De si mignons ogrillons
Clotilde Perrin
Seuil Jeunesse 2023
Anges et/ou démons ?
Par Michel Driol
Dispositif ingénieux que celui de cet album. Une première page présente deux ogrillons sages comme des images. Mais, dès que l’on rabat la demi-page de droite, l’image devient celle de deux affreux garnements. Affreux, sales et méchants ! Dans une seconde partie, une surprise frappe à la porte : un bébé ! Mais le dispositif continue, les rabats une fois tournés, on voit les mauvais traitements que les deux ogrillons lui réservent !
Réduit à une seule ligne sous l’illustration pleine page, le texte se veut commentaire de l’image, avec deux formules récurrentes, Quels charmants petits ogrillons d’amour, suivi, page suivante, de Enfin, à peu de chose près… Humour du texte qui se situe soit dans l’hyperbole un peu puérile, soit dans la litote, laissant donc finalement le lecteur juger ce que montre l’image. Une image remplie de détails : bottes de sept lieues, tableaux et affiches qui se transforment, rat expressif omniprésent, livres (de cuisine) aux titres alléchants… Comique de gestes, comique de situation, grotesque : l’album joue de tout cela pour libérer un rire salutaire. Un rire disant et amplifiant des choses bien identifiées. Qu’il est bien difficile pour des enfants – ogrillons ou humains – de se conformer à ce qu’on attend d’eux : la gentillesse, l’ordre et la politesse, l’accueil sans sourciller d’un petit frère ou d’une petite sœur. C’est bien de cela que parle cet album, qui donne, sous ses outrances carnavalesques, une image vivante et bien réaliste de l’enfance et de ses contradictions. Par la caricature, l’autrice montre et exhibe ce gout des enfants pour la transgression des règles, et pose en filigrane la question de leur identité : sont-ils mignons ? Sont-ils affreux ? La fin apporte une réponse… encore que…
Un album qui joue sur les effets de surprise, de rebondissement, dans lequel on retrouve tout l’univers graphique et imaginaire de Clotilde Perrin : drôle, décalé, cruel pour montrer, avec humour, à quel point « La chose la plus terrifiante, c’est de s’accepter soi-même », phrase de Gustave Jung citée en exergue.