Anton X 3

Anton et les filles
Anton est-il le plus fort ?
Anton et les rabat-joie

Ole Könnecke

Traduit (allemand) par Florence Seyvos
L’école des loisirs, 2015 [2005], 2014, 2016

Des enfants et des jeux

Par Anne-Marie Mercier

La série des Anton est un régal permanent dont on ne se lasse pas. Son héros, toujours vêtu de blanc et rouge et portant un chapeau rouge, se confronte aux enfants de son âge, garçons et filles, ce qui met en lumière des comportements caractéristiques, souvent genrés, mais pas toujours, dans les jeux et les conflits.
Dans Anton et les filles, la question est de savoir comment s’introduire dans le jeu des autres, être accepté dans un groupe. Faut-il faire étalage de ses qualités, de ses possessions, de ses talents ? Faire « l’intéressant » ? Rien de tout cela, surtout, semble nous dire l’auteur, lorsque l’autre est une fille ou un groupe de filles. La réponse est en apparence simple, mais en fait assez retorse…
Anton est-il le plus fort ? met en scène deux garçons, Anton et Luckas qui se placent en compétition sur cette question cruciale et font assaut d’exagération et de comparaison, montrant qu’un assaut verbal est possible et efficace. Les propositions imaginaires sont inscrites en traits de crayons de couleur, rouge pour Luckas (qui est vêtu de bleu) et bleu pour Anton (toujours en rouge). La chute est comique et met les deux enfants à égalité, tandis que la fin montre que tout cela n’était que des mots, qu’un jeu…
Anton et les rabat-joie est sans doute le plus subtil. On est ici très proche de la psychologie enfantine, où le désastre de ne pas être accepté équivaut à la mort, où la mort est fantasmée (c’est quoi, être mort ? on ne bouge pas, on ne joue pas…) : Anton, refusé dans un jeu par ses amis habituels (Luckas, Greta et Nina), décide qu’il est mort et se couche. Luckas le rejoint bientôt, fâché avec les filles à qui il a emprunté une pelle (pour enterrer Anton, bien sûr) ; puis vient le tour de Nina, fâchée et enfin de Greta qui n’a plus personne avec qui jouer puisqu’ils sont tous morts. Les quatre enfants, couchés ne bougent plus… mais la pluie, mais les fourmis… Au calme succède l’explosion finale et les rires. Le récit se referme sur lui-même et sur le gouter proposé par Anton à ses amis.

 

Le Fleuve

Le Fleuve
Claude Ponti
L’école des loisirs, 2018

Fluidité aventureuse

Par Anne-Marie Mercier

Il est question de transmission intergénérationnelle (comme dans L’Arbre sans fin), de jeux, d’apprentissage de techniques de cueillette – assez proches de la chasse, d’ailleurs, vu le caractère insaisissable des Blavières trempeuses, des Crokfièvres, des Branthes, et autres plantes dont se nourrissent les deux tribus des héros. Un horrible monstre menace tout le monde de ses griffes… On retrouve dans cet album de nombreux thèmes pontiens.
On y retrouve aussi le dessin, parfois dépouillé et s’étalant en paysages de rêves sur toute la double page d’un long format à l’italienne, découpé en instants qui rythment un espace unique. Parfois on le retrouve fouillé et riche en détails multiples dans les scènes d’intérieurs ou dans les représentations de groupes : les petits Oolong et les petits Dong-Ding ont aussi des allures de poussins (voir la série des Blaise, entre autres) avec leurs activités joyeuses et vibrionnantes.
La nouveauté ici est dans la réflexion que cet album propose sur les questions de sexe et de genre : les deux héros appartiennent à deux peuples différents et éloignés et sont, par pure coïncidence, élevés tous deux dans le genre que leur sexe biologique n’appelait pas. Cela est fait pour respecter le vœu d’un ancêtre censé se réincarner, mort peu avant avec le désir de vivre dans la peau d’un être de l’autre sexe. La grande leçon de l’histoire est celle de la liberté : chacun peut décider d’être fille ou garçon, et changer d’avis quand il le veut et autant qu’il veut – pas besoin de mourir pour cela. Chaque vie est digne et plaisante, et aucune n’empêche de faire quoi que ce soit : le faux garçon comme la fausse fille apprennent les mêmes choses, se livrent aux mêmes acrobaties et sauvent leurs peuples ensemble, à égalité, d’un horrible monstre : l’héroïsme n’a ni genre ni sexe.
Ce joli message égalitaire et libérateur est porté par la poésie du texte, légère, libérée des accumulations de calembours qui alourdissaient parfois les derniers albums . On retrouve une merveilleuse fluidité du récit, une véritable histoire, des personnages qui se cherchent, des parfums qui sont comme des pensées : une « pensée qui serait presque la sienne et qui murmure en lui. »
Ce bel album n’a pas fini de murmurer la poésie de son fleuve qui relie et sépare, de son monde flottant, alliant la profondeur des eaux à la hauteur du ciel.

Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?

Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?
Jessie Magana
Le baron perché, 2014

Bonne question, réponses multiples

Par Anne-Marie Mercier

En ces temps dComment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?e crispation sur le « genre » et sa « théorie », des ouvrages comme celui-ci, à la fois fermes sur le principe de l’égalité et pleins de bon sens quant à la connaissance des freins qui demeurent encore, sont extrêmement précieux. Ce n’est pas un ouvrage théorique mais il répond très précisément à la question posée par son titre. Il répond aussi aux « pourquoi » et « pour quoi ».

Après un court préambule sur le contexte actuel et sur l’le passé, il propose des activités pour éduquer à l’égalité et répond à une série de questions classées par thèmes : le corps, l’apparence, le sexe, l’identité sexuée et l’orientation sexuée, les rôles attitrés, les modèles féminins dans les religions, etc.

Complété par des illustrations variées et éclairantes, souvent drôles, un index, des suggestions de lectures complémentaires, c’est un excellent outil pour aider tous ceux qui travaillent auprès d’enfants et d’adolescents.