Cot cot cot !

Cotcotcot !
Benoit Charlat
L’école des loisirs (« Loulou et Cie »), 2021

C’est moi ta maman

Par Anne-Marie Mercier

Au commencement il y a… un œuf, tout seul, bien blanc sur un fond vert. Une poule blanche survient, s’extasie et commence à le couver. Arrive une poule grise qui revendique l’œuf et chasse la première. Dans la bagarre, l’œuf se fend, un oisillon jaune en sort et la bataille recommence, mais cette fois sur le mode de la séduction déployée par chacune pour le petiot. Il finit par les mettre d’accord par un coin coin révélateur, et filera vers la mare où l’attend une maman canard.

Voilà donc un nouvel opus dans la série des albums qui traitent de la recherche de paternité ou maternité. Ici, la différence est que l’enfant est totalement indifférent et très sûr de son identité, chose plus rassurante. Le plaisir de l’histoire tient aussi au langage, fait essentiellement d’onomatopées et de variations en cot cot et à la simplicité de l’ensemble.

Une indienne dans la nuit

Une indienne dans la nuit
Velie Le Gall  et Alex Cousseau
Rouergue

Historias minimas

Par Michel Driol

loicfroissart_livreindienne00Angèle a peur du noir. Cette nuit-là, elle est seule avec sa grand-mère dans la vieille maison. Comme d’habitude, le sommeil ne vient pas. Elle trouve le courage de se lever, entre dans la chambre de sa mère, ouvre une valise, et y découvre les souvenirs de sa mère, dont des carnets. Elle y lit ce qu’elle appelle un secret, à savoir que sa mère avant elle était surnommée « Petite Indienne », qu’elle aussi avait peur et que sa mère – la grand-mère d’Angèle – la consolait.  Cette dernière trouve Angèle endormie sur le tapis et la conduit dans sa chambre. Angèle a retrouvé la calme et peut enfin dormir tranquille. Ainsi racontée et mise à plat, l’intrigue semble mince. Pourtant les thèmes abordés et la construction narrative, ainsi que la mise en page, font de ce petit roman un ouvrage intéressant à plus d’un titre.

D’abord le thème de la filiation. Mère et fille portent le même surnom, partagent les mêmes peurs. Angèle découvre dans la valise le passé de sa mère quand elle était enfant, petits mots, photos, carnets l’aidant à répondre à la grande question que tous les enfants, un jour ou l’autre, se sont posée : qu’étaient mes parents avant d’être mes parents ? Au-delà de l’altérité des traits, des époques, c’est la similitude des comportements et des sentiments qui s’impose.

La construction aide le lecteur à partager les peurs d’Angèle dans la nuit. Un premier chapitre est daté de 22 h 59 et annonce la découverte du secret à 21 h 56, que la narratrice bien sûr ne révèle pas. Puis, des retours en arrière – de 20 h 42 à 22 h 53 racontent la nuit jusqu’à l’endormissement. Cette construction permet le suspense : quelle est la nature du secret qui bouleverse à ce point Angèle ? On suit Angèle pas à pas, dans sa descente de l’escalier, dans ses peurs et sa façon de les vaincre. L’écriture – prise en charge par Angèle à la première personne – est travaillée, imagée souvent (Angèle est née un huit, qui, pour elle,  sonne presque comme nuit, et dans le 8 elle voit une image de l’infini). Le texte fait la part belle aux sensations concrètes (les bruits, le noir, les odeurs…). La thématique Indienne parcourt le livre : du surnom de la mère et de la fille, au tipi, en passant par une statuette réalisée par le père, Tim, l’Indien, gardien de l’escalier.

Enfin, Le livre est presque tout entier imprimé en blanc sur pages noires : à l’image de la nuit, de l’angoisse, des peurs. Tout, à l’exception du centre : la découverte de la valise, et des souvenirs de la mère (à noter que le récit lu dans le carnet de souvenirs, situé aussi une nuit, est imprimé en blanc sur noir).  Ce dispositif typographique – renforcé par les illustrations de Loïc Froissart, elles aussi en noir et blanc (sans aucun gris) – concourt à faire éprouver par le lecteur les sentiments de la narratrice et le plonge dans un univers à l’étrangeté inquiétante.

Un roman – petit par sa taille – mais qui sait conjuguer poésie, douceur et inquiétude.

 

 

Je vous écrirai

Je vous écrirai  
Paule du Bouchet
Gallimard, scripto, 2013

Romanesque !

Par Maryse Vuillermet

je vosu écriria imageMalia, l’héroïne, dix-sept ans, commence des études de philosophie à Paris. Elle loge avec  son amie d’enfance, Gisèle, étudiante en théâtre. Nous sommes en 1955. La mère de Malia est l’ancienne bonne de la tante de Gisèle, les deux jeunes filles ont grandi ensemble. Son père,  Mattéo,  est un saltimbanque, il montre des animaux dressés dans les fêtes de village. Elle a aussi un demi-frère. Un milieu très modeste et très frustre, sans culture et sans manières.

Malia, à Paris,  trouve un emploi de baby-sitting chez une famille d’intellectuels, elle garde leurs enfants. Sa mère lui a fait promettre d’écrire ;  une correspondance intense s’installe entre la mère et la fille, les lettres de Malia sont sensibles,  remplies de ses découvertes et enthousiasmes,  celles de sa mère sont pleines de considérations les plus terre à terre,  de peur, de recommandations,  de reproches,  et le tout,  dans un français vraiment maladroit. Malia,  parfois,  voudrait s’éloigner de cette mère envahissante et trop aimante, elle en a honte bien souvent.

A Paris, grâce à Gisèle, Malia découvre le monde du théâtre, elle joue dans une pièce de Tchekhov,  elle va au cinéma et rencontre un metteur en scène plus âgé qu’elle,  avec qui elle noue une relation affectueuse et tendre.

Le père de Malia tombe malade et meurt,  sans avoir pu lui révéler un secret. Sa mère sombre dans la dépression et la folie. Quel est le secret qui les ronge ?

Un beau roman sur la filiation, la honte de classe, la jeunesse et ses enthousiasmes, la culture des années 60 à Paris…