Idiss

Idiss
Richard Malka, Fred Bernard, d’après le livre de Robert Badinter
Rue de Sèvres, 2021

Par Anne-Marie Mercier

Richard Malka et Fred Bernard ont mis en images le livre de Robert Badinter consacré à sa grand-mère, Idiss, rescapée des pogroms de Bessarabie, morte en France en 1942 pendant l’occupation allemande, assez tôt pour ne pas voir ses fils et son gendre partir en déportation et y mourir. L’Histoire « avec sa grande H » accompagne la vie de la famille, de la Bessarabie à la France, avec les guerres du Tsar, la guerre de 14-18, le Front populaire et la montée du nazisme. Malgré la noirceur de l’horizon historique final, l’album est lumineux, les couleurs gaies dominent, les roses, les jaunes, les verts mettant en valeur les pages plus sombres.
C’est aussi une manière, pour l’auteur, de ne raconter qu’indirectement la vie de ses propres parents et de ses oncles massacrés : pudeur ou impossibilité à la Georges Pérec de dire la « disparition ».
Cet album a ainsi, paradoxalement, une part joyeuse : on y voit l’amour qui unit Idiss à son mari, à ses enfants et petits-enfants, les moments de bonheur dans les temps de paix, et notamment à Paris. Sa façon de s’adapter, alors qu’elle vient d’une autre culture et est illettrée. On voit aussi l’itinéraire de ses enfants, leurs études, leur mariage, les réunions familiales autour d’Idiss, les vacances…
C’est une belle vie, racontée avec tendresse et humour, dans laquelle Idiss apparait comme une héroïne ignorée : une mère prête à tout pour protéger ses enfants, son mari, une femme consciente de la fragilité du bonheur, toujours prête à l’accueillir.
C’est un beau modèle de vie de femme de ces temps et de l’intégration d’une famille dans la société française du XXe siècle, de la grand-mère illettrée au petit fils avocat et ministre.

Cachés

Cachés                                
Sharon Dogar

traduction (anglais) de Cécile Dutheil de La Rochère
Gallimard Jeunesse, 2011

un roman historique qui pose problème

Par Maryse Vuillermet

L’auteur a imaginé le récit du garçon Peter Van Pels qui était enfermé avec ses parents dans l’appartement des Franck au 263 Prisengracht à Amsterdam pendant la seconde guerre mondiale. Le narrateur raconte la vie dans l’annexe, ses émois d’adolescent, ses désirs, ses moments de bonheur à la fenêtre. Au début, il trouve Anne insupportable et,  peu à peu, il apprend à la connaître et tombe amoureux d’elle. Ils passent des heures à se parler et à se poser la même terrible question : Pourquoi? Pourquoi? Commment est-ce possible? Qu’est-ce que ça veut dire être juif?  Ils ont peur ensemble et se soutiennent.

Ensuite, en 44, quand le récit réel d’Anne s’arrête car elle est déportée, le récit du narrateur se poursuit et raconte les camps d’Auschwitz et de Mathausen. Il raconte son insupportable agonie. L’auteur a donc inventé la première partie du récit à partir du Journal d’Anne Franck et la  seconde,  à partir de documents et de témoignages.

Dans le site Ricochet-jeunes.org, Claude-Anne Choffat explique que ce roman a suscité l’indignation de survivants de la famille d’Anne Franck . En effet, cette dernière  n’est pas tojours montrée sous un jour favorable, elle est souvent exaspérante. Mais, surtout,  ils reprochent à l’auteur d’avoir exploité l’histoire vraie dans une fiction. Moi, je ne suis pas du tout choquée par le procédé. L’Histoire est un sujet de roman depuis toujours. Et ce livre permet de saisir de l’intérieur l’horreur de l’enfermement  et des persécutions  nazi pour des jeunes qui ne demandent qu’à vivre, apprendre, et s’aimer.

Je suis juste réservée sur la longueur, je trouve  l’ensemble parfois un peu long et répétitif.  Un livre cependant courageux et instructif !