La Bande à Grimme

La Bande à Grimme
Aurélien Loncke
L’école des loisirs (neuf), 2012

Conte de Noël

Par Anne-Marie Mercier

la bande a grimmeLes personnages de ce court roman, une bande d’enfants errants et voleurs grelottant de froid sous la neige, ont peu à voir avec les contes de Grimm malgré le titre et les allusions fréquentes à cet univers. On est dans un récit réaliste, entre Oliver Twist, conte de noël et roman policier où les petits luttent (avec succès) contre une bande de méchants très affreux qui ont enlevé un illusionniste – ou un magicien – qui faisait leurs délices.

L’histoire est charmante, les enfants attendrissants, cela fait un très joli récit volontairement naïf où les allusions à d’autres histoires connues sont semées comme des petits cailloux, mais un peu gratuitement.

L’Affaire Matisse

L’Affaire Matisse
Georgia Bragg
L’école des loisirs (Neuf ), 2012

Réparer l’irréparable

Par Malvina Lair et Laura Limousin master MESFC Saint-Etienne

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le héros de ce roman n’est pas Henri Matisse mais un adolescent de onze ans qui se prénomme ainsi. Cependant, le célèbre peintre est bien à l’origine de son prénom. En effet, la mère du héros est passionnée d’art. C’est donc tout naturellement qu’elle a appelé ses enfants Matisse, Frida et Man Ray.

Elle est également  responsable de la sécurité dans un musée. Matisse qui aime ce lieu, tout autant que sa mère, y passe plusieurs heures par jour, à en copier les plus belles œuvres. En effet, le jeune garçon a beaucoup de talent et son rêve est d’avoir ses propres toiles exposées dans un musée. En attendant, il doit se contenter de la salle de séjour de sa propre maison, dans laquelle sa mère organise des expositions de ses tableaux. Un jour, il profite d’un dysfonctionnement des alarmes pour échanger sa copie du « Portrait de Pierre », l’œuvre d’Henri Matisse, avec l’original. « C’était juste pour voir… »

Mais, tout à coup les alarmes se remettent en marche, et c’est le début des ennuis pour notre jeune artiste. Et pour ne rien arranger, le vieux M. Snailby est remplacé par le plus redoutable des agents de sécurité du pays, celui qui a protégé « La Joconde » au Louvre : M. Bison, alias Gardzilla ! Avec l’aide de Toby,  son meilleur ami, il va tenter tout au long du livre de réparer son erreur. Hésitant sans cesse entre avouer son acte et se débrouiller seul, Matisse va découvrir, à travers son aventure, le véritable sens de l’art.

Les jeunes lecteurs pourront facilement s’identifier à la personnalité du héros en pleine adolescence, et vivront avec suspens ses péripéties et ses petits ennuis du quotidien : la célébrité du barbecue ambulant de son père, I’obsession de sa sœur pour le violet, I’humour désopilant de sa mère, sans oublier la peste de Lizzie, la sœur de Toby.

A travers ce roman, l’auteur offre à ses lecteurs une ouverture culturelle sur les musées et leur permet une réflexion sur l’art en général. La note de l’auteur clôt le livre avec une brève présentation de la vie de Henri Matisse. Elle termine enfin en racontant le vol de « La Joconde » en 1911 et invite ainsi le lecteur à approfondir le sujet en éveillant sa curiosité.

Ce roman avec ses clins d’œil artistiques, ses personnages loufoques, et les péripéties de Matisse plaira aux jeunes comme aux plus grands.

 

Quand un dinosaure déménage

Quand un dinosaure déménage
Nastasia Rugani

L’école des Loisirs (Neuf)

Struggle for life

Par Floriane Damien et Lisa Badard master MESFC Saint -Etienne

Ulysse a le cafard. Il déménage. Il quitte Paris et ses deux meilleurs copains, pour aller vivre à la campagne. Faire sa rentrée en milieu d’année, c’est délicat : il faut faire ses preuves pour être accepté par les autres élèves et ne pas rester « le nouveau ». Si Ulysse est préparé à cette épreuve, il ne s’attend certainement pas à devoir gérer la situation qu’il découvre. En effet, la classe de CM1 est déchirée par une guerre des gangs, rurale et enfantine (un petit clin d’œil à La guerre des boutons). D’un côté, il y a les « Crasseux », une de bande de garçons dirigée par une fille prénommée Charlie, et de l’autre les « Couettes », des filles puériles. Entre ces deux groupes, et leurs coups bas à répétition, Ulysse doit choisir son camp.

Des personnages repoussent les stéréotypes d’usage, tels que Charlie, LA chef des garçons, et Vicky la maîtresse au look gothique. Mais cette originalité demeure cependant peu convaincante, car malgré un épilogue ouvert, qui permet au lecteur d’imaginer une suite, force est de reconnaître que les péripéties finales et la guéguerre entre les deux bandes, sont prévisibles et un peu légères.

Dans ce roman, une place importante est consacrée au ressenti du personnage principal qui voit sa vie bouleversée. A travers ces épreuves, le lecteur réalise qu’Ulysse est particulièrement mature pour son âge. Une comparaison implicite se tisse au fil de la lecture entre le personnage et son identification à un dinosaure. Au fur et à mesure des décisions qu’il prend, il évolue du diplodocus au tyrannosaure. Il est possible d’imaginer que cette identification présente dans le titre, soit due à la différence entre les « locaux » et ce petit parisien, qui s’imagine complètement étranger.

Enfin l’auteur met en avant un sujet rare dans la littérature de jeunesse, à savoir les troubles psychologiques, à travers le personnage du père qui soufre d’agoraphobie. La narration interne permet au lecteur de le découvrir par les yeux d’Ulysse, et ce point de vue enfantin minimise la situation. L’ouvrage assez réaliste traite aussi avec justesse des difficultés liées à un déménagement. Les lecteurs qui ont été confrontés à cette situation se retrouveront donc aisément dans ce scénario.

Le Bal d’anniversaire

Le Bal d’anniversaire
Lois Lowry
Traduit (anglais) par Agnès Desharte
L’école des loisirs (Neuf), 2011

Vive l’école, à bas les bals !

Par Anne-Marie Mercier

On a connu Lois Lowry plus inspirée, plus percutante (avec le célèbre Le Passeur, en science fiction, avec Les Willoughby, pastiche de roman réaliste, ou encore avec L’Elue, beau récit initiatique proche de la fantasy). Ici, elle s’essaie au conte et accumule les stéréotypes, tout en modifiant quelques traits sans pour autant être très originale.

Une princesse s’ennuie ; comme elle va avoir seize ans, un bal est annoncé où elle choisira un époux. Pour voir un peu le monde avant cet événement bien ennuyeux lui aussi, elle échange ses vêtements avec sa femme de chambre (histoire type « Le Prince et le pauvre » de Mark Twain (1882) reprise par Disney, Fleischer, Foster, etc.) et va à l’école sous un faux nom. Elle y découvre les charmes de l’apprentissage et du jeune maître. Quant aux fiancés, ils sont tous aussi laids et ridicules que possible, on devine la suite. Certains passages de caricature outrée feront rire les très jeunes lecteurs, le côté romantique et sage plaira peut-être à quelques très jeunes lectrices : le classement en collection « neuf » malgré la longueur de l’ouvrage est judicieux.

Le site et le blog de l’auteure sont intéressants : j’y ai appris que les Mystères de Harris Burdick de Chris Van Allsburg (publié en 1984) venait d’être enrichi de nouvelles écrites par différents auteurs (Jon Scieszka, M. T. Anderson, Walter Dean Myers, Jules Feiffer, Louis Sachar , Stephen King , Sherman Alexie ) sous le titre de The Chronicles of Harris Burdick (voir l’article du Sunday book review) : je n’ai pas trouvé de traduction française : à quand ?

 

 

 

Mademoiselle météo

Mademoiselle météo
Susie Morgenstern
L’Ecole des loisirs (neuf), 2011

 L’école, contre vents et marées

par Anne-Marie Mercier

Trop mince, trop jolie, trop fantaisiste, Alizée Tramontane est seule. Elle a deux passions dans sa vie, la météo et ses élèves de CM1; elle a également deux ennemies, une collègue méchante et jalouse et une inspectrice qui n’aime pas son inventivité pédagogique.

Deux intrigues se déroulent en parallèle, la tentative de ses proches pour la marier (le candidat s’avère être un jeune businessman incapable d’exprimer une émotion), et une expérimentation pédagogique qui l’amènera à faire réaliser des bulletins météo théatralisés par ses élèves, en costumes et en actions, puis à une classe de mer « météo », chaque volet se terminant en catastrophe, du moins provisoirement. La vision du monde enseignant est assez noire, celle de la vie des hommes d’affaires n’est guère meilleure, mais le roman est constamment porté par l’humour et le style de Suzie Morgenstern, autant dire qu’on se régale.

À noter particulièrement : le récit de la visite d’un auteur dans l’école avec deux types de préparation, l’une scolaire et ennuyeuse, menée par la méchante institutrice, l’autre inventive et intelligente, menée par la jeune, jolie, gentille et parfaite héroïne… Du vécu, Susie?

James, le lapin qui en savait trop

James, le lapin qui en savait trop
Tania Sollogoub

L’école des loisirs (neuf), 2011

Ami imaginaire ou lapin doué?

Par Anne-Marie Mercier

Enfermé dans un corps trop étroit, Pierre va mal. Seul son lapin, James, le comprend et lui propose d’autres façons de vivre et de penser. Il lui apprend la beauté de la nuit, l’infinité des possibles.

Cet aspect, très réussi et très poétique n’est pas le plus développé du livre et c’est un peu dommage. La suite déroule les conséquences de la révélation au reste de la famille du fait que James est doué de parole. Il y a des moments drolatiques, des situations joliment absurdes. Mais la fin un peu trop explicite dépare quelque peu l’ensemble. Néanmoins, c’est une variation originale et attachante autour de la question des amis imaginaires.

Oeuf

Oeuf
Jerry Spinelli, traduit par Jérôme Lambert

L’école des loisirs (neuf), 2010

Vous comprendrez

par Sophie Genin

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Oeuf, c’est l’histoire d’un garçon de 9 ans qui découvre, pendant une chasse à l’oeuf, le corps d’une adolescente, Primrose, qu’il croit morte.Oeuf, c’est l’histoire d’une famille hétéroclite qu’on se choisit pour survivre.

Si vous le lisez, vous comprendrez pourquoi un certain John Frigo pense que « ce n’était pas un hasard si tous trois formaient une sorte de famille ». Vous comprendrez comment deux inconnus, perdus, l’une sans père, l’autre sans mère, peuvent devenir amis, pourquoi une tortue violette peut être un souvenir secret, pourquoi on peut traiter sa mère – une voyante du dimanche aux pieds couverts de bagues- de « dingo », pourquoi, à 13 ans, on peut choisir de dormir dans un van sans roues, malgré les oeufs écrasés sur les vitres au matin, comment chasser les vers de terre et ce qu’est le « shopping de nuit ». Vous comprendrez surtout comment la vie, de rencontres en rencontres, de surprises en surprises, peut ressusciter l’espoir.

Il y a du Anna Gavalda, du Olivier Adam et du Claudie Galay dans ce roman : écorchés vifs qui n’auraient jamais dû se croiser, ils se rencontrent, la vie fait le reste et il n’y a plus qu’à lire…

Pauline contre Humbaba et les sorcières amputeuses

Pauline contre Humbaba et les sorcières amputeuses
Sabrina Mullor
L’école des loisirs (Neuf), 2011

Le merveilleux pour apprendre le bonheur

Par Chantal Magne-Ville

Pour apprécier ce roman destiné à des enfants de 9 à 10 ans, il faut accepter d’entrer dans un monde merveilleux un peu surprenant, où Pauline, l’héroïne, découvre grâce aux révélations de sa propre tante, que chacun porte près du cœur un Noyau dur dans lequel de minuscules Porte-Elixir peuvent s’introduire pour lui révéler les beautés du monde. Ces créatures sont perpétuellement menacées par des sorcières amputeuses qui cherchent à se les accaparer sous les ordres de la plus terrible d’entre elles, Humbaba, (nom emprunté à la mythologie mésopotamienne du démon gardien de la forêt où vivent les dieux). Celle-ci vit dans un igloo où sont emprisonnés des milliers de Porte-élixirs aux noms aussi variés que chatoyants, que Pauline n’aura de cesse de libérer.  « Murmure des étoiles », l’élixir qui entre dans le noyau de Pauline fait que les étoiles deviennent ses alliées.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce monde d’êtres minuscules et bigarrés, le récit ne tombe jamais dans la mièvrerie ni dans la joliesse, à cause de l’importance des enjeux. La traque perpétuelle menée par Humbaba, à qui la lune sert de loupe, tient le lecteur en haleine, ainsi que ses pouvoirs destructeurs : elle peut faire disparaître le noyau dur de chacun en le fragilisant peu à peu par l’amputation de ses élixirs, au point qu’il ne ressentira plus les beautés du monde. S’agit-il d’une métaphore de l’âge adulte ? Les sorcières amputeuses ne sont rien d’autre que  celles dont le cœur est demeuré blessé par les éclats de leur noyau perdu.

L’intérêt principal de l’histoire réside dans les valeurs défendues, notamment celle de la solidarité et du refus de l’ordre établi, et dans la poésie qui teinte cet univers dans lequel, par exemple, les  Porte-Elixir meurent en formant des aurores boréales, ce qui fait de cette histoire une espèce de métaphore de la vie.

Abel et la bête

Abel et la bête
Yann Coridian
L’école des loisirs (neuf), 2011

Dépression paternelle, errance filiale

par Anne-Marie Mercier

  La bête, c’est la dépression dans laquelle plonge brutalement le père d’Abel. Le roman, c’est l’histoire d’Abel face à la bête et à ce naufrage. On le suit jour après jour, avec son père, puis avec sa grand-mère lorsque celui-ci est l’hôpital, puis seul, errant dans Paris, et enfin avec un couple de psy chez qui il débarque pour demander du secours.

Les événements sont vus d’un point de vue d’enfant qui serait simplificateur : la maladie est une bête qui s’est installée pour un temps dans le corps du père. La vie est faite de petits riens, de repas, d’un exposé à faire, de rencontres avec les voisins, avec des copains. Le ton ne verse pas dans le pathos. Abel raconte ; il s’attache à des petites choses pour vaincre sa peur. Tout est dit simplement, et c’est déjà bien. Dommage que le titre fasse un peu trop polar.

Annie du lac

Annie du lac
Kitty Crowther
l’Ecole des loisirs (Neuf), 2011

Un grand album en livre de poche

Par Dominique Perrin

images.jpgDeux ans après sa parution, le très beau conte illustré de Kitty Crowther est réédité en livre de poche. La puissance des images semble intacte dans ce format, qui présente l’intérêt, outre le changement de prix qu’il induit, d’être léger et emportable. Nul doute, concernant l’histoire merveilleuse et réaliste à sa manière de cette Annie aussi posée que mélancolique, qui paraît à chaque page plus belle malgré son nez réputé très grand, et dont le parcours semble comme réinventer les plus beaux motifs des contes les plus anciens – quête de l’amour et du conjoint, légendes des lacs et des forêts –…nul doute donc que des lecteurs variés trouveront à se réjouir de rencontrer et pouvoir emporter avec eux  un livre aussi petit et aussi sensuel à la fois.