Le Petit Principe

Le Petit Principe
Eva Almassy

L’école des loisirs (neuf), 2014

Un Petit Prince pour le XXIe siècle

Par Anne-Marie Mercier

Les réécLe Petit Principeritures ne sont pas toujours intéressantes en elles-mêmes, à quelques exceptions près (J’étais un rat de P. Pullman, L’Enfant Océan de JC Mourlevat…), et certains ouvrages semblent difficiles à imiter; Le Petit Prince est de ceux-la. On connaît d’ailleurs une série calamiteuse, à éviter, comme je l’écrivais dans une chronique de 2011. Mais il y a de bonnes surprises, comme le livre d’Eva Almassy.

L’idée de transposer la rencontre dans l’espace est belle ; elle est évidente après coup comme toutes les bonnes idées : le désert a été galvaudé aujourd’hui, survolé en hélicoptère, sillonné de 4×4. Il n’est plus dans notre imaginaire le lieu de la solitude absolue et sans remède ; l’espace interstellaire (oui, le film du même nom qui vient de sortir, et Gravity, le montrent bien) l’a remplacé. Donc, le narrateur, sorti de sa navette en scaphandre d’astronaute, répare sa machine, clef à molette en main. Arrive un enfant… et le dialogue s’engage entre l’adulte, agacé puis curieux, et l’enfant, perdu et questionneur. Il a voyagé de trou noir en trou noir, échappé aux requins de l’espace, et a fait des rencontres.

Les personnages du Petit Prince (dont on peut se demander s’ils signifient toujours quelque chose aux enfants, tant ils sont loin de leur monde, comme l’allumeur de réverbères) sont remplacés par d’autres, tout aussi étranges mais plus proches : professeur de physique, psychologue, adepte de sports extrêmes, magasinier, directeur de casting, ces personnages adultes ou adolescents sont tous pris dans des logiques absurdes et aveugles. Le petit Principe (je vous laisse découvrir la raison de son nom) rencontre même le temps, qui lui apparaît sous différentes formes illustrant la relativité de cette idée, et son importance pour les enfants : ainsi la réflexion sur le temps est au cœur du livre : temps perdu ou gagné, temps gâché ou rempli, temps donné ou temps volé.

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C’est une belle réussite, écrite dans une marquèterie de styles oraux, chaque personnage ayant le sien, le narrateur inclus, un livre attachant et étrange. Les illustrations de Thanh Portal, proches de l’esprit de celles de Saint-Exupéry, plus encore que celles de Sfar, sont parfaites pour accompagner ce joli livre.

Voir aussi l’album Le Pilote et le Petit Prince. La vie d’Antoine de Saint-Exupéry
Peter Sís (Grasset Jeunesse, 2014)

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http://www.lietje.f

 

r/2014/10/24/le-pilote-et-le-petit-prince-la-vie-dantoine-de-saint-exupery

 

 

Et bientôt,… La Petite Princesse de Saint-Ex de Pef.

Sur la bouche

Sur la bouche
Antonin Louchard
Thierry Magnier (tête de lard), 2011

Cap ou pas cap d’embrasser cet album ?

par Sophie Genin

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Antonin Louchard l’avait déjà commis en 2003 chez un autre éditeur. Il se fait plaisir (et à nous par la même occasion !) en rééditant ce petit album cartonné, « à embrasser », comme nous l’apprend la couverture, dans la collection dont il est responsable chez Thierry Magnier.

« Livre à embrasser », en effet, car le pauvre prince transformé en crapaud par un « sorcier très méchant » demande à une princesse qui lirait cette histoire de le délivrer de sa malédiction en l’embrassant, tour à tour sur le front, les yeux, les pieds, les mains… jusqu’au baiser salvateur. Mais la fin, surprenante, c’est peu de le dire, nous fera, comme très souvent chez cet auteur illustrateur de talent, nous esclaffer et crier « beurk » en même temps !

De plus, outre les références aux contes de fées traditionnels et l’humour décapant de son auteur, le texte, écrit en jaune sur fond rouge, rime. Citation à l’appui, comme mise en bouche (!), pour finir :

« Mais il me faut
une vraie princesse
pas une grenouille
avec des tresses
pour que le charme soit brisé
Embrasse-moi sur les pieds. »