Histoire en morceaux

Histoire en morceaux
Almuneda Pano
Versant Sud 2021

Tout est toujours à recoller du monde

Par Michel Driol

Malgré l’interdiction, la narratrice joue au foot dans la maison et casse le vase préféré de sa mère. Cette dernière console sa fille, et lui indique qu’elles vont le recoller toutes les deux. Et c’est comme si les dessins du vase racontaient une histoire, qui conduit la fillette à se demander si tout ne raconte pas une histoire…

Le schéma est bien connu : ce sont les conséquences d’une transgression des règles que raconte cet album.  Avec subtilité, il évoque les conséquences psychologiques de cet acte, la peine ressentie par la fillette, plus troublée d’avoir fait involontairement du mal à sa mère que par le fait d’avoir cassé le vase, sa crainte, sa culpabilité, et la mère, qui montre une réelle affection pour sa fille, en la consolant. Pas de colère, pas de cris, pas de remontrances. Il convient désormais d’aller de l’avant, de réparer ce qui peut l’être, comme une belle leçon de vie. Il s’agit d’accepter les accidents de parcours, qui font partie de la vie, et inscrivent l’histoire dans les objets. Car c’est peut-être cette deuxième lecture qui est aussi intéressante que la première. Dès le titre, histoire en morceaux, il est question de récit, de récit fragmentaire, qui reste à recomposer. Ce nouveau récit que raconte le vase, fruit d’une nouvelle histoire, la sienne et celle des personnages de l’histoire, n’est-il pas à l’image des multiples récits embryonnaires que peut raconter le chemin de l’école ? En d’autres termes, tout n’est-il pas signe, signe d’une histoire à écouter, à déchiffrer, à se raconter, comme ces hirondelles de la dernière page qui annoncent le printemps ? L’album s’inscrit dans une temporalité qui va de l’hiver au printemps, montrée avec subtilité par les illustrations représentant le jardin et les plantes, comme signes d’une histoire de renaissance. En double page, les illustrations presque minimalistes, disent le désarroi de la fillette, le caractère très zen de la mère, et font se succéder, de manière très significative, les morceaux du vase avec les poses de la fillette, elle aussi en morceaux.

Un album touchant qui dit la nécessité de voir les choses sous un autre angle, de tenter de reconstruire le monde à partir de tous les fragments qu’on peut en percevoir.

 

Les Sorcières du beffroi

Les Sorcières du beffroi
1. P’tit-Boudin et Grande-Greluche
Kate Saunders
Nathan (1999- 2014)

Sorcellerie, espièglerie et fantaisie

Par Michel Driol

P’tit-Boudin et Grande-Greluche, deux sorcières de 150 ans, sont chassées de l’Ile aux sorcières par la terrible reine M’ame Cadabra. Les voilà qui trouvent refuge dans le beffroi d’un village anglais, dans lequel le pasteur et son vicaire sont tyrannisés par Violette Sac-à-Crasses. Comme on s’en doute, les sorcières vont sympathiser avec les victimes et troubler joyeusement le paisible village anglais…

Sur un scénario assez courant – sorcières pour rire faisant irruption dans le quotidien banal – Kate Saunders signe un roman plein d’humour, dans la lignée de Roald Dahl, illustré par Tony Ross – c’est tout dire ! Personnages caricaturaux, modèles de cruauté, utilisation malencontreuse de sortilèges mal maitrisés, voilà les ingrédients de ce roman qui dépeint un univers de fantaisie et de légèreté que la littérature pour la jeunesse oublie parfois.

Ne boudons pas notre plaisir !