Mayday, Mayday !

Mayday, Mayday !
Cristina Spanó
Rouergue, 2021

À l’abordage, mille sabords !

Par Anne-Marie Mercier

Avec ce titre qui reprend la fameuse formule d’alerte tirée dit-on du français « m’aidez » et signifiant un appel au secours, on pourrait s’attendre à une histoire tragique ou inquiétante, mais du début à la fin on est en pleine loufoquerie et c’est la fantaisie qui domine.
Dans une galaxie très très lointaine, dans très très longtemps… il y a un gigantesque vaisseau spatial qui ressemble à une figurine à découper, ou à un bateau à aubes dessiné par un enfant, et une tour de contrôle qui évoque aussi bien un castelet qu’une boite à chaussure. Quant aux personnages, ils sont de formes et de couleurs diverses, souvent plus proches de barba papas ou d’animaux destructurés que d’humanoïdes.
La tour de contrôle voit arriver un ennemi possible et tente d’alerter le vaisseau en lançant de tonitruants « Mayday, Mayday ! » dans chaque pièce du vaisseau qu’elle observe par ses caméras de surveillance. Rien à faire ; les occupants sont trop occupés à danser dans la salle des fêtes, à lire dans la bibliothèque, à s’embrasser sur un banc, à pêcher dans l’espace, à papoter au bar, se baigner dans la piscine…
Lorsque les petits hommes armés du vaisseau ennemi débarquent, une expression de panique s’affiche sur les visages des danseurs, expression qui se modifie sur les pages successives qui semblent se répéter mais montrent des variations, notamment avec le fait que les visiteurs lâchent leurs armes pour se joindre à la fête.
C’est gai, coloré, inventif (on aimerait voyager dans ce grand vaisseau où tout semble organisé pour des plaisirs de toutes sortes), et cela met un peu d’humour dans les genre parfois trop sérieux des aventures intergalactiques, nouveaux westerns pour notre époque.

King et Kong

King et Kong
Alex Cousseau
Rouergue (Dacodac), 2020

King et Kong se font livrer un cousin
Alex Cousseau
Rouergue (Dacodac), 2021

Loufoqueries en série

Par Anne-Marie Mercier

King et Kong sont des pandas, ils sont jumeaux mais très différents : King se prétend l’ainé et veut avoir toujours raison. Kong est un malin et le laisse dire… pour finir par manger tous les spaghettis pendant que King est occupé à pérorer. Ils jouent au… ping-pong. Ils s’enfuient devant les fourmis, dévorent des pizzas, commandent un frigo, se disputent. Une dispute plus forte est l’occasion de l’aventure de ce premier volume : Kong, lassé, s’en va, sans dire où il va.
Les tentatives pour communiquer (ils achètent certes chacun de leur côté un portable, mais comment faire quand on n’a pas le numéro de l’autre ?) sont très cocasses et ces pandas sont décidément très attachants.

On les retrouve dans un volume qui vient de paraitre : King et Kong se font livrer un cousin. Le cousin commandé sur internet aurait dû être un coussin, mais c’est un petit ours polaire qui  arrive chez eux par la poste : vous suivez ?
La question du sort de ce petit réfugié climatique, caractériel de surcroît (il est « bipolaire », nous dit-on), plonge les deux jumeaux et leurs amis dans de graves réflexions et de curieuses solutions où interviennent des loutres, des fourmis, la poste encore…
Inventivité verbale, cocasserie des situations, piquant des dialogues, jeux permanents entre le vraisemblable et le délirant, ces petits livres sont une fête. Alex Cousseau est décidément aussi talentueux dans la veine de l’absurde pour les petits lecteurs que dans celle du roman sérieux pour adolescents.

Memento Mori

Memento Mori
Conce Codina, Aurore Petit
Rouergue, 2021

Mourir, mais avant… vivre!

Par Anne-Marie Mercier

Il faut bien une formule latine pour faire passer le sujet, peu abordé de manière frontale en littérature de jeunesse. « Memento Mori » : Souviens-toi que tu vas mourir, quelle injonction pour un enfant, dira-t-on. Pourtant, et c’est ce que cet album met en scène, ils sont les premiers à se questionner sur la mort et à demander des réponses à des adultes qui bien souvent les éludent.

De la sortie de l’école à son coucher, un jeune enfant interroge : « qu’est-ce qui peut mourir ? », « est-ce que tout ce qui vit meurt ? », « qui meurt », « de quoi on meurt », « ils vont où les gens quand ils meurent ? ».

Certaines questions suscitent des réponses brèves et simples, d’autres plus détaillées (par exemple comment sont mortes des femmes célèbres : Blanche-Neige, Le Petit Chaperon rouge, Marie-Antoinette, la maman de Bambi… (que des femmes, tiens, sauf le dernier de la liste, Dracula !). Certaines, plus complexes, se déploient sur deux doubles pages : la question « c’est comment d’être mort ? » est répétée et les réponses possibles se succèdent, prudentes, intéressantes, imaginantes.
Loin d’être un album sombre, c’est un livre lumineux, saturé de couleurs, qui se termine en s’ouvrant sur la vie, «  Vivre ! » s’étalant en grandes majuscules, avec des taches colorées,  autour d’un enfant qui, au matin, ouvre ses volets sur le blanc de la page.

C’est un beau parcours, philosophique, naturaliste, littéraire et même historique (avec une mention des personnes qui « finissent » au Panthéon).

D’or et d’oreillers

D’or et d’oreillers
Flore Vesco
L’école des loisirs (medium+), 2021

Littérature érotique pour la jeunesse? La Princesse au petit pois revisitée

Par Anne-Marie Mercier

Si vous faites partie de ceux (ou de celles) qui se sont demandé comment la Princesse au petit pois avait patienté pendant sa terrible insomnie (pour ceux qui ne connaissent pas ce conte d’Andersen, voir ici ), ce livre apporte une réponse, et même plusieurs car l’héroïne passe plusieurs nuits dans le château du prince où elle doit répondre à plusieurs défis.
Les liens avec le conte sont multiples. On les devine dès la couverture, magnifique, de Mayalen Goust – je la mets en grand format, pour que vous puissiez voir l’ombre noire au-dessus de la belle, et le motif inquiétant du papier peint. Comme dans le conte, la mère du prince joue un rôle, mais elle est morte depuis bien longtemps… Les meubles du château, mais aussi les murs, les objets, s’animent au fur et à mesure que l’héroïne commence à percer les mystères.
Je ne donne pas le nom de celle-ci, car ce serait divulgâcher l’histoire qui commence avec un premier suspens, très léger : laquelle des trois jeunes filles sera l’élue ? La belle et fière, la moins belle et bonne, la fragile et blonde ? ou une autre encore ? Les suspens suivants sont de plus en plus inquiétants et sombres, tandis que le lien qui unit la belle et son prince se fait de plus en plus fort et même torride. Flore Vesco parvient à revisiter ce conte en le chargeant de sensualité sans être trop explicite, tout en donnant une place importante à la jouissance, qu’elle soit fantasmée ou vécue ; les éditeurs l’ont classé prudemment dans la collection « medium + » (au-delà de 13 ans) et on ne peut que conseiller aux enseignants qui voudraient le faire lire à leurs élèves de le lire eux-mêmes auparavant (conseil qui vaut pour tout livre, bien sûr).
Le livre est envoutant, charmant, parfaitement bien écrit, et même avec une certaine recherche et des trouvailles d’expressions. Flore Vesco a reçu, pour L’Estrange aventure de Mirella, son roman précédent (l’école des loisirs, 2019), de nombreux prix (Vendredi, Imaginales, Sorcières, La voix des blogs) ; nul doute que celui-ci trouvera le même écho.

 

 

 

 

 

Anne d’Avonlea

Anne d’Avonlea
Lucy Maud Montgomery
Traduit ( anglais, Canada) par Isabelle Gadoin
Monsieur Toussaint Louverture (Monsieur Toussaint L’aventure), 2021

 

Du Chemin des bouleaux au Pavillon des échos,
en passant par le Lac étincelant

Par Anne-Marie Mercier

On retrouve avec plaisir Anne Shirley (« Anne avec un e », Anne de Green Gables), l’orpheline enthousiaste et maladroite de Lucy Maud Montgomery, dont les bourdes et les déclarations fracassantes avaient enchanté le premier tome dans la maison aux pignons verts et son voisinage. Anne n’a pas encore quitté le village d’Avonlea : l’université, ce sera pour le prochain volume ; elle y est, à dix-sept ans, devenue l’institutrice du village, débutant avec de nombreuses interrogations (notamment sur les punitions ce qui donne des remarques très intéressantes, marquées par leur temps, et sur les rapports avec les parents des élèves). Ses premiers pas professionnels sont accompagnés par la poursuite de sa quête du bonheur par les voies de l’imagination, la recherche d’ « âme sœurs », et une contemplation émerveillée de la nature en toute saison qui donne les pages les plus lyriques du livre.
On rit beaucoup devant les portraits du voisinage (Monsieur Harrison et son perroquet, Monsieur Boulter et sa ruine, Madame Lynde et ses avis sur les étrangers…) et les tentatives et échecs de l’association des jeunes qui militent pour l’embellissement du village, association fondée et dirigé par Anne, à qui sa tutrice, Marilla oppose comme toujours son bon sens et sa vision pessimiste (« Les gens n’aiment pas qu’on les embellisse », dit-elle). L’optimise d’Anne, son élan jamais brisé vers le bonheur malgré les échecs, est mis en perspectives par de nombreux autres ponts de vue, notamment celui, en prose (quand Anne pense en poète) de Charlotta IV, qui résume en une belle formule l’attitude de bien des personnages de ce roman campagnard : « espérer le meilleur, se préparer au pire, accepter ce que Dieu nous envoie ».
L’ouvrage est également traversé par des figures romanesques plus classiques et des intrigues qui lui donnent son unité : que deviendront les jumeaux orphelins recueillis par Madame Lynde et Anne ? La relation amicale entre Anne et Gilbert va-t-elle évoluer ? Mademoiselle Lavender retrouvera-t-elle son amour perdu ?
Il reste neuf volumes, donc si Monsieur Toussaint poursuit son effort, nus aurons de quoi nous régaler pendant quelques temps.

 

Comment occuper (intelligemment) des enfants pendant le confinement?

La Bibliothèque nationale (BnF) propose « Des activités futées pour occuper et instruire les enfants à la maison » :
coloriages et découpages tirés du patrimoine à imprimer, memory (sans impression), contes illustrés, BD…, et 150 livres en version électonique gratuits, tirés des sélections de l’éducation nationale.

Vous trouverez d’autres idées sur la page Actualité de Lietje

La Vérité sur les fantômes

La Vérité sur les fantômes
Lisa Blumen
Le Rouergue, 2020,

Toute la vérité ou presque

« La vérité » , quelle jolie proposition à propos d’un sujet pareil sur lequel toute la fantaisie est permise!
On revient sur les préjugés : non, ils ne se cachent pas sous des draps blancs, il y en a qui préfèrent les colorés. Non, ils ne savent pas dire que « Bouh » mais ils disent aussi « Bouhou », « BOOOOOOh », etc. Ils aiment faire des farces (la chaussette qui manque, c’est eux !) ; ils ont des émotions, sont trouillards, ont une famille, font des repas d’anniversaire, des pique-niques… Toujours recouverts de leurs draps de couleur.

Les dessins coloriés de Lisa Blumen nous font découvrir un quotidien très rassurant, tout en laissant en suspens la question fondamentale de savoir s’ils existent…

 

2050 Une Histoire du futur

2050 Une Histoire du futur
Thomas Harding
Seuil, 2020

« Si vous voulez plus demain, vivez moins aujourd’hui » : utopie ou dystopie ?

Par Anne-Marie Mercier

Pour présenter son histoire, Thomas Harding a recours à une vieille ficelle romanesque, celle du manuscrit trouvé. Il l’a greffée sur une thématique de science-fiction, celle du message envoyé dans le passé. Il publie donc des carnets écrits en 2050, trouvés dit-il dans des archives et envoyés à notre époque pour l’alerter sur son futur probable.
L’auteure des carnets, prénommée Billy, est une adolescente (née en 2035). Elle y a transcrit pour un projet scolaire des entretiens qu’elle a eus avec sa grand-mère, née en 1948. Ces carnets décrivent l’évolution du monde, et chaque titre de chapitre est un millésime, en suivant l’ordre chronologique ; chaque date est choisie pour mettre l’accent sur un basculement, revenant sur ce qui a précédé, parfois depuis le début du XXe siècle.  Ainsi on trouve des événements qui se sont produits dans des périodes connues du lecteur (l’évolution de la condition des femmes, la question des mères porteuses, les questions de genre, la pollution et la montée de l’écologie politique, les épidémies récentes, l’humanité augmentée, le retour des religions, le développement du web et des réseaux sociaux, les questions de cyber sécurité, les élections par correspondances et les craintes de fraude, la manipulation des opinions, la montée des populismes…) et d’autres, arrivés après 2020 mais qui sont présentés comme découlant directement de ce que nous vivons aujourd’hui.

On découvre progressivement que la jeune Billy, comme tous les humains de 2050,  vit dans une tour qui possède sa salle de sport et son parc, que tout y est recyclé, que les habitants sont nourris par des fruits et légumes issus de la serre locale et des sucres lents (riz et soja), tout cela cuisiné par des robots mixeurs à la maison ou, le soir, pour le diner en famille, à la cantine publique. À l’école, les cours sont dispensés par des robots qui s’adaptent à chaque enfant. Pendant les heures de sport, sur un vélo d’intérieur elle aime regarder derrière la vitre « la zone de bio-diversité interdite autour de la ville ». Elle devra étudier jusqu’à l’âge de 24 ans puis faire un service civique de trois ans. Son espérance de vie est de 120 ans environ. Tous les humains touchent un revenu universel et n’ont plus besoin de travailler, sauf pour satisfaire quelques envies. Toutes les données sont centralisées. Le monde est dominé par un Parlement mondial et par quelques dirigeants mystérieux, qui se nomment eux-mêmes les ethnarques. Mais malheur à ceux qui tentent de troubler cet ordre.

La qualité de ce livre, orienté sur l’idée devenue banale (mais toujours difficile à concevoir et à mettre en œuvre) d’une urgence face à une catastrophe climatique de plus en plus proche est qu’il présente un monde futur entre utopie et dystopie sans prendre une position tranchée et manichéenne : le monde est devenu tel parce que c’était ainsi que cela devait finir, vu l’état de notre présent ; certaines choses sont bonnes, d’autres non, et surtout les humains sont livrés à un état qui contrôle tout. Les carnets envoyés par Billy sont une bouteille à la mer envoyée aux humains de 2020 pour les alerter. Il y a de quoi nourrir la réflexion.
Le grand-mère raconte comment progressivement on a arrêté de manger de la viande, mais aussi d’avoir des animaux de compagnie et de voir des animaux dans les prés ; on a arrêté de pratiquer la plupart des sports, jugés dangereux ou coûteux en énergie ; comment les façons de s’habiller ont été radicalement modifiées ; comment le recours à des mères porteuses professionnelles s’est généralisé ; comment Billy (au prénom non genré comme tous les enfants de sa génération) a été sauvée d’un grave problème de santé grâce à la mutualisation de toutes les données, etc. Elle explique que si tous les humains doivent désormais vivre en autarcie dans des tours fermées, c’est pour contrôler les épidémies qui se sont répétées. Dès 2030, donc plus tôt que prévu, le réchauffement global est arrivé à plus de quatre degrés, la montée des eaux a provoqué la disparition d’iles et de villes, comme  Venise, d’une partie de Los Angeles, Hong Kong, Londres, etc. L’arrêt des énergies carbonées a été décidé brutalement pour éviter le pire, mais a été catastrophique pour une grande partie de la population. La multiplication de gouvernements populistes incapables de gérer la situation a engendré la fin des démocraties. La multiplication des épidémies, des émeutes, des guerres… et l’impossibilité de se défendre de cyber attaques a mené à la création du Parlement mondial.

Ce récit est accompagné de documents donnés par la grand-mère : articles de presse, photos, cartes postales, lettres… chargés d’authentifier ce qu’elle raconte, y compris dans les années postérieures à 2020. Les affiches de propagande sont particulièrement réussies, très proches de ce qui existe aujourd’hui et juste un peu en avance par rapport à notre temps.
La réflexion sur la langue est également très intéressante : de nombreux mots utilisés par la grand-mère ne figurent pas dans le « tout en un » (l’équivalent de nos smartphones) de Billy, et parfois pas dans le dictionnaire papier qu’elle lui a offert, daté de 1978, celui d’Oxford, en deux volumes (avec la loupe pour le lire) : changements de sens, désinformation, trahison, usure… il y a de nombreuses raisons liées à la disparition de mots et à l’apparition de nouveaux et Billy progresse en sagesse linguistique et politique.

Thomas Harding tente de donner à  tous ces éléments factuels ou théoriques une dynamique romanesque en évoquant le personnage de l’un des fils de la grand-mère, dont elle ne veut pas parler, au début. Parallèlement à ses entretiens, Billy enquête sur son oncle, dont ses parents ne parlent jamais non plus, ce qui la conduit vers l’histoire des militants qui se sont opposés à ce nouvel ordre mondial et l’amène à une nouvelle façon de voir le monde… et sa grand-mère.
Ce complément ajoute peu à l’ouvrage, et la transformation de Billy, enfant contente de son sort et de son monde, qui devient en quelques jours lanceuse d’alerte et brave la police semble bien rapide. Mais ces concessions à l’âge du lecteur sont sans doute bien venues pour ceux qui pourraient décrocher ou se dire : « et alors ? ». Cela dit, à part le message qui enjoint de sauver la planète, de nombreuses questions restent sans réponse. Mais elles ont le mérite d’avoir été posées et de laisser le lecteur face à ses propres choix futurs, dans bien des domaines.

Princesse Pimprenelle se marie

Princesse Pimprenelle se marie
Brigitte Minne – Trui Chielens
Cotcotcot éditions 2020

Elles se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…

Par Michel Driol

Toutes les servantes préparent Princesse Primprenelle qui doit choisir un prince sur son cheval blanc. Mais aucun ne fait battre son cœur jusqu’à ce qu’arrive Princesse Aliénor sur son cheval noir. C’est le coup de foudre. Mais quand Aliénor demande à Pimprenelle de l’épouser, c’est un scandale au palais. Heureusement, la sage Sophie assure au roi et à la reine que l’important, c’est qu’elles s’aiment. Convaincus, les parents autorisent le mariage. Quant à avoir des enfants, Sophie explique qu’il y a deux façons, l’adoption, ou la PMA… dans des termes compréhensibles pour les enfants !

L’album utilise les ressources et les stéréotypes du conte – la princesse, les rituels de recherche du Prince parfait, la cour – pour lutter contre les préjugés. Il oppose la foule des courtisans, serviteurs, prompts à se rallier à l’opinion royale et la sagesse, incarnée par Sophie, qui éclaire le pouvoir, et légitime le mariage. Le dispositif permet ainsi de mettre en abyme les lecteurs et leur opinion, qui pourront se reconnaitre dans l’un ou l’autre des personnages, et, s’ils se reconnaissent dans la foule des courtisans, de comprendre leurs propres préjugés. Ce sujet sérieux est traité avec fantaisie et une légèreté de ton qui vise à le dédramatiser : on rate des plats en cuisine, on bredouille, on joue sur les clichés de la passion et de l’amour (dans l’expression du coup de foudre ou l’amour entre le roi et la reine), sur les stéréotypes du mariage et de la préparation de la femme (dans les premières pages où l’on fait belle la Princesse pour le grand jour). On le voit, l’album ne manque pas d’humour ! Les illustrations, sur papier volontairement vieilli, allient un côté très traditionnel et très contemporain où l’on semble croiser Chagall ou Picasso dans des décors de château fort ou d’oasis – façon de jouer avec l’intemporel.

Un texte pour toutes les princesses qui veulent sortir les sentiers battus, et pour toutes celles et ceux qui souhaitent aborder avec les enfants la question des personnes LGBT en faisant un pas de côté plein d’humour et de tendresse.