Détroit

Détroit
Fabien Fernandez,

Gulf Stream, 2017

Le roman d’une ville à l’agonie

Par Maryse Vuillermet

Detroit, motor city, la ville de Ford et de l’opulence américaine, désormais à l’agonie, sert de décor à ce roman urbain. L’extrême misère sociale, les zones de non-droit, les gangs ultraviolents, les combats de chiens, la prostitution des gamines…
Trois narrateurs s’expriment tour à tour, Ethan, journaliste photographe, fasciné par le passé industriel et les immenses friches de Détroit, Tyrell, jeune lycéen black, qui attend avec impatience la fin du lycée pour fuir l’endroit, et peut-être oublier ses accès incontrôlés de rage. Et, une curiosité narratologique, la ville de Détroit elle-même, narratrice, observe, commente le destin de ses habitants et espère malgré tout en sa propre résurrection.
D’autres personnages sont attachants, Sonya lycéenne, que Tyrrell aime, mais qui se prostitue pour faire vivre sa famille et qui est terrifiée par le chef du gang des Crisps, la mère de Tyrrell, infirmière de nuit dont on découvrira le drame à la fin, la policière, le clodo, ex chanteur déchu, ils hantent cette ville,  impuissants à la quitter, désespérés et ils nous restent en tête.
L’ambiance est ultra violente, l’univers romanesque inédit, le style intéressant, qui se déploie parfois en images très puissantes mais les interventions de la ville-narratrice tournent parfois au procédé, en tout cas,  ralentissent l’intrigue qui est peut-être un peu vite résolue.
C’est le seul bémol à ce roman trash mais audacieux et attachant.

Quand un dinosaure déménage

Quand un dinosaure déménage
Nastasia Rugani

L’école des Loisirs (Neuf)

Struggle for life

Par Floriane Damien et Lisa Badard master MESFC Saint -Etienne

Ulysse a le cafard. Il déménage. Il quitte Paris et ses deux meilleurs copains, pour aller vivre à la campagne. Faire sa rentrée en milieu d’année, c’est délicat : il faut faire ses preuves pour être accepté par les autres élèves et ne pas rester « le nouveau ». Si Ulysse est préparé à cette épreuve, il ne s’attend certainement pas à devoir gérer la situation qu’il découvre. En effet, la classe de CM1 est déchirée par une guerre des gangs, rurale et enfantine (un petit clin d’œil à La guerre des boutons). D’un côté, il y a les « Crasseux », une de bande de garçons dirigée par une fille prénommée Charlie, et de l’autre les « Couettes », des filles puériles. Entre ces deux groupes, et leurs coups bas à répétition, Ulysse doit choisir son camp.

Des personnages repoussent les stéréotypes d’usage, tels que Charlie, LA chef des garçons, et Vicky la maîtresse au look gothique. Mais cette originalité demeure cependant peu convaincante, car malgré un épilogue ouvert, qui permet au lecteur d’imaginer une suite, force est de reconnaître que les péripéties finales et la guéguerre entre les deux bandes, sont prévisibles et un peu légères.

Dans ce roman, une place importante est consacrée au ressenti du personnage principal qui voit sa vie bouleversée. A travers ces épreuves, le lecteur réalise qu’Ulysse est particulièrement mature pour son âge. Une comparaison implicite se tisse au fil de la lecture entre le personnage et son identification à un dinosaure. Au fur et à mesure des décisions qu’il prend, il évolue du diplodocus au tyrannosaure. Il est possible d’imaginer que cette identification présente dans le titre, soit due à la différence entre les « locaux » et ce petit parisien, qui s’imagine complètement étranger.

Enfin l’auteur met en avant un sujet rare dans la littérature de jeunesse, à savoir les troubles psychologiques, à travers le personnage du père qui soufre d’agoraphobie. La narration interne permet au lecteur de le découvrir par les yeux d’Ulysse, et ce point de vue enfantin minimise la situation. L’ouvrage assez réaliste traite aussi avec justesse des difficultés liées à un déménagement. Les lecteurs qui ont été confrontés à cette situation se retrouveront donc aisément dans ce scénario.