Cherub encore (8 1/2)

Cherub, vol. 81/2 : Soleil Noir
Robert Muchamore

Traduit (anglais) par Antoine Pinchot
Casterman, 2012

Personnages mécaniques pour lectures univoques

Par Matthieu Freyheit

CherubSoleil NoirDans un billet publié le 22 février 2012 sur ce même site, Anne-Marie Mercier s’interrogeait sur le succès de cette série « enfin » publiée chez Casterman. À mon tour aujourd’hui de demander sobrement : pourquoi ? Des raisons, il y en a sans doute à foison, mais peu que nous ayons envie de prendre en compte, peu dont nous voudrions bien nous satisfaire, quitte peut-être à passer pour de vieux réactionnaires…

Cherub, pour les non initiés, désigne un département particulier des services de renseignements britanniques. Particuliers parce qu’il regroupe des agents mineurs (de 10 à 17ans) choisis dans les orphelinats du pays et soumis à un entraînement intensif. Les jeunes agents sont sensés intervenir lors de missions au cours desquelles des agents adultes ne pourraient passer inaperçu. Cet univers, qui caresse dans le sens du poil la part la moins riche de la culture des jeux vidéo, tente de se rendre fascinant – dans son absence de complexité – aux yeux de lecteurs et lectrices auxquel(le)s on n’explique pas que les enfants-soldats, ça existe, au sein d’une réalité nettement moins reluisante.

Bref, si le succès de cette série revient à révéler les désirs adolescents de violence, de guerre, de journées passées à l’apprentissage d’une multitude d’armes et de techniques de combat (c’est tellement plus fun que l’école…), alors oui : inquiétons-nous. Car Cherub, dans ce volume en tout cas, ne pose aucune question, n’autorise aucun autre degré de lecture, et ne sert finalement que son propre système : l’univocité. Le mauvais goût commun aurait-il lui aussi son idéologie ? En découlent des personnages mécaniques, surentraînés et inintéressants. Greg et Andy, dans cette mission 81/2, sont mis sur la piste d’une organisation criminelle appelée Soleil Noir. Objectif : se faire inviter chez un copain de classe de Greg (pour l’occasion infiltré dans un établissement classique) afin de pouvoir enquêter sur le père de celui-ci. Entre alcool, jeux vidéo et arts martiaux, l’auteur propose des personnages physiquement précoces mais intellectuellement et surtout émotionnellement retardés. Rien, on ne ressent rien. « Bien joué ! », s’amuse finalement l’un d’entre eux lorsque la nouvelle bibliothèque du campus de Cherub, à l’instant de son inauguration, est partiellement détériorée par de jeunes agents en mal d’action.

Pour les fans, tout de même, le site internet très complet comporte des interviews de l’auteur (« Ten minute guide to become a literary genius »…), un lexique spécifique à l’univers de Cherub, un descriptif des personnages, des cartes, des bonus, et autres goodies.

Par ailleurs, la série des Cherub se prête fort bien à la multiplication de fanfictions, i.e. écrits de fans qui visent à compléter une œuvre et ses personnages, en leur ajoutant des épisodes, des annexes. Une bonne manière, pour le coup, de réinvestir la série avec peut-être plus de sensibilité que l’auteur lui-même, et de prêter à l’ensemble un peu de cette humanité et de cette complexité qui lui font gravement défaut.

 

100 jours en enfer

100 jours en enfer
Robert Muchamore, John Aggs, Ian Edginton
Casterman, 2012

Manga douteux

Par Anne-Marie Mercier

On a dit il y a quelques temps tout le mal que l’on pensait de l’idéologie portée par la série romanesque Cherub qui a commencé avec ce volume. On sait qu’elle compte environ 3 millions de lecteurs, 2 600 fans face book… Ces nombres vont sans doute augmenter avec la version BD.

L’esthétique proche des mangas malgré sa colorisation est bien adaptée au récit, le scénario est efficace, pour un peu on aimerait… Curieux comme les idées se « voient » moins en images…

Henderson’s Boys, t. 4: Opération U-Boot

Henderson’s Boys, t. 4: Opération U-Boot
Robert Muchamore
Casterman, 2011

Plouf !

par Anne-Marie Mercier

Cette série raconte les aventures du fondateur de Cherub, l’école de jeunes espions qui a donné son nom à une série hélas désormais «culte».

Le cadre est celui de la deuxième guerre mondiale, dans la France occupée. Les jeunes gens sont très héroïques, l’ennemi très méchant. La possibilité d’être torturé est une obsession qui rappelle le goût des romans d’espionnage les plus douteux pour les scènes de ce genre. Seule originalité, le héros adulte est peu recommandable sur le plan moral, se saoulant et cherchant à séduire une de ses très jeunes coéquipières le jour même de la naissance de son premier enfant. Certes, Les adultes sont rarement des modèles en littérature pour adolescents, mais ici le problème est que ce personnage est Le modèle.

Ajoutons que les dialogues sont affligeants et que ce roman manque parfois de rythme et souvent d’intérêt.

 

 

 

 

 

Cherub, vol. 1: Cent jours en enfer

Cherub, vol. 1: Cent jours en enfer
Robert Muchamore

Traduit (anglais) par Antoine Pinchot
Casterman, 2011

Petit manuel de machiavelisme pour les enfants

Par Anne-Marie Mercier

michael gerard bauer,moby dick,timidité,persécution,école,parole,éloquence,concours,cancer,castermanLe premier tome de la série « culte » de Cherub est publié en poche… Enfin, direz-vous ? Hélas, plutôt… Bien sûr, ce sont des romans d’action bien menés ; bien sûr le jeune héros, James, petit délinquant qui ne pense qu’à jouer à la PlayStation et à regarder la télé et qui est sauvé par l’ »organisation » Cherub peut séduire certains.

Mais l’école de Cherub ressemble beaucoup à un camp d’entraînement (le titre, « 100 jours en enfer », désigne le programme d’entraînement intensif des futurs agents-espions), la discipline est menée à coup de punitions humiliantes, l’enseignement présenté comme un enseignement d’élite pour une élite (10 élèves par classe).

Enfin, sur le terrain, les jeunes gens ont une activité d’espions : mensonge, dissimulation et trahison sont leur domaine. Le seul interdit (« ne pas nuire à des innocents ») est hardiment franchi au prétexte que « on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs ». La volonté d’entrer dans la complexité est intéressante, mais

Le succès de la série montre-t-il que le nouveau rêve des adolescents n’est plus d’être un hardi policier, ou sorcier, ou voleur, mais d’être un enfant soldat ? que l’école dont ils rêvent est un pensionnat-prison militaire ? ou bien est-ce juste pour se faire peur ?

Le prétexte est que ces héros eux aussi « sauvent le monde », mais au bénéfice de qui ? Dans ce premier volume c’est au bénéfice des compagnies pétrolières contre les hippies et les écologistes. Bien sûr, les uns agissent en toute légalité et les autres pas… mais si la littérature pour adolescents se met à donner la primauté au Droit contre la Justice, il y de quoi s’interroger.

Enfin, que je sache, les écologistes – fussent-ils terroristes (?) – n’ont jamais commis d’attentats sanglants. Que le livre fasse croire le contraire n’est pas innocent.

Quant à l’écriture, elle est d’une platitude sans nom.

Pour aller plus loin, lisez la chronique- coup de gueule parue sur le blog de Patrice Favaro.

Et lisez plutôt Grande école du mal et de la ruse de M. Walden (oui, les héros sont des affreux jojo délinquants, mais au moins c’est drôle) ou Jimmy Coates de Joe Craig, A comme Association de Bottero et L’Homme (surtout les deux premiers), éventuellement Spy High (série, pas excellente, mais moins inquiétante, pour ce que j’en ai vu). Et, pourquoi pas, les Langelot (Lieutenant X/ Vladimir Volkoff), romans d’espionnage pour la jeunesse bien conservateurs mais écrits avec style.