L’usine

 L’usine
Yaël Hassan
Syros, Coll. Tempo, 2015.

 

 Il faut sauver l’usine

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

l'usine L’histoire se passe dans un village qui vit depuis plus de cent ans au rythme d’une usine de jouets. Or, cette usine va fermer. Tous les enfants de l’école sont concernés sauf de très rares enfants de commerçants, et encore.

Leur institutrice Anne, qui connait parents et enfants puisqu’elle est elle-même une fille de ce village, essaye de les faire exprimer leur angoisse pour les en soulager. Elle a l’idée de créer avec eux un journal d’école. Puis, Sylvain, un jeune collègue,  plus moderne,  propose un blog, outil plus adapté et plus interactif. Tous les enfants sont ravis et très motivés.

Ils enquêtent, photographient, recueillent des témoignages sur le village et l’usine. Clotilde, la fille du directeur,  a entendu son père dire qu’on peut sauver l’usine, que la crise est due à la mauvaise gestion de l’héritier. Son père a même contacté un repreneur potentiel, un de ses amis d’école,  originaire lui aussi de ce village.

C’est un bon roman, pas ennuyeux. Même si le sujet est un peu lourd, chaque personnage évolue, les enfants, les enseignants, les parents, et même les méchants directeurs, père et surtout fils qui a ruiné l’entreprise,  font un bout de chemin.

 Cette histoire me plait car elle me fait penser à un village jurassien que je connais et à une usine qui a eu le même destin, peut-être est-elle inspirée de ce faits divers, en tout cas c’est réussi.

La révolte d’Eva

la révolte d'eva La révolte d’Eva
Elise de Fontenaille
Rouergue, 2015

Sortir de l’enfer

Par  Maryse Vuillermet

 

  Récit à la première personne fait par Eva qui confie son calvaire.  Son père fasciste, alcoolique, raciste  et violent l’oblige à saluer le portrait d’Hitler, la frappe quotidiennement, et d’autant plus qu’elle  est la seule de ses quatre sœurs à lui résister.   Blonde, intelligente, sensible, Eva se réfugie le plus souvent dasn la forêt, leur maison,  comme celle de l’ogre étant  isolée à l’écart du village,  à l’orée d’un bois.  Là, au bord des étangs,  des rivières elle peut lire, être un instant  au calme.  Son père est si amateur de violence qu’il pratique la chasse, et le tir et qu’il les fait pratiquer à ses filles.  La mère soumise et apeurée ne fait que culpabiliser et craindre son mari.

 Eva ne peut se confier à personne ni à sa meilleure amie ni à ses enseignants. Son seul  confident  est Lechien, un chien sans nom, (dans cette famille, les chiens sont interchangeables),  qui, un jour, pour la défendre,  se dresse contre son maître. Alors,  le père le tue à coups de fusil et abandonne son cadavre en forêt. Eva grandit, son père la bat moins.

 Et puis, un jour, le père s’attaque à la petite sœur. Alors,  que va faire Eva ?

Le sujet est délicat, il pourrait être dérangeant, mais le récit est plutôt réussi. L’auteur a su nous rendre sensibles  à la honte, au silence  mêlés à la soif de vivre,  à  la pitié pour les plus faibles,  de son héroïne. Elle a su aussi faire progresser le récit dans l’horreur, coups puis  meurtre du chien, puis attaque de la petite sœur…

la prophétie des sept chevaux

 La prophétie des sept chevaux
Les chevaux du vent  Livre III 
Martine Laffon
Seuil 2013

  Des adolescents chamans

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

la prophétie des sept chevaux image Sophia,  Marco et Nacim, trois  adolescents de quinze ans,  ont été initiés dans les tomes précédents  Les cavaliers de l’ombre et Le maléfice des masques  aux secrets du chamanisme par Natawas, leur maitre.  Dans les histoires précédentes, ils se  sont montrés capables de lutter contre l’Ombre  dans le grand Nord et en Afrique.  Cette fois,  c’est en Mongolie que  les chevaux du vent,  une race  très ancienne de petits chevaux qui descend de Gengis Khan,  sont attaqués par des loups et que des enfants disparaissent en grand nombre. Ils décident d’aller à la fête de Naadam,  une course très célèbre où des centaines de jeunes cavaliers mongoles s’affrontent chaque année sur le dos de leurs chevaux. Parallèlement à cette histoire, aux Etats Unis, Lou, une journaliste hippique cherche  à savoir qui est Baal,  un cheval inconnu engagé dans une course par un propriétaire mystérieux.  Dans sa banlieue, elle souffre de solitude comme son voisin,  et on se demande pourquoi cette jeune femme cache tant ses origines.

Nous sommes là dans un univers de fantasy original parce qu’il puise dans un fonds  traditionnel de magie, et  où l’univers des chevaux, des nomades éleveurs  et de la steppe   du chamanisme, des métamorphoses est d’un puissant exotisme. Là-bas, le monde des esprits, des morts  est relié à celui des vivants, le monde des hommes à celui des animaux, chevaux, loups et chiens,  qui sont à la fois leurs totems, et leurs gardiens.  Les rêves se lisent  et se racontent comme des prophéties,  les chamans frappent leurs tambours pour invoquer les forces des esprits bienfaisants,  et  les secrets se transmettent. C’est captivant et  envoutant.

Fugueuses

Fugueuses    
Sylvie Deshors
Rouergue, Doado, 2013

 Très politiquement incorrect!

Par Maryse Vuillermet

fugueuses imageCe roman est un éloge de la fugue,  de la résistance passive  ou active contre le pouvoir et ses représentants, les CRS. Deux jeunes filles,  mal dans leur vie et leur famille,  décident de fuguer en début d’hiver. Elles rejoignent le camp des opposants à un aéroport,  quelque part en Vendée. Là,  elles apprennent la débrouille, la solidarité, le travail collectif, l’écologie, la construction de cabanes, donc,  d’après elles,  beaucoup plus et mieux qu’au lycée. Elles sont amies mais très différentes, Lisa est forte, elle aime le combat  et les travaux physiques, Jeanne est douce, timide et réfléchie. Elles s’épanouissent dans ce milieu,  malgré la boue, le froid et le danger des charges de CRS.

A la fin, leur chemin se sépare, mais cette parenthèse les aura rendues plus fortes.

Beaucoup de parents n’apprécieront pas cet éloge de la fugue, mais beaucoup de jeunes vont rêver de cette vie libre, qui a un sens,  parce  qu’elle obéit à des choix de vie assumés.

Les sauvageons

Les sauvageons     
Ahmed Kalouaz
Rouergue  Doado  2013

 Bagnes pour enfants

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

les sauvageons imageAhmed Kalouaz nous raconte l’histoire des enfants bagnards à la fin du siècle dernier en France. Pour trois fois rien, un chapardage, un vol, un vagabondage, on enfermait les enfants dans des colonies pénitentiaires. C’est le cas d’Hippolyte, orphelin de père et maltraité par son oncle,  qui a suivi un colporteur  beau parleur et sulfureux et qui, arrêté en sa compagnie,  se retrouvera  à Boussaroque, une ferme-prison  en pleine forêt. Là,  les enfants travaillent du matin au soir, mangent à peine, ont froid, faim et parfois meurent d’épuisement.

Le héros ne rêve que de s’enfuir,  comme son ami Giuseppe, déjà aguerri, qui fugue chaque été et qui finira mort au pied d’une falaise. Mais il hésite car il protège Julien, un enfant rencontré au dépôt et il a la confiance d’Albert,  le palefrenier, un des rares adultes à avoir conservé un peu d’humanité,   qui lui apprend son métier. Il voudrait retrouver sa mère,  voir la mer, vivre enfin.

Nous le suivons dan pendant deux ans de captivité et  deux fugues, une avec Giuseppe et Julien, une  autre, seul.  Les fermiers des environs sont leurs ennemis, car,  s’ils  les attrapent et les ramènent à la colonie , ils touchent une prime.

Kalouaz raconte assez sobrement  mais avec justesse et énergie, cet enfer, le rêve de ces jeunes, les quelques instants d’enfance qu’ils volent, leurs amitiés,  leurs espoirs.

Marie Rouanet avait raconté cette histoire vraie dans Les enfants du bagne en 94 chez Payot, mais ici, nous la vivons du point de vue d’un enfant,  et c’est très émouvant.