pris par l’histoire mais aussi par le style, coulant et enlevé, parfois brisé par un trait d’humour, ou ralenti par une brève pause méditative.

Ce quatrième volume est composé de deux moitiés très contrastées : la première, en chambre, est occupée par la lente guérison d’Eon, entre douleurs et délires, puis longues conversations et réflexions. La deuxième, faite de longues chevauchées entrecoupées d’entrevues secrètes nous ramène dans le rythme habituel de la série.

Mais la fin se clôt sur un suspens sentimental et politique : d’Eon abandonne-t-il définitivement son rêve amoureux ? Verra-t-il le Pape ? (à suivre !)