La Moufle

La Moufle
Robert Giraud, Olivier Latik
Flammarion Père Castor, 2012

Conte russe

Par Anne-Marie Mercier

La MoufleEloge de la solidarité, jeu avec l’absurde, cette mise en image d’une variante d’un conte russe évoque les beaux jours des illustrations des premiers Père Castor (l’esthétique russe, justement) avec des animaux aux formes stylisées, aux couleurs bien tranchées. Du plus petit (la souris) au plus gros (l’ours), en passant par la grenouille, le lapin, le renard et le loup, tous trouvent un abri provisoire au chaud dans la moufle rouge oubliée dans la neige… jusqu’à ce qu’une fourmi vienne tout déranger.

Une bonne réédition d’un bon classique (Didier, 2009, Père castor, 2010…) qui marche bien avec les petits.

Poésie dans l’air et dans l’eau

Poésie dans l’air et dans l’eau
Kochka et Julia Wauters

Flammarion (Père Castor), 2011

Par Justine Vincenot (Master MESFC Lyon1)

Ce merveilleux recueil de poèmes entraîne le lecteur dans un voyage entre ciel et terre. Les rimes semblent portées tantôt par les vagues, tantôt par les nuages. Kochka s’amuse des « R » et des « O », les mêle, les brouille, les sépare et les transforme en petits textes poétiques teintés d’humour.

Des notes asiatiques parfument ce recueil : les poésies très courtes, en éloge à la nature, rappellent les haïku japonais, tandis que les illustrations ont un air d’estampe.

Néanmoins, le minimalisme asiatique est contrasté par la fraîcheur des illustrations. Julia Wauters offre un tableau coloré à chaque texte. En effet, les couleurs pétillantes choisies par l’illustratrice attrapent le lecteur. Si les poésies laissent une large place à l’imagination, les illustrations les complètent, sans les enfermer mais plutôt en offrant un point de départ à la rêverie : un subtil équilibre du texte et de l’image.

Un ouvrage idéal avant de s’endormir, accessible dès le plus jeune âge !

Les Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, 1et 2

Les Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron,
1 (Anous deux, Versailles !)
2 (Le serment amoureux)

Anne-Sophie Silvestre

Flammarion Père Castor, 2011

Versailles, Saint-Cloud, pour les filles (pas trop) et les garçons (un peu)

par Anne-Marie Mercier

Les Folles Aventures d’Eulalie 1,.gifNi roman historique ni série pour les jeunes filles qui rêvent d’intrigues de Cour et de succès mondains, cette nouvelle série est un feuilleton tout à fait réjouissant qui prouve qu’on peut ouvrir certaines portes savantes tout en s’amusant. Anne-Sophie Silvestre avait déjà donné un roman sur Marie Antoinette découvrant Versailles tout à fait convaincant (il vient de paraître en poche, on en redonnera prochainement l’analyse). Elle s’attaque au même lieu sous un autre règne et dans un autre esprit.

Le cadre est là, on est bien à Versailles puis à Saint-Cloud, et l’on croise de nombreux personnages connus de l’entourage du roi Louis XIV. Le roi et son fils jouent un rôle important mais la famille de Monsieur le frère du roi (Monsieur lui-même est ici bien réhabilité) est aussi au cœur de l’histoire, avec sa femme haute en couleurs, la Princesse Palatine, dont les merveilleuses lettres ont certainement inspiré l’auteure, et la fille de Monsieur, née d’un premier mariage, Mademoiselle ; dans le tome 2 on aperçoit le régent et l’abbé Dubois, jeunes et charmants tous deux…

On voit aussi, c’est un passage obligé, comment le souci de l’étiquette et des convenances peut être oppressant, surtout pour les femmes. Eulalie, entrée dans la « maison » de Mademoiselle doit se plier à de nouvelles règles, porter des robes élégantes… L’une des qualités majeures du récit est de ne pas trop s’appesantir sur ces détails, et de n’indiquer que quelques points significatifs, comme la première robe d’Eulalie, sans se perdre dans des « chiffons » comme c’est trop souvent le cas de romans historiques très visiblement écrits pour les filles. Ce roman pourra plaire aussi bien aux garçons car Eulalie est à l’aise avec les préoccupations de l’un et l’autre sexe.

Les Folles Aventures d’Eulalie 2.gifLa jeune héroïne traverse tout cela au grand galop, grâce à son éducation exceptionnelle: son père l’a élevée comme un garçon, elle a un peu de culture, sait monter à cheval et se battre à l’épée ; elle se déguise en garçon lorsqu’elle veut être libre de circuler et échapper ainsi à la surveillance des gouvernantes de toutes sortes. Arrivée à contrecœur à la cour avec son lapin pour seul confident, elle s’y fait une amie et quelques ennemies, et surtout des amis, une société de garçons de haute volée, le premier cercle des compagnons du Dauphin et le Dauphin lui-même.

Le premier tome est riche en péripéties, avec la découverte de la Cour et de ses rituels, les rencontres, les intrigues… une histoire d’amour court en parallèle avec un mystère qui introduit de la magie, un tableau qui « parle »… Le deuxième tome est moins dense et plus orienté sur l’amour, mais se « rattrape » à la fin avec une belle bataille.

Tout cela est mené avec beaucoup d’humour, un humour adressé à un lecteur plus âgé souvent. Par exemple, lorsque l’un des personnages, dans un grenier, s’arrête devant des meubles : « c’est vieux tout cela. Epoque Henri II, dirais-je. C’est la sorte de meubles qu’on trouve chez mes grands-parents ». Les couvertures des ouvrages jouent délibérément avec ces éléments et mettent en avant le plaisir du pastiche et du décalage.

Un personnage amusant et sympathique, un peu gaffeur, de belles amitiés, des aventures et de l’amour, un langage riche et jamais cuistre ni trop fabriqué, tout cela promet de belles et savoureuses aventures; le tome 3 est annoncé.

En résumé, on est dans une belle série mi-enfantine mi-épique qui ne se prend pas au sérieux et se met à hauteur d’enfance (ce qui ne veut pas dire en bas d’une quelconque échelle). Le nom du lapin d’Eulalie, Ti Tancred, encore une belle trouvaille, résume cette volonté.

Beautiful Dead

Beautiful Dead, livre 1 Jonas
Eden Maguire
Flammarion-Père Castor, 2010

 Quand Twilight fait des petits… qu’il devrait renier !

par Sophie Genin

 9782081233539.gifLe roman débute au coeur de l’histoire, lorsque Darina, une héroïne rappelant étrangement la Bella de Twilight, se retrouve, non pas face à des vampires, mais à des revenants, nommés, de façon plus « vendeuse », « Beautiful Dead ». Dans la mesure où elle entretenait une passion amoureuse fusionnelle avec Phoenix, l’un des lycéens morts sans explication durant l’année scolaire, elle se retrouve, étrangement, en mission pour le compte de morts vivants cherchant la sérénité et le paradis, semble-t-il. Ce premier tome concerne l’enquête à propos de la mort inexpliquée de Jonas, le premier mort. Le deuxième tome, Arizona, vient de paraître. Devraient suivre deux autres, centrés chacun sur une nouvelle enquête, avec le meilleur pour la fin, puisque Phoenix est le dernier mort de la série !

L’idée de départ, hésitant entre merveilleux renouvelé et enquête policière, n’était pas mauvaise, mais le traitement proposé brise tout espoir : les réponses aux questions de Darina, et donc à celles du lecteur arrivent bien trop vite ! De plus, rien n’est crédible, ni la relation amoureuse avec un nouvel arrivant dans la ville de Darina, ni cette liaison rapide de deux mois ni même les sentiments de l’héroïne qui ne sont pas montrés par l’auteur mais nommés, comme dans ce passage : « Mais je t’aime tellement, Phoenix, que j’aurais couru tous les risques pour te revoir ! ». Ne parlons pas de Phoenix montrant ses pouvoirs à sa chérie ou les têtes de morts qui s’imposent à ceux qui cherchent à comprendre ce qui se passe dans le repère forestier des morts-vivants : pacotille ! Rien ne prend finalement corps dans l’esprit du lecteur, alors même que tous les ingrédients « à la Twilight » étaient présents ! N’est pas Stephenie Meyer qui veut !