Pas l’ombre d’un loup

Pas l’ombre d’un loup
Natali Fortier
Rouergue 2021

Un Petit Chaperon Rouge à la mode du Québec

Par Michel Driol

Marcel et Giselle (voir Marcel et Giselle) sont inquiets. Leur grand-mère Lisette n’est pas venue pour la fête de leur père Eustache. Ce dernier est trop occupé par les préparatifs de la Saint Jean, son restaurant, la cabane à sucre… Ce sont donc les deux enfants qui vont parcourir les saisons pour aller chez leur grand-mère, qui habite au cœur de l’hiver. Traversant le Saint Laurent à l’aide d’une baleine, ils trouvent un loup dans le lit de la grand-mère, avec de grands yeux, de grandes oreilles, de grandes mains… Un loup qui sert de modèle à leur plasticienne de grand-mère. Rassurés, les enfants n’ont plus qu’à traverser le printemps pour rentrer chez eux.

Cette réécriture du Petit Chaperon Rouge  reprend à la fois les codes du théâtre (ce sont les personnages qui parlent), du conte oral, et de l’album pour les illustrations en pleine page (voire en double page), avec un vocabulaire qui fleure bon le Québec. Elle place les personnages au cœur de la nature, omniprésente et luxuriante : animaux (cela va du loup à la baleine, de l’orignal à la paruline à capuchon doré et aux multiples oiseaux qui peuplent les illustrations), plantes (arbres et fleurs des illustrations). L’espace devient temps : le voyage se fait au travers de quatre saisons, dont un hiver tellement long que l’autrice suggère de relire la page six fois pour en éprouver la durée. Symboliquement, on passe ainsi du début de l’été de la jeunesse à l’hiver de la vieillesse. C’est bien la thématique du lien entre les générations propre au conte original qui est ici renouvelée avec poésie. Toutefois, sa morale est à l’inverse de celle de Perrault ou de Grimm : le loup n’y est pas l’animal sauvage, dangereux pour les petites filles ou leur grand-mère, mais au contraire un puissant adjuvant capable de guider et d’aider les enfants dans leur quête de leur grand-mère. C’est ce qu’il annonce à la fin, et, du coup, on se reprend à feuilleter à nouveau l’album et y découvrir, cachés dans les illustrations, de nombreux loups dont on ne sait pas s’ils constituent une menace ou une aide. Quels sont dès lors les dangers qui menacent les deux enfants ? Des fantômes dans le ventre de la baleine, un diable et une tête de mort. La figure du loup est ainsi repensée comme source d’inspiration (on songe à John Chatterton détective d’Yvan Pommaux), mais aussi comme figure d’une alliance possible entre la nature sauvage et l’humanité. L’illustration de couverture est alors pleine de sens : les dents du loup sont des lutins bienveillants et souriants, et le loup lui-même devient une allégorie de la terre porteuse d’arbres et de végétation.

Les illustrations de Natali Fortier (des pastels grattés à la plume, de la peinture à l’huile…) sont remplies de détails que ne renierait pas un Jérôme Bosch : animaux fantastiques, créatures mi-végétales, mi-animales,  oiseaux gigantesques… Rien d’inquiétant pourtant dans cet album qui invite à voir différemment le monde qui nous entoure.

Une réécriture inventive et très contemporaine du Petit Chaperon Rouge.

A la recherche du Petit Chaperon Rouge

A la recherche du Petit Chaperon Rouge
Nadine Brun-Cosme, Maurèen Poignonec
Little Urban, 2020

Où est Ch… où est le loup?

Par Christine Moulin

Que voilà un format généreux! On imagine le plaisir de poser cet immense album d’un beau rouge, franc et massif, sur quatre genoux, deux appartenant à un enfant et deux à un adulte. Et chacun pourra avec gourmandise chercher pour les montrer à l’autre, le loup que le texte nous engage à guetter, le Petit Chaperon Rouge que le titre et l’exergue nous encouragent à chercher et tous les autres personnages de contes ou d’ailleurs qui envahissent les pages. Quel bonheur de se dire qu’il faudra forcément relire, scruter à nouveau ce livre puisqu’il est manifestement impossible de tout voir en une seule fois. Et puis une fois le vertige passé, on pourra aussi se concentrer mieux sur le texte de Nadine Brun-Cosme, qui accompagne la quête du Petit Chaperon Rouge et guide le lecteur en lui donnant des indices, tels de petits cailloux, qui lui permettent de reconnaître tel ou tel texte célèbre (ou moins célèbre). Heureusement, à la fin, un index illustré vient à la rescousse des mémoires défaillantes et relance la recherche! Le dénouement est celui de bien des histoires: un grand goûter, qui offre des friandises à profusion et permet au loup et à la petite fille de savourer leurs retrouvailles, assis entre Blanche-Neige et Peau d’Ane. Trop bien…

L’éditeur offre des fonds d’écran pour ordinateur ou téléphone, afin de continuer à rêver un peu.

Raconte à ta façon le petit chaperon rouge

Raconte à ta façon le petit chaperon rouge
Sonia Chaine Adrien Pichelin
Flammarion jeunesse 2016

Triangles, ciseaux, carré…

Par Michel Driol

pcrVoici un nouveau petit chaperon rouge – version Grimm. L’originalité vient de l’intention et du dispositif. L’intention est de fournir un support aux enfants pour qu’ils racontent – à leur façon – cette histoire connue, en leur fournissant un support stylisé à base de pictogrammes. Un marque page rappelle la signification des pictogrammes et propose, page par page, au verso, un résumé de l’histoire. Au nombre de neuf, les pictogrammes sont des triangles, de taille et de couleur variables, pour les personnages, un carré vert pour la forêt, un rectangle allongé pour le lit, une maison orange pour la maison, des petits ronds noirs pour les cailloux et, plus original, une paire de ciseaux pour le loup. Ces ciseaux sont l’objet polymorphe de cet album : mâchoires lisses ou munies de dents,  agrémenté d’un triangle symbolisant les dévorations, puis d’un cercle matérialisant les cailloux dans le ventre, il finit avec des spirales dans les yeux, mort.

On regrette la pauvreté du texte du résumé – écriture au présent, style très simple, dans le genre des Oralbums de Philippe Boisseau  – que, de toutes façons, l’enfant – dès 4 ans, dit la notice – ne pourra pas lire. Fallait-il vraiment le mettre ? A la limite pour un enfant apprenti lecteur de 6 ans ? En revanche, on trouve l’idée et la réalisation graphiques séduisantes : les pages suivent de très près le récit – bien plus que l’album de Rascal, autre version sans texte du petit chaperon rouge – et sont donc un bon support au rappel de récit par l’enfant. Le choix – comme chez Rascal, de graphismes dépouillés fournit  un tremplin pour l’imaginaire et constitue un premier pas vers le symbolisme et/ou l’abstraction figurative, tout en proposant une création originale qu’on croirait faite avec des gommettes – objet graphique par excellence pour les enfants !

 Un album support aux rappels de récit, sous toutes leurs formes (comme l’indique le préambule : tu peux ajouter des bruits, ce que pensent les personnages…) : l’enfant lecteur peut ainsi devenir auteur de son propre récit !

 

Et la galette dans tout ça ?

Et la galette dans tout ça?
 Jean-Philippe Lemancel, Christophe Alline (ill.)
Didier Jeunesse, 2014

Encore un…

Par Christine Moulin

52188Voici encore un Petit Chaperon Rouge! Les quelques phrases qui ouvrent l’album et qui le concluent supposent d’ailleurs le conte connu et font d’un élément fort célèbre la vedette (comme l’indique le titre de l’album): « Le beurre dans la galette, la galette dans le panier, le panier dans la main du Chaperon ». Mais finalement, un instant mise en lumière, cette nouvelle héroïne devra attendre le dénouement pour jouer pleinement son rôle, sous la forme d’une galette des rois dont la fève échoit au chasseur, pour le plus grand bonheur de la grand-mère!

Le reste de l’histoire est « muet » et représenté à travers des illustrations surprenantes qui mêlent formes géométriques et éléments plus « mignons » (un lapin, qui assiste à presque toutes les scènes, accompagné parfois d’une grenouille, des fleurs, etc.). Certaines de ces illustrations nous font assister à toutes les scènes traditionnelles, en parvenant encore à nous effrayer: l’instant de la dévoration, en rouge et noir, fait son petit effet; la fumée en forme de tête de mort qui s’échappe de la cheminée de la maison de la grand-mère aussi… D’autres images ajoutent des éléments: on voit ainsi le Petit Chaperon Rouge et le loup se gaver de baies rouges ou sauter à la corde et l’on attend, tendu, que cette fausse complicité explose…

Une mise en abyme finale (« Le chasseur dans l’histoire ») et un commentaire métanarratif (« Et la galette dans tout ça? ») donnent à ce PCR (Petit Chaperon Rouge, n’est-ce pas ?) une légère saveur postmoderne. Sans que la lecture de ce conte n’en soit véritablement transformée, toutefois. Mais vivifiée, peut-être.

Igor et Olafe : Chasse, pêche et surgelé, Le Jour de la Saint Boudin

Igor et Olafe : Chasse, pêche et surgelé,  Le Jour de la Saint Boudin
Pierrick Bisinski, avec la collaboration d’Edouard Manceau

Gallimard jeunesse (giboulées), 2011

Aux petits bonheurs des ogres

par Anne-Marie Mercier

Dans le domaine des séries pour la jeunesse présentant les aventures de deux enfants, frère et soeur, on avait plutôt l’habitude de trouver des récits très conventionnels. Ici, le ton est décalé et les situations cocasses. Il faut dire que les héros sont de petits ogres et qu’il est toujours question de manger. Que l’on cherche des pommes – les deux enfants vont les chercher chez leur grand-mère qui vit dans la forêt–, ou du poisson – Igor va à la pêche avec son père –, l’aventure se termine régulièrement en petite catastrophe comique.

 Les références aux contes ou à des classiques de littérature de jeunesse sont détournées dans le même esprit (on sème sur le chemin des patates au lieu de miettes de pain). Les papiers découpés construisent un univers simple sur lequel les petits personnages gesticulent de façon expressive.

 

 

 

Les carottes sont cuites pour le Grand Méchant Loup

Les carottes sont cuites pour le Grand Méchant Loup
Suzanne Bogeat, Xavière Devos
L’élan vert, 2010

Un enième loup végétarien

par Christine Moulin

suzanne bogeat,xavière devos,l'élan vert,loup,conte,petit chaperon rouge,trois petits cochons,intertextualité,stéréotype,christine moulinOn n’en sort plus : constater que le stéréotype du loup méchant s’est mué en stéréotype du loup gentil est devenu un poncif. Tant il est vrai que la veine est inlassablement sollicitée, avec son cortège d’allusions intertextuelles attendues : la Chèvre de Monsieur Seguin, les Trois Petits Cochons, le Petit Chaperon Rouge. Voici donc encore un loup condamné aux légumes, cette fois-ci à cause de son grand âge. Il va voir un médecin mais n’est pas Gotlib qui veut. Il reçoit l’aide de ses anciens adversaires et bien sûr, tout est bien qui finit bien.
Seule originalité : les illustrations nous montrent Violette, la fille du Petit Chaperon Rouge. Elle est bien mignonne, va…