Mademoiselle princesse veut être grande

Mademoiselle princesse veut être grande
Christine Naumann-Villemin et Marianne Barcilon
Kaléidoscope, 2022

Super princesse

Par Anne-Marie Mercier

On retrouve avec plaisir la dynamique « Princesse coquette ». Éliette cette fois est face à la question Grand / Petit qui intéresse tant les enfants, et on les comprend. La scène se passe à la plage où, avec sa cousine, face à de multiples interdits au motif de leur âge, elles se rebellent en décidant d’adopter un crabe pour l’élever comme elles souhaiteraient l’être, sans interdit.
Le crabe à peine trouvé (on ne saura pas si c’est une fille ou un garçon, Lili-Mayonnaise ou Jean-Bouillabaisse), elles doivent l’abandonner pour courir au secours d’un bébé en détresse sur la plage. Devenues héroïnes du jour, elles savourent leur nouveau statut de grandes, jusqu’au moment où Éliette va trop loin, pour notre plus grand bonheur…
Les dessins sont drôles, expressifs et parfois beaux (de jolis effets d’aquarelles), et les dialogues sont naturels et pleins d’idées coquasses (comme les glaces au parfum lapin-carotte ou bave de crabe).
Testé et adopté !

 

L’escargot

L’escargot
Minu Kim
Ecole des loisirs 2022

Eloge de la lenteur

Par Michel Driol

Le frère ainé interdit à son cadet de suivre les grands : eux ont un vélo, lui n’a qu’une draisienne.  Pourtant petit frère, le héros, veut suivre, mais se laisse distancer, et heurte un caillou qui l’envoie chuter dans le pré. Reprenant ses esprits, il rencontre un escargot, et découvre le monde autrement. Finalement, c’est bien de prendre son temps, conclut-il.

Voilà une histoire qui se déploie en peu de mots, qui suivent les pensées du héros, dans un noir et blanc aérien, léger, et qui aborde avec délicatesse le rapport des petits frères aux grands frères, mais surtout la question du rapport au temps des enfants. Quel enfant n’a pas voulu grandir plus vite, aller plus vite, suivre les plus grands ? Tel est bien le héros de cette histoire, en colère parce que méprisé par son grand frère, vexé, faisant tout pour le rattraper, être son égal, être enfin grand lui-aussi. Pauvre petit bonhomme perdu dans un immense paysage en noir et blanc, minuscule au milieu des immeubles, solitaire au milieu des herbes, avec la seule tache rouge de son casque.  Jusqu’à la rencontre avec l’escargot, autre tache rouge dans le paysage. Et ensuite tout change. Le noir et blanc fait place à de belles couleurs, celles d’un coucher de soleil, d’un paysage et d’un ciel magnifiés. Toutes choses que l’enfant n’aurait pas vues s’il n’avait pas pris le temps de les regarder. La narration se conduit avec une grande économie de moyens graphiques, qui font alterner des pleines pages avec des pages où des vignettes montrent tantôt l’accélération de la vitesse de l’enfant lors de sa chute, tantôt  le temps qui semble se ralentir, le préparant à la rencontre initiatique avec l’escargot.

Voilà donc un album plein de sagesse qui apprend à s’accepter tel qu’on est, dans sa lenteur, dans sa petitesse, dans son âge, condition pour trouver une paix intérieure et sa place dans le monde…

Le Petit Pompier

Le Petit Pompier
Margaret Wise Brown, Esphyr Sloboddkina
Didier jeunesse (cligne cligne), 2014

Grand/Petit, Ancien / Moderne

Par Anne-Marie Mercier

le-petit-pompierPublié pour la première fois en 1938, cet album qui connut un grand succès aux États-Unis est édité ici pour la première fois en France : dans la collection que Didier jeunesse a dédiée aux œuvres de la littérature de jeunesse internationale mal connues chez nous (du même auteur, a paru précédemment Une Chanson pour l’oiseau).

L’histoire est apparemment très simple : il était une fois grand pompier… Il est appelé pour éteindre un incendie ; il y parvient, rentre chez lui dit, s’endort et rêve… qu’il éteint un incendie.

Seulement voilà : l’histoire est double. Parallèlement, sur la même page, mais en caractères et en dessins plus petits, on nous raconte l’histoire d’un petit pompier à qui il arrive les mêmes choses, avec de très légères différences et c’est ce qui fait tout le sel de l’histoire, quasi philosophique.

Les illustrations en papier découpé, une nouveauté à l’époque donnent un cadre coloré et stylisé  qui convient parfaitement  au propos. Ainsi ce n’est pas seulement une réédition qui permettrait de connaître des expérimentations en la littérature de jeunesse (Bank Street School proposait à un auteur ayant une expérience pédagogique de s’associer à un artiste pour créer des albums différents). Ce petit chef-d’œuvre est toujours aussi efficace, avec ses couleurs éclatantes et ses jeux sur le grand et le petit, dans les mots comme dans les formes.