L’Adorable ours des neiges

L’Adorable ours des neiges
Lionel Tarchala
Sarbacane, 2023

L’amitié, envers et contre tout

Par Anne-Marie Mercier

Les deux héros de Lionel Tarchala poursuivent leur vie et leur amitié tumultueuse dans un beau récit pour l’hiver. Petit Homme Poilu (c’est ainsi que l’ours désigne le trappeur) appréhende de passer l’hivers seul, sans la compagnie de son seul ami, Grosse Bête Velue. En effet, celui-ci doit hiberner.
Ils se rencontrant une dernière fois avant de se séparer. Ils passent tout près d’une vraie rupture, chacun se retirant en colère avec le regret de n’avoir pas dit à l’autre « que quoi qu’il fasse il restera toujours son ami ». Réconciliations, rires, découvertes de nouveaux plaisirs (ils inventent la luge) et création de nouvelles occupations pour l’hiver (le Petit Homme va avoir du travail pour réparer ce qu’ils ont cassé).
Les illustrations sont drôles, dynamiques, évocatrices, et simples. Elles vont à l’essentiel et se contentent de quelques couleurs dans une dominante de bleus et de blancs sur fonds blancs.  Paquets de neige, plaisirs des glissades et du retour au coin du feu, c’est un très bel éloge de l’hiver et un joli renversement des clichés :  l’abominable (homme des neiges) devient l’adorable, les distractions urbaines sont renvoyées à leur vacuité et la solitude est le plus beau cadre pour l’amitié.
On voit ce duo prendre ici vraiment forme, très agréablement, développant ce que le premier volume de leur histoire, un peu mince, avait laissé en suspens : on souhaite longue vie et de nombreuses aventures à cette belle équipe.

Tout seul ?

Tout seul ?
Rosemary Shojaie

Traduit (anglais) par Michèle Moreau
Didier Jeunesse, 2020

« Ils ont fait la saison des amitiés sincères »

Par Matthieu Freyheit

« Comme la nature demeure pareille à elle-même, les amitiés vraies se perpétuent », suggérait Cicéron au 1er siècle avant J.-C. dans Laelius de amicitia. Pourtant, la nature a ses saisons, et l’amitié a peut-être les siennes, elle aussi. Ainsi Nico, le renard, laisse-t-il d’abord joyeusement s’écouler les saisons auprès de ses amis la loutre, le raton-laveur et le blaireau. L’on songe aux amis du Vent dans les Saules de Kenneth Graham, dont Alberto Manguel écrivait : « J’envie le lecteur qui s’apprête à ouvrir ces pages pour la première fois ; il va pénétrer dans un pays accueillant où l’attendent des compagnons qui, de toute sa vie, ne le quitteront plus. » L’on songe, aussi – et plus tristement –, aux amis du superbe Au revoir Blaireau de Susan Varley. Ce n’est cependant pas la mort qui sépare ici les amis, comme elle le fait chez Varley, mais le sommeil. L’hiver arrivant, Nico découvre ses amis profondément endormis. Et rien n’y fait, ni appels, ni chatouilles : la ‘morte’ saison s’annonce solitaire !
Alors, que faire lorsque l’amitié, soudain mise en absence, nous réduit au silence ? Nico se fabrique un ami imaginaire, renard de neige qui ne parle pas son langage et semble, tout compte fait, aussi seul que lui. Un échec, semble-t-il, que cet ami sans parole. La rencontre d’un renard blanc, de poils et de chair, et non de neige, viendra seule habiller l’hiver, le sommeil des uns devenant alors l’occasion de l’éveil d’une autre amitié, d’un nouveau langage partagé qui, seul, peut répondre par la négative à l’interrogation du titre.
Tout seul ? Peut-être. Mais les saisons de la solitude sont incontestablement moins longues que celles de l’amitié.

Les ouvrages sont nombreux qui, d’une façon ou d’une autre, traitent de l’amitié. Nous proposons notamment, sur ce thème conjugué à celui de la solitude, de revenir au sidérant (de force) Fox de Margaret Wild et Ron Brooks, publié en 2000 à l’Ecole des Loisirs.