L’Adorable ours des neiges

L’Adorable ours des neiges
Lionel Tarchala
Sarbacane, 2023

L’amitié, envers et contre tout

Par Anne-Marie Mercier

Les deux héros de Lionel Tarchala poursuivent leur vie et leur amitié tumultueuse dans un beau récit pour l’hiver. Petit Homme Poilu (c’est ainsi que l’ours désigne le trappeur) appréhende de passer l’hivers seul, sans la compagnie de son seul ami, Grosse Bête Velue. En effet, celui-ci doit hiberner.
Ils se rencontrant une dernière fois avant de se séparer. Ils passent tout près d’une vraie rupture, chacun se retirant en colère avec le regret de n’avoir pas dit à l’autre « que quoi qu’il fasse il restera toujours son ami ». Réconciliations, rires, découvertes de nouveaux plaisirs (ils inventent la luge) et création de nouvelles occupations pour l’hiver (le Petit Homme va avoir du travail pour réparer ce qu’ils ont cassé).
Les illustrations sont drôles, dynamiques, évocatrices, et simples. Elles vont à l’essentiel et se contentent de quelques couleurs dans une dominante de bleus et de blancs sur fonds blancs.  Paquets de neige, plaisirs des glissades et du retour au coin du feu, c’est un très bel éloge de l’hiver et un joli renversement des clichés :  l’abominable (homme des neiges) devient l’adorable, les distractions urbaines sont renvoyées à leur vacuité et la solitude est le plus beau cadre pour l’amitié.
On voit ce duo prendre ici vraiment forme, très agréablement, développant ce que le premier volume de leur histoire, un peu mince, avait laissé en suspens : on souhaite longue vie et de nombreuses aventures à cette belle équipe.

Vacances d’hiver

Vacances d’hiver
Mori
HongFei, 2024

La France en vitrine

Par Anne-Marie Mercier

Après ses Vacances d’été, Mori nous emmène en voyage d’hiver. Son petit personnage part cette fois du Japon (au lieu d’y aller comme c’était le cas dans l’album précédent), toujours avec son chat et toujours avec des tenues appropriées, pour l’une comme pour l’autre. Coiffés de jolis couvre-chefs, tous différents, choisis selon les circonstances, arborant des tenues rayées de bleu, blanc, rouge, ou de gros blousons (on songe aux poupée de carton à habiller dans les journaux d’autrefois), ils nous entrainent vers les plaisirs de l’hiver : visiter Paris (ah, l’opéra, les quais de Seine et Notre Dame…), glisser sur les patinoires, contempler la montagne avec ses téléphériques, faire de la luge… s’éblouir avec les cadeaux, les illuminations, tout cela émerveille… avant un retour sage chez soi, sur son tatami, une jolie tour Eiffel en souvenir sur une étagère et des images plein la tête.
Les très belles images de cet album sans texte (hors les pages de garde) qui sont autant de cartes postales, ou de capsules de mémoire, font aussi sourire par leurs détails  (les boulangeries fermées le lundi, un chat de neige à côté d’un bonhomme de neige contemplé, en miroir, par les deux amis, le lion de Béatrice Alemagna qui marche en bord de Seine… tout un voyage !

Les Moufles rouges

Les Moufles rouges
Illustrations de Chioki Okada – texte de Kirin Hayashi
Seuil Jeunesse 2013

Une séparation

Par Michel Driol

Les deux moufles d’une petite fille – Petite Puce – lui tiennent chaud lorsqu’elle fait un bonhomme de neige, et, pendant la nuit, elles sèchent devant le poêle. Mais lorsque Petite Puce perd Moufle Droite, un renard la trouve, et l’accroche à une branche. La tempête la fait tomber, et c’est un lapin qui la ramasse : elle devient couvre-théière, puis bonnet pour les lapereaux. Les cousins mulots sont envieux, et la récupèrent pour en faire un sac de couchage. Volée par une chouette, bien détricotée, elle devient le pull d’un écureuil qui la met à sécher sur un arbre. C’est là que les deux moufles se reconnaissent.

Cette histoire en randonnée est illustrée par Chioki Okada qui entraine le lecteur au cœur d’une lumineuse forêt enneigée, où le blanc bleuté de la neige contraste avec le gris marron des branches, et les taches rouges des moufles ou des baies. Forêt merveilleuse qu’on dirait de légende où vivent des animaux adorables.  Animaux anthropomorphisés, vivant dans une maison confortable comme les Lapins (on se croirait chez Beatrix Potter), un peu plus rustique chez les mulots. Animaux qui se dressent sur leurs pattes arrières comme le renard ou l’écureuil pour attraper la moufle. Des images pleines de vie, dans lesquelles les cadrages mettent en valeur la moufle rouge dans son périple.

Ces images accompagnent un texte dans lequel les deux moufles sont nommées, personnalisées et dotées de pensées et de sentiments. Elles s’unissent, prennent soin des mains de Petite Puce, Moufle Gauche se sent triste d’être séparée de l’autre moufle à laquelle elle pense. En revanche, on suit les tribulations picaresques de Moufle Droite, mais on ne sait rien de ses pensées et sentiments.  De sujet (comme Moufle Gauche), elle est devenue objet dans des phrases où agissent comme sujets les différents animaux. Ces non-dits laissent au lecteur le soin de les remplir, de s’interroger. Victime du sort, subit-elle sans se plaindre ? Ou se sent-elle utile dans une nouvelle vie qui la meurtrit, l’use petit à petit, mais où elle remplit un nouvel office au service des autres ? La fin affirme qu’elles sont aussi heureuses l’une que l’autre… C’est bien la question du bonheur et de l’acceptation du destin que pose cet album avec subtilité et délicatesse.

Un mot tout de même de la fillette, à qui sa maman tricote une nouvelle Moufle Droite, et qui semble avoir oublié la première. Elle n’était qu’un objet, perdu, qu’on a cherché, qu’on n’a pas trouvé…  Ingratitude des enfants tout à leurs activités? A la fin, elle ne voit pas l’ancienne Moufle Droite…

C’est bien d’une double séparation que parle l’album. Au niveau des Moufles, une vraie séparation, mais qui entraine l’acceptation du sort de chacun, et le plaisir de la rencontre éphémère. Au niveau de la fillette, oubli d’un objet vite remplacé. Double niveau de lecture donc dans ce bel album plein de douceur poétique.

Ours d’hiver

Ours d’hiver
Irène Schoch
Editions des éléphants 2023

V’là l’Hiver et ses dur’tés / V’là l’ moment de n’ pus s’ mettre à poils

Par Michel Driol

Aldo, comme chaque année à la fin d’un automne un peu plus long et chaud que d’habitude, découvre qu’il y a un parking à la place de sa tanière. Le voilà obligé d’affronter l’hiver, de trouver un abri, des vêtements chauds, des petits boulots. Dans ce monde dur, quelques coutumes l’étonnent, comme Noël , la galette des rois ou le carnaval. Il découvre enfin la solidarité de toutes celles et ceux qui l’aident à attendre l’été.

Il n’est pas simple d’aborder la question des sans-abris, du monde de la rue, avec des enfants. Irène Schoch le fait ici avec beaucoup de sensibilité. En choisissant d’abord d’inscrire son récit, par les illustrations, dans un univers composite où cohabitent des animaux très différents – mais anthropomorphisés – et des humains. Si l’on est bien dans un univers urbain, celui-ci est en quelque sorte étrangisé  par la diversité de ses habitants. Ensuite en choisissant de faire d’Aldo un narrateur toujours positif, content de ce qui lui arrive, satisfait de son sort. Cette solution narrative plonge le lecteur au plus près de ses émotions, réactions, inquiétudes et surprises devant cet univers de l’hiver qu’il découvre pour la première fois. Se mêlent ainsi, mises sur le même plan par le récit,  la dure découverte du monde de la précarité et celle, plus légère, de l’hiver et de ses coutumes par un animal étranger à cette saison. Le choix de l’ours n’est pas anecdotique* : c’était, au moyen âge, l’animal considéré comme étant le plus proche de l’homme (par sa stature, sa capacité à marcher sur deux pattes), il est aussi, en version jouet, le nounours dont chacun sait l’importance qu’il occupe dans l’imaginaire enfantin. C’est enfin par la façon de montrer le refus de l’exclusion et la solidarité active de toutes et tous que l’album illustre des valeurs d’entraide et de partage bien nécessaires aujourd’hui.  Pas de pathos, mais beaucoup de tendresse donc dans ce récit qui se situe par ailleurs dans un monde très contemporain : celui d’un changement climatique avec des automnes plus longs, celui d’une disparition de la nature sauvage pour faire place à une urbanisation de plus en plus poussée. Pas d’angélisme non plus : les premiers temps d’Aldo dans l’hiver sont difficiles. Pudiquement, il avoue n’être « pas toujours le bienvenu ». On appréciera la délicatesse de la litote. Les illustrations, pleines de couleur et de vie, sont très complémentaires du texte. Elles montrent des personnages le plus souvent souriants, complices.

Faire découvrir à des enfants l’hiver du point de vue des sans-abris, voilà le défi que relève avec justesse cet album porteur d’un bel espoir dans l’humanité !

* On rapprochera ce choix de celui de Franck Tashlin dans Mais je suis un ours moi !, dans les années 1970.

La Ruelle d’hiver

La Ruelle d’hiver
Céline Comtois – Illustrations de Geneviève Després
D’eux 2022

Et ces hivers enneigés / À construire des igloos / Et rentrer les pieds g’lés / Juste à temps pour Passe-Partout

Par Michel Driol

C’est l’hiver. Elodie attend sagement la permission d’aller jouer dehors, dans la neige. Elle escalade une montagne de neige, est rejointe par une amie, puis d’autres, et ensemble ils renforcent les murs de leur fort de neige, le décorent de fanions… Et au moment où le soleil va se coucher commence la grande bataille contre leurs adversaires, une multitude de bonhommes de neige, coincés « entre les murs des hangars et les maisons tricotées serrées »…

Un seul regret en lisant cet album, c’est de ne pas avoir à l’oreille l’accent du Québec… On retrouve Élodie, celle de l’album précédent, La Ruelle, dans un hiver montréalais propice à faire naitre la chaleur des amitiés dans les jeux et les rires des enfants. Dans la neige blanche se détachent les frimousses roses ou bronzées des enfants du quartier, prompts à se lancer des boules de neige sans aucune agressivité. Ce n’est qu’un jeu. Au-delà de cette histoire d’amitié, on voit des enfants envahir sans peur un espace public, celui de la rue, une rue où l’on se sent en sécurité puisqu’on connait tous les voisins. C’est cet espace de liberté qui parait sans prix dans cet album, comme une ode à une certaine façon de vive son enfance, entre soi, à partager le même imaginaire et les mêmes plaisirs… On songe à ces « copains de perrons aujourd’hui dispersés aux quatre vents » de la chanson Frédéric, de Claude Léveillé… Pour le lecteur français, c’est un réel dépaysement de trouver des enfants jouant librement, en plein hiver, dans un espace urbanisé, jouant comme Don Quichotte à se battre contre une armée immense – non pas de géants – mais de bonhommes de neige… Quoi de plus pacifique ? C’est Elodie la narratrice, qui, dans une langue simple, se montre sensible à l’opposition entre le calme du paysage endormi par l’hiver et l’agitation des enfants et qui chronique cet après-midi d’hiver, à la fois si ordinaire et si extraordinaire. L’album est magnifiquement illustré par Geneviève Després, dans un format à l’italienne qui élargit l’espace, et qui demande parfois de retourner le livre pour deux illustrations verticales qui  ouvrent l’espace vers le ciel ou le resserrent entre les deux côtés de la ruelle. On prend plaisir à voir, au milieu des boules de neige qui volent, les bouilles des enfants, et cette joyeuse complicité si bien mise en image.

Un album plein de petits détails qui laissent entrevoir la magie de l’hiver dans les villes du Québec… Rafraichissant et chaleureux en ces temps de dérèglement climatique !

Chroniques des Cinq Trônes, t. 1 : Moitiés d’âme

Chroniques des Cinq Trônes, t. 1 : Moitiés d’âme
Anthelme Hauchecorne
Gulf Stream, 2019

Sorcellerie pour l’hiver

Par Anne-Marie Mercier

C’est d’abord un bel objet que ce livre : une couverture rigide, un ruban comme signet, une belle illustration de première et quatrième de couverture (du graphiste O’lee – joli nom ! –) qui travaille également dans les pages intérieures pour de multiples vignettes, avec des couleurs qui imitent les gravures anciennes ou, dorées, qui accrochent l’œil, une typographie  à l’ancienne, une tranche décorée d’une figure inquiétante que l’on retrouve dans le livre : celle de Dame Hölle, la fée de l’hiver, plus sinistre encore que la Reine des neiges…
En effet, le royaume de fantaisie pour la jeunesse est parfois bien noir, loin des pensionnats de Poudlard. L’obscurité est ici double dans la mesure où comme la protagoniste principale on entre difficilement dans une histoire dont bien des clefs nous échappent et dont la première moitié est un peu escarpée, et même triple par la nature du décor, une sombre forêt inquiétante aux arbres vivants.
Liutgarde, jeune mägeresse, a fui l’époux qu’on lui avait imposé et est tombée amoureuse d’un autre mage, au passé mystérieux. On les voit cheminer dans les forêts du nord pleines de magie, en compagnie d’une caravane de plus ou moins mages, plus ou moins forains, et tenter d’en sortir vers le sud où règne la magie du printemps et de l’été. C’est sans compter sur la furie de la dernière des fées, race que l’on croyait éteinte, Dame Hölle (qui porte le même nom que la dame Hiver de Grimm). Lutte de clans, interventions d’armées entières, mise en œuvre de pouvoirs magiques terribles, trahisons, tout donne au roman dans sa deuxième partie une allure épique et sombre. La suite promet d’être touffue et captivante.

D’après Wikipedia, Anthelme Hauchecorne [joli nom !], né le 27 janvier 1980, est un auteur de romans et nouvelles fantastiques, ancrés dans des univers gothiques, baroques ou steampunk [joli nom !]. Voir son site

Des ailes dans la nuit

Des ailes dans la nuit
Jane Yolen – John Schenherr
d2eux 2017

A la recherche du grand duc…

Par Michel Driol

d2eux, éditeur canadien, a la bonne idée de republier un album paru en 1987, illustré d’aquarelles sublimes.

Un soir d’hiver, une petite fille part avec son père courir le grand-duc dans la forêt voisine pour la première fois. Pour cela, il convient de rester silencieux, c’est pourquoi tous les bruits se détachent, celui du train, du chien, le crissement des pas. Malgré le froid mordant, la fillette continue d’avancer, tandis que son père hulule pour appeler l’oiseau qui, finalement, se montre. Et c’est le retour à la maison.

Inspiré d’un souvenir familial, le texte de Jane Yolen est d’une grande simplicité poétique. S’y croisent les émotions et les sensations de la petite fille, ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, avec les consignes du père, récurrentes, qu’elle reprend : Quand on court le grand-duc, on doit… L’ouvrage évoque une quête au sein d’une nature sauvage, quête d’un oiseau de nuit, magnifique et libre, ce qu’il faut de patience et de persévérance pour tenter de le voir, un instant. Cette chasse du grand-duc a aussi un côté initiatique : il faut vaincre ses peurs, ses craintes pour enfin approcher de l’oiseau convoité, un instant.

Ce texte est magnifiquement illustré par les aquarelles de John Schenherr, qui peignent un paysage de neige, de forêt majestueuse et sombre,  de ferme perdue dans une immensité blanche. De ci de là, on croise des animaux sauvages bien cachés. Comme un fil conducteur, on suit la fillette et son père, tantôt en plan large, tantôt en gros plan, comme pour mettre l’accent sur cette relation particulière qui se noue ici entre les deux personnages.

Un album à contempler, pour percevoir les mystères et la grandeur de la nature sauvage.

Noël au printemps

Noël au printemps
Dedieu
Seuil Jeunesse, 2019

Comment pouvait-on rater la fête de Noël?

Par Christine Moulin

L’objet est magnifique: de grand format, il offre généreusement les splendides dessins de Dedieu, devant lesquels on s’étonne que quelqu’un qui a créé Yakouba, puisse, avec autant de talent, proposer des illustrations au trait aussi réaliste « où palpitent mille nuances de marron, au plus près de la matière enveloppant le vivant » selon les mots de Marine Landrot dans Télérama. Ainsi, dès la première double page, le lecteur fait connaissance avec une chouette, un rouge-gorge, un mulot, un hérisson et un écureuil, auxquels il est facile de s’attacher d’emblée, surtout quand s’annonce une belle histoire d’amitié: ces petits animaux, « unis comme les doigts d’une patte », on le sent bien, sont, comme si souvent en littérature pour la jeunesse, des substituts d’enfants, qui passent « leur journée à discuter, à jouer, à se déguiser. » Elle est donc d’autant plus poignante, cette page qui montre le hérisson de dos, au milieu de feuilles mortes: l’hiver, ou même pire, rôde… Il lui faut hiberner. Dedieu sait alors avec une infinie délicatesse suggérer le chagrin de ses amis, tous montrés de dos: la patte de l’écureuil, posée sur l’épaule du mulot, pour tenter vainement de le consoler, est d’une tristesse infinie… Une question taraude nos amis: « Comment pouvait-on rater la fête de Noël? » Le problème est posé: malgré plusieurs tentatives pour être présent, le hérisson s’endort et son absence est cruelle. La solution, dont nous pourrions en ces temps troublés sans doute nous inspirer, s’impose: il suffit de fêter Noël au printemps! Manque la neige: mais le mulot a une idée, que rappellent délicatement les pages de garde arrière. Le propos peut sembler ténu et pourtant, on ne peut que s’émouvoir devant cette histoire d’amis qui font preuve de tant d’inventivité pour surmonter les obstacles que la nature dresse devant leur volonté de partager toute joie.

A lire: la très belle analyse de Marine Landrot

Tout seul ?

Tout seul ?
Rosemary Shojaie

Traduit (anglais) par Michèle Moreau
Didier Jeunesse, 2020

« Ils ont fait la saison des amitiés sincères »

Par Matthieu Freyheit

« Comme la nature demeure pareille à elle-même, les amitiés vraies se perpétuent », suggérait Cicéron au 1er siècle avant J.-C. dans Laelius de amicitia. Pourtant, la nature a ses saisons, et l’amitié a peut-être les siennes, elle aussi. Ainsi Nico, le renard, laisse-t-il d’abord joyeusement s’écouler les saisons auprès de ses amis la loutre, le raton-laveur et le blaireau. L’on songe aux amis du Vent dans les Saules de Kenneth Graham, dont Alberto Manguel écrivait : « J’envie le lecteur qui s’apprête à ouvrir ces pages pour la première fois ; il va pénétrer dans un pays accueillant où l’attendent des compagnons qui, de toute sa vie, ne le quitteront plus. » L’on songe, aussi – et plus tristement –, aux amis du superbe Au revoir Blaireau de Susan Varley. Ce n’est cependant pas la mort qui sépare ici les amis, comme elle le fait chez Varley, mais le sommeil. L’hiver arrivant, Nico découvre ses amis profondément endormis. Et rien n’y fait, ni appels, ni chatouilles : la ‘morte’ saison s’annonce solitaire !
Alors, que faire lorsque l’amitié, soudain mise en absence, nous réduit au silence ? Nico se fabrique un ami imaginaire, renard de neige qui ne parle pas son langage et semble, tout compte fait, aussi seul que lui. Un échec, semble-t-il, que cet ami sans parole. La rencontre d’un renard blanc, de poils et de chair, et non de neige, viendra seule habiller l’hiver, le sommeil des uns devenant alors l’occasion de l’éveil d’une autre amitié, d’un nouveau langage partagé qui, seul, peut répondre par la négative à l’interrogation du titre.
Tout seul ? Peut-être. Mais les saisons de la solitude sont incontestablement moins longues que celles de l’amitié.

Les ouvrages sont nombreux qui, d’une façon ou d’une autre, traitent de l’amitié. Nous proposons notamment, sur ce thème conjugué à celui de la solitude, de revenir au sidérant (de force) Fox de Margaret Wild et Ron Brooks, publié en 2000 à l’Ecole des Loisirs.

Contes de la Vallée – Bonjour Monsieur Froid

Contes de la Vallée – Bonjour Monsieur Froid
Carles Porta
Seuil Jeunesse 2018

Un album aux odeurs de mousse, de forêt et de pays des fées

par Michel Driol

Les Contes de la Vallée sont une nouvelle série, en quatre épisodes, de Carles Porta. Bonjour Monsieur Froid en est le second volume.  Monsieur Froid, passionné pour la musique mais rejeté par ses proches et la fanfare de la ville, trouve refuge dans une vallée secrète. La Vallée. Là, il est aidé par la petite ballerine à tête d’oignon, qui le recouvre de tant de vêtements chauds qu’il ressemble à un monstre informe. En chemin, il porte secours à la petite louve, Yula. Mais les autres animaux de la vallée croient que Yula a été kidnappée et se déguisent en ver de terre géant pour la libérer et, découvrant leur méprise, se montrent accueillants pour Monsieur Froid. Et l’on attend le printemps, et le prochain épisode.

L’histoire plonge le lecteur en pleine fantaisie farfelue. Les personnages sont excentriques : depuis Monsieur Froid, amateur d’une musique qui ne fait pas l’unanimité, TIN-BLIN-TUT, espèce de grand échalas dont le visage n’est jamais représenté, métamorphosé en géant sous ses nombreuses  couches de vêtements. Une petite ballerine à tête d’oignon, un peu magicienne sur les bords. Une louve coquette et musicienne, pour n’en citer que quelques-uns. Quiproquos et déguisements improbables se succèdent à un rythme endiablé.  Inversions également : si l’homme trouve refuge dans un tronc d’arbre, les animaux vivent dans de superbes maisons, avec tout le confort ! Les illustrations renforcent l’aspect non réaliste du livre : très expressives,  elles plongent dans des univers très différents. Monstres et fossiles au fond de la terre,  maisons en équilibre sur des branches d’arbre. A la façon de la bande dessinée, elles peuvent intégrer du dialogue, ou des musiques traitées de façon graphique. Certaines pages regorgent de détails qu’il sera intéressant d’explorer. D’autres au contraire se concentrent sur l’action et les réactions des personnages.

L’histoire paraitra peut-être difficile à suivre pour les plus jeunes, dans ses rebondissements inattendus. Mais ils entreront sans doute dans cet univers poétique et la conclusion les réjouira : l’accueil d’un nouvel ami, autour des jeux et de la musique, dans la chaleur de l’arbre creux, leur parlera certainement.