Akéron, le royaume des sept cercles

Akéron, le royaume des sept cercles
Gilles Tourman

Seuil (Karactère(s)),  2009

Jeux dangereux

par Anne-Marie Mercier

akeron.jpg   Ce premier roman de Gilles Tourman a eu peu d’écho à sa sortie et c’est dommage. Non seulement il a tous les éléments qui peuvent accrocher un lecteur ou une lectrice adolescents, mais aussi il aborde des thèmes intéressants et actuels : le danger des blogs et de l’addiction aux jeux vidéos, les stratégies des entreprises commerciales qui les développent. On a donc ici un mélange fort et original : un roman qui se passe au cœur d’un jeu vidéo sans être pour autant un récit fantastique.

Le héros sur lequel l’histoire est le plus souvent focalisée est un adolescent « normal », c’est à dire plus passionné par ses jeux que par ses études. Par ailleurs, il essaie de savoir comment sa mère est morte, persuadé qu’il y a quelque chose de louche dans l’accident dont elle a été la victime. C’est donc une intrigue policière qui conduit le récit, et le héros est aidé par une commandante de Police très informée sur le commerce des jeux et les inquiétudes qu’ils suscitent tant au niveau national qu’international : elle semble être un « avatar » de l’auteur, qui fait le même métier dans le même grade (d’après la fiche de presse). Un autre personnage intéressant est celui de la jeune fille qui donne des cours particuliers de français au héros et est en train d’écrire un mémoire de master en socio-anthropologie sur les accros au jeu.

Le récit est plein de rebondissements et de suspens, les relations entre  le héros, Greg, et son  frère aîné sont intéressantes, avec une rivalité qui se redouble dans l’espace du jeu. Les étapes du jeu dans lequel le héros progresse jusqu’à trouver une réponse à toutes ses questions sont autant de paliers et d’épisodes fort bien décrits. Le personnage qui tire les ficelles de tout cela (et tue à l’occasion) depuis son bureau de Corée est un « nolife » (personne qui ne vit que pour son travail ou sa passion) certes un peu caricatural (encore que…) mais son ambition et son désir de pouvoir et de vengeance en font un personnage plus complexe et plus inquiétant encore, une vraie figure de « méchant » moderne.

Les parents qui se demandent pourquoi les ados sont accros feraient bien de lire ce livre, il leur apprendra beaucoup. A tous il apportera un moment de lecture tout à fait passionnant.

NB : L’école des loisirs a publié un livre sur les créateurs des premiers jeux vidéos, fondateurs de quelques uns de ces empires techniques et financiers (prochaine chronique).

Le cantique des elfes

Le cantique des elfes
Myriam Chirousse

Thierry Magnier, 2011

Y a-t-il un narrateur dans le roman ?

par Christine Moulin

cantique.jpgCréditons l’auteure d’avoir voulu brouiller les repères narratifs pour donner une idée de la désorientation des personnages. Peut-être, toutefois, en a-t-elle un peu trop fait…

Résumons: nous avons donc un premier chapitre en « tu » (la comparaison avec Contre Dieu, qui repose sur le même principe est cruelle…): « tu » étant Jessica, une adolescente de quatorze ans, rêveuse et romantique, qui préfère vivre, sous les traits de Lady Kerridwen, dans un château gothique sis dans les contrées virtuelles d’Ultramonde, plutôt que dans la plate réalité de son existence, pourtant douillette, au fond; nous avons aussi un deuxième chapitre écrit à la troisième personne, du point de vue d’Helena, l’amie de « tu », personnage moins facile à cerner puisqu’au début du roman, elle apparaît comme la copine sûre d’elle qui jette son dévolu sur le beau Sébastien Moret et arrive assez facilement à « sortir avec » lui tandis que par la suite, elle semble perdue au point de tomber dans les griffes d’une secte d’amazones, dans l’Ultramonde, qu’elle fréquente également ; nous avons un troisième chapitre sous forme d’un dialogue entre Lupus Negrus, l’elfe noir inquiétant qui a envoûté Lady Kerridwen, mais ce dialogue se déroule dans la vie réelle, puisque la « jonction » a eu lieu; enfin… bon, je n’en dirai pas plus; nous avons enfin un quatrième chapitre où Tom, un lycéen surdoué mais complètement déscolarisé, s’adresse à Jessica. Ouf…