Tractopelles

Tractopelles
Fiona Meynier
Cotcotcot 2025

Pour un imaginaire des engins de chantier

Par Michel Driol

Voilà un album à la fois très beau et très déconcertant. Tout commence par un enfant qui glisse sur la neige d’une bosse créée par une pelle, dans laquelle il va buter. Puis on change d’échelle, et, quelques années plus tard, on évoque les pelles pour creuser les tranchées de la première guerre, ainsi que la création, à la même époque, de la première pelleteuse.  Nouveau saut dans le temps, et les reconstructions d’après les deux guerres, les champs de bataille devenant champs agricoles, et l’apparition des premiers tracteurs, puis celle des premiers tractopelles. Retour à l’enfant, quelques années plus tard, découvrant, en pleine nature, des engins abandonnés, et se demandant à quoi  ils ont bien pu servir.

Evoquons d’abord l’originalité des illustrations, feutres, gouaches, peinture à l’essuie-tout, et couleurs, qui installent dans un univers principalement en noir et blanc, d’abord tâché d’un peu du rouge du sang de l’enfant blessé. Les images peuvent être impressionnantes, comme celle d’une tranchée bien sombre, surmontée de pelles comme autant de croix, et d’arbres dépouillés,  immédiatement suivie de la seule image tout en couleur, montrant des engins de chantier en activité, engins de la taille d’un dé à jouer. Est-on dans le réel ? Est-on dans une salle de jeu ? Puis on va suivre des tracteurs dans différentes nuances de rouge, toujours sur cet arrière-plan en noir et blanc, routes, barbelés, bâtiments agricoles, avant une dernière partie montrant des engins abandonnés verts, dans une nature en noir et blanc déstructurée par la peinture à l’essuie tout.  Dans leur dépouillement symbolique, les illustrations dévoilent bien une vision du monde, du progrès, des technologies et de leur conséquences, parfois absurdes, du temps qui passe, de l’abandon des activités humaines dont subsistent des traces…

Le texte ne se veut pas documentaire, ne se veut pas non plus ancré dans une temporalité bien précise. On saute les époques, les lieux, l’après seconde guerre mondiale est évoqué de façon assez implicite, où il est question de trois zones pour organiser la reconstruction du pays.  Si l’on suit bien l’apparition des machines, la mécanisation des campagnes, il déploie un imaginaire qui confronte cette modernisation avec un éloge de la lenteur, en évoquant un tour d’Europe fait, en tracteur, par Claude (Goubeau). En d’autres termes, le texte laisse ouvertes les interprétations entre un regard positif et négatif sur ces engins. Figures de progrès dans le monde agricole, soulageant le travail manuel pénible, ils sont aussi vestiges d’activités avortées, inachevées, traces d’un passé qui fut, à l’image de ces trous béants et qu’on n’a pas refermé. Quelque part, le texte touche à une poésie , loin d’un Apollinaire qui vantait les progrès dans la mécanisation, l’industrie,, mais développant toute une poétique des engins mécaniques, loin des usines, en pleine nature.

Un bel ouvrage, en particulier parce qu’il n’entre pas dans les catégories prédéfinies. Ce n’est pas un documentaire, quoi que…, ce n’est pas un récit, quoi que…, ce n’est pas un ouvrage historique, quoi que… Sa signification elle-même a du mal à se laisser saisir. Ce n’est pas une ode au progrès tout en montrant l’ingéniosité nécessaire… Il invite à coup sûr à réfléchir à l’utilisation de ces engins, aux dégâts qu’ils peuvent faire dans la nature, et donc à s’interroger sur le sens des activités humaines.  Cet ouvrage, qui ne se laisse pas saisir d’emblée, qui requiert activité du lecteur, questionnement, recherches, à la façon d’un livre d’artiste, laisse entrevoir une poétique des engins agricoles, de travaux publics tout à fait inattendue et bien originale.

Mille choses à faire par tous les temps

Mille choses à faire par tous les temps
Fiona Danks, Jo Schofield
Gallimard, 2013

Créer dehors

Par Dominique Perrin

1000Que l’hiver (le printemps, et l’automne) soient givrants ou boueux, les lecteurs du continent ont certainement à apprendre d’un art britannique de cueillir le jour par tous les temps. Ce guide d’activités extérieures ludiques et artistiques peut passer pour l’un des joyaux nécessaires d’une bibliothèque enfantine ouverte sur le monde – en l’occurrence, celui des éléments. L’air, l’eau, la terre, et, au bord de quelques pages, le feu sont ici donnés à fréquenter et mettre en forme dans tous leurs états, d’une manière à tout le moins inventive et fantaisiste, et pour tout dire jubilatoire dès la simple lecture grâce à de nombreuses photographies de réalisations. Que le lecteur français, civilisationnellement empreint de bonnes manières, puisse rester ici et là abasourdi par certaines propositions touchant aux mille façons de réapprivoiser la boue, n’ôte aucun charme à ce guide par ailleurs prudent, et somme toute révolutionnaire…

En scène

En scène  
Tatiana Werner
Gallimard Jeunsse, 2013

Génial !

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

en scène imageGénial ! Complet ! Intelligent ! Sérieux et drôle ! Instructif mais jamais ennuyeux Une multitude de conseils destinés à des enfants qui veulent monter  un spectacle chez eux.

Des pages documentaires sur le théâtre, ses différentes formes y compris les plus modernes, sur son origine, ses grands noms, ses bâtiments,  ses coutumes, ses professions…

Des exercices sur le corps, la voix, la relaxation,  des idées d’improvisation,  de reproduction,  d’écriture…

Des activités pratiques pour fabriquer un décor, un micro, des costumes, des maquillages, des marionnettes,  des  astuces  pour éclairer avec une frontale, délimiter une scène avec un fil à linge…

Le tout est agrémenté de dessins, schémas drôles et très pédagogiques, de photos belles et documentaires.

Bref, c’est complet et touchant car on sent chez l’auteur l’amour  et la connaissance des enfants et du théâtre.  A mettre entre toutes les mains,  y compris les enseignants qui veulent faire faire du théâtre à leurs élèves.

Dessins, gribouillages et coloriages

Dessins, gribouillages et coloriages
Fiona Watt
Usborne, 2011

Un livre d’activités pour enfants (trop ?) sages

par Sophie Genin

usborne,activités « Dessine ce que le bateau de pêche a pris dans son filet ; dessine des perruques fantaisie sur la tête des actrices et de l’acteur ; continue le dessin sans lever le crayon de la feuille de papier (seule proposition abstraite) ; A ton avis qu’y a-t-il dans ces bocaux ? Dessine-le ; Représente les monstres auxquels appartiennent ces yeux« . Voici parmi les propositions les plus intéressantes de ce livre de dessins proposé par Usborne. En effet, ce dernier se cantonne souvent à demander aux enfants de compléter un dessin, certes assez joli et coloré, donc à une production très cadrée, telle que, par exemple :

« Colorie les papillons de sorte que chacun ait deux ailes identiques. »

 On trouve même cette proposition, à l’opposé de la chanson de Pierre Perret Ouvrez la cage aux oiseaux : « Dessine d’abord les oiseaux dans les cages puis repasse sur les traits des cages » !

 Nul doute que ces activités plairaient aux enfants en manque de créativité mais est-ce cette vision du monde (en cage) que nous voulons transmettre ? Mieux vaut aller voir Le Grand livre des petites choses de Keith Haring !