Jeu de loup

Jeu de loup
Philippe Jalbert
Thierry Magnier, 2012

Le jeu de la peur

par Anne-Marie Mercier

Un loup court. Sur plusieurs doubles pages, il court, comme faisant du sur place avant l’assaut final. On ne dira pas la chute, charmante, qui désamorce l’angoisse de façon radicale, le jeu remplaçant le drame. Mais il faut signaler de très belles pages rouges qui font voir ce que peut être une faim de loup, « faim de lapins, faim de moutons, faim d’enfants… ».

En peu de mots et peu de pages, c’est toute une gamme d’émotions que livre Philippe Jalbert.

Méto, 1, 2 et 3

Méto: t. 1 (La maison), 2 (L’île), 3 (Le monde)
Yves Grevet
Syros, 2008-2010

SF en poupées russes

par Anne-Marie Mercier

meto.jpgLa trilogie de science fiction d’Yves Grevet se clôt avec le troisième tome de Méto. Rarement une œuvre de science fiction française aura créé avec autant de cohérence un univers aussi original que sobre et rarement (jamais ?) une œuvre pour la jeunesse aussi classique de ce genre aura été d’une telle qualité, sans concessions quant à la violence et à la noirceur.

Le monde de Méto est un univers de poupées russes à l’envers : chaque volume fait découvrir dans quel ensemble plus large il se trouve, et chaque ensemble est aussi noir et limité que le précédent. La maison est une prison, située dans une île concentrationnaire, elle–même placée dans un monde fermé où la seule issue est… le retour à la Maison.

A signaler également, la réussite graphique des volumes, qui déclinent bien répétition et variation et offrent une mise en image intéressante de ce monde.

tome 1 : la maison

Prison d’enfants

meto1.jpgRoman d’anticipation, de formation, de collège, La Maison est tout cela sous le signe général de l’enfermement. Des garçons sont réunis dans une maison qui est tout leur monde : amnésiques, ils n’ont pas accès à leur passé, sans famille ils ne se souviennent pas d’en avoir eu une. Ils n’ont pas de futur non plus, ignorant ce que deviennent ceux d’entre eux qui arrivent à l’adolescence et disparaissent. Ils ignorent aussi qu’un autre sexe existe.

Dirigés par des hommes nommés « César » (César 1, César 2 etc.), eux mêmes portent des noms aux consonances romaines (Claudius, Crassus, Paulus…). La discipline est militaire, carcérale aussi. Les plus vieux initient les plus jeunes. L’entraînement se fait dans un jeu collectif très violent, seul dérivatif à la tension qui les habite tous, et on y joue avec la mort.

Tentatives de comprendre, de savoir qui sait, de connaître ses vrais amis et les distinguer des traîtres, de trouver des échappées, d’ouvrir des portes, de renouer avec des bribes de souvenir… tout cela est mené par le héros, Méto, qui raconte à la première personne dans un style très simple et factuel et entraîne ainsi le lecteur dans ce monde opaque et inquiétant
(article  paru
antérierement sur Sitartmag)

tome 2 : l’île

Prison à ciel ouvert

meto2.jpgEvadé de la maison, Méto découvre que le paradis de la liberté est encore loin, plus loin même que dans le volume précédent. Ce deuxième univers est lui aussi fait de couloirs, de recoins, de complots, encore plus sombres que les précédents (au propre comme au figuré). Le héros passe par de multiples souffrances aussi bien physiques que morales. L’un des mérites de l’ouvrage, à ajouter à son originalité et à son mystère, réside dans la manière de les décrire : guérir est lent, difficile, demande beaucoup de patience, et parfois n’advient pas. Autre mérite : le bien et le mal sont liés et on ne sait plus bien ce qui est le pire, le pouvoir de la maison ou celui qui règne sur l’île. La trahison et la déception alternent avec les moments d’éclaircie, jusqu’au moment où l’on retourne à la case départ… la maison.

tome 3 : le monde

L’avenir en prison

meto.jpgDe retour dans la maison, Méto apprend encore beaucoup de choses. Son sens logique et ses talents de manipulateur font merveille et donnent lieu à d’excellentes pages. Ils lui permettent de lever tous les mystères : d’où il vient, qui il est, qui a créé la Maison, pourquoi il s’y trouve et ce que le monde a à leur offrir. Tout cela rassemble de nombreux thèmes de la science fiction et les entremêle de façon très cohérente (catastrophe, savants amoraux, manipulations de la mémoire, nouvel ordre social, éducation, jeux…) pour créer un monde parfaitement dystopique.

La découverte du sexe féminin, ébauchée dans le précédent volume, montre un traitement du genre sans stéréotypes et Méto et sa compagne semblent prêts pour un avenir qu’ils auront contribué à construire, libre mais clos, imparfait mais humain. Ce dernier volume répond à toutes les questions tout en proposant une fin ouverte que chaque lecteur pourra imaginer à son gré, tant que l’œuvre lui restera en mémoire, c’est-à-dire longtemps, vu sa qualité.

 

 

Le Grand Livre des petites choses

Le Grand livre des petites choses
Keith Haring

La Joie de lire, octobre 2010

Keith Harring ressuscité !

par Sophie Genin

9782889080496.gifEn 1988, Keith Haring offrait, pour son septième anniversaire, un livre d’activités artistiques, à la fille d’un ami, Nina Clemente. Par chance, cette dernière, devenue adulte, a accepté que cet album, véritable initiation à l’art selon Keith Haring soit publié donc mis à la portée du plus grand nombre.

Cette suite de propositions jubilatoires invite le lecteur à agir sur l’oeuvre. L’artiste lui demande par exemple : « colle ou scotche des petites photos de tes petits amis ou des petites photos de tes grands amis ou des dessins de tes petits amis ou des dessins de tes grands amis découpés et recadrés mais encore… ». C’est-à-dire qu’il ne lui impose rien. Il ne s’agit pas ici de colorier comme le modèle mais bien de créer, comme on le lit sur la page « Instructions » au début de l’album : « ceci est un livre pour les petites choses de Nina. Celles que tu découvres ou que tu collectionnes, les choses que tu fabriques, celles que tu dessines, les choses que les gens t’offrent, les choses que tu veux garder dans ce livre, mais surtout – très important – les petites choses. Si tu veux collectionner des grandes choses, prends une boîte. »

L’ensemble n’est pas dénué d’humour, comme lorsque l’enfant tombe sur cette injonction : « N’UTILISE PAS CETTE PAGE !!! » suivie par « JE PLAISANTE ! ah-ah ! » ou « O.K. je sais que tu voulais quelques pages pour coller des petits AUTOCOLLANTS, alors vas-y !! » ou encore quand l’enfant a l’opportunité de coller sa collection de… flocons de neige !

On ouvre l’album avec curiosité, on le feuillette avec envie et enthousiasme et, lorsqu’on le referme, on pense comme Keith Haring : « Souviens-toi que les petites choses sont parfois les meilleures de toutes. »

Attends moi !

Attends moi !
Stéphanie Blake

L’école des loisirs, 2011

Un album vitaminé

Par Caroline Scandale

Attends moi .gifUn petit loup nous entraîne dans sa course folle. Avec son copain lapin, ils s’amusent à faire du skate board. Leur vitesse est telle qu’ils s’envolent en percutant un escargot et retombent dans une voiture. A son tour le gastéropode rigolo leur demande de l’attendre car il veut aussi jouer avec eux. Désormais à trois, ils roulent oreilles et antennes au vent, et invitent le jeune lecteur à les rejoindre dans leur monde acidulé et plein de pep’s.

Album cartonné déal pour les petits loups balbutiants, avides de découvertes et d’histoires à croquer…