Le Jeu des sept cailloux

Le Jeu des sept cailloux
Dominique Sampiero

Illustré par Zaü
Grasset jeunesse (lampe de poche), 2010


Un refuge aux réfugiés

par Anne-Marie Mercier

 Un tout petit livre en apparence, mais un récit lourd comme les sept cailloux. Nous suivons Larissa qui erre dans les rues de Rouen et semble parler seule. À son enfant à naître, elle raconte la vie d’avant, en Tchétchénie : son enfance comment elle a rencontré son mari, la guerre, les hommes comme des loups.

La vie depuis : l’exil en France, à la recherche d’un toit, de papiers et d’espoir, est évoqué sans pathos mais avec précision. Cette histoire est une histoire vraie, comme beaucoup d’autres. Elle a été publiée avec une postface du Collectif solidarité antiraciste et pour l’égalité des droits et par le Réseau Education Sans Frontières de Rouen et des environs.

Le texte, porté par une belle écriture, est sobre  et pudique. Il évoque aussi bien la vie de tous les jours que les pires moments. Il s’attache aussi à de petites choses, des coutumes, des plats, un jeu. Les illustrations montrent les souvenirs du pays en encadré et la marche de Larissa en pleine page, les uns en tonalités de vert, l’autre en ocre. Dominent les images du visage et des bottes de Larisa qui cherche un lieu où s’arrêter, si proche et si lointaine.

 

 

 

 

Anthony Browne, déclinaisons du jeu des formes

Anthony Browne, déclinaisons du jeu des formes
Anthony Browne et Joe  Browne
Kaléidoscope, 2011

Browne, par lui-même ?

par Anne-Marie Mercier

Le titre un peu énigmatique est éclairé par un sous-titre en page de couverture, sans doute ironique, mais assez juste : « mon métier, mon œuvre, et moi ». Il s’agit en effet d’une biographie de Browne issue d’entretiens avec son fils. Elle est présentée sous forme autobiographique, écrite à la première personne et c’est peut-être le point qui pose problème. En effet, on peine à trouver un véritable ton à ce texte, souvent écrit de manière factuelle, parfois lourde. Effet de diction, de transcription ou de traduction ?

 

La partie biographique surprendra ceux qui lui imaginent une enfance difficile à cause de la présence fréquente dans son œuvre d’enfants et de familles malheureux. Il affirme qu’il ne faut notamment pas interpréter les images négatives de pères de ses albums comme des reflets de son propre père et nous présente une image idyllique de sa famille, trop idyllique ?

 

La partie consacrée à son œuvre est beaucoup plus intéressante et éclairante. Il indique sa formation, son goût pour le surréalisme (Magritte) et pour Francis Bacon, ses hésitations entre graphisme et art, ses premiers travaux. Bien souvent, il montre que certaines images ont été réalisées sans intention consciente de signification, davantage pour leur force intrinsèque. Ainsi, la part symbolique et métaphorique de son travail s’est construite peu à peu et cela fait que certaines interprétations proposées par des enfants lui semblent aussi vraies que celles qu’il peut donner, qu’il n’a construites qu’après coup. La réception par les enfants de ces albums est extrêmement intéressante, comme ce qu’il décrit du processus de création de ses principaux ouvrages. Un chapitre consacré à son travail d’illustration de textes d’autres auteurs (Carroll, McEwan…) est lui aussi très éclairant. Enfin c’est un ouvrage qui n’apportera peut-être que peu d’éléments nouveaux à ceux qui connaissent bien Anthony Browne, mais qui propose un parcours complet accompagné de nombreuses images fort bien choisies et reproduites et qui donne des informations intéressantes sur la genèse et la réception de ses œuvres. Pour les autres, ce sera une belle découverte et une clé pour entrer dans l’univers complexe de cet auteur.

 

La bande dessinée

La Bande dessinée
Christophe Quillien
Gallimard jeunesse (tothème), 2011

Encyclopédie sommaire

Par Anne-Marie Mercier

Soixante étapes, pour autant de doubles pages ou pages simples consacrées chacune à un aspect, un auteur, une époque de la BD, voilà de quoi a priori nourrir l’intérêt. Certes, on trouve un peu de tout dans cette mini encyclopédie, mais on reste beaucoup sur sa faim. Il faut attendre les dernières pages pour avoir des informations précises sur la réalisation d’une bande dessinée.

Si le texte est aéré, en contrepartie il est sommaire. Enfin tout participe de l’idée qu’un jeune lecteur serait forcément un lecteur naïf et paresseux ; il faudrait par exemple lui faire croire que c’est un héros qui lui parle pour l’intéresser à la biographie des auteurs de BD.

Pour finir le gros reproche qu’on fera à cet ouvrage est qu’il montre peu de « bandes dessinées » et préfère montrer des couvertures d’album, des produits dérivés plutôt que des enchaînements d’images. Pourtant l’auteur insiste bien, avec raison, sur le dynamisme de cet art, sa capacité à suggérer le temps, l’espace et le mouvement. Toutes choses qui sont difficiles à voir dans une image unique.

 

 

 

C’est la fête

C’est la fête
Sophie de Mullenheim
Gallimard jeunesse (ne plus jamais s’ennuyer,) 2011

Fête, mode d’emploi…


par Anne-Marie Mercier

Comment préparer une fête d’anniversaire ? Voilà les enfants initiés à « l’événementiel », à la condition qu’ils aient la patience d’aller jusqu’à la dernière page qui leur propose un planning d’organisation. Jusque-là, on leur propose des thèmes : pirates, jeux olympiques, enquête policière…, des jeux et des recettes assorties. Ce n’est sans doute pas l’ouvrage le plus inventif de la série, mais il a le mérite de répondre à un besoin sinon quotidien, du moins régulier.

 

 

Je cherche un livre pour un enfant. Le guide des livres pour les 8/16 ans

Je cherche un livre pour un enfant. Le guide des livres pour les 8/16 ans
Toni di Mascio
Gallimard jeunesse, 2011

Qui cherche trouve

par Anne-Marie Mercier

Je cherche un livre pour un enfant 8_16 ans .gifDans la même collection que le livre précédent consacré à la tranche des zéro-sept ans, cet ouvrage propose de nombreux titres pour les pré-adolescents et adolescents accompagnés de synthèse sur différents sujets (les séries, la science-fiction, les enfants et la lecture). Un premier chapitre donne des idées de lecture en fonction du niveau du lecteur et non de son âge (il y a une bonne mise au point sur cette question de l’âge, p. 13). Un deuxième chapitre est organisé par genres : fantasy, policier, fantastique et science-fiction. Le suivant donne des titres d’ouvrages classés par thèmes : récit de vie, aventure, humour, amour, histoire, monde contemporain. Une dernière partie propose des repères : historique, lieux de lecture, éditeurs, sites… Et une bibliographie qui propose d’autres recueils du même genre mais aussi des titres d’ouvrages sur les moyens d’inciter les enfants à lire.

 Le grand mérite de cet ouvrage, comme le précédent est de s’appuyer sur le goût des enfants et adolescents, de mêler classique et contemporain, « grands » et « petits » éditeurs et de proposer de nombreuses ouvertures, regards critiques, réflexions et conseils ; par exemple celui-ci : « les adultes que nous sommes devraient éviter de juger une lecture d’enfant (trop) à l’aune de leur regard de lecteur qui a déjà un parcours littéraire (et de vie) derrière lui », accompagné d’un conseil judicieux : relire un ouvrage qui nous a beaucoup plu, enfant ou adolescent, et se demander si on en a été décervelé, ou bien?

 

Atlas illustré

Atlas illustré
Maquette Helen Lee
Rédaction Jane Chishol
Spécialiste des Atlas Roger Trend
Pour l’Edition française Traduction de Muriel de Grey Rédaction Renée Chaspoul et Charlotte Blann
Usborne, 2010

Un livre à rabats foisonnant…

par Frédérique MATTES

 

Atlas.gifLa première page explique ce qu’est un atlas, les suivantes présentent à tour de rôle chaque continent.

C’est foisonnant de détails iconographiques et de petits textes, mais lisible. C’est aussi ludique, il y a plein de rabats à soulever, pour découvrir mille et une choses. Un documentaire que les lecteurs qui s’intéressent au monde prendront sans doute plaisir à explorer, à lire et relire.

Fenêtre sur le Moyen-Age

Fenêtre sur le Moyen-Age (livre sonore)
Rob Lloyd Jones et David Hancock, traduction Claire Lefebvre
Usborne, 2011

Un livre interactif foisonnant pour découvrir le XIVème siècle

par Sophie Genin

9781409527602.gifUne plongée visuelle et sonore au XIVème siècle pour découvrir chevaliers, châteaux forts et cathédrales grâce à des scènes de vie quotidienne, du marché à la construction d’une cathédrale, en passant par le château du seigneur, assiégé deux pages plus loin, la vie au village et celle au monastère. Cet ouvrage ludique, documentaire interactif propose plus de 80 rabats afin de découvrir des détails de la vie médiévale, un sigle « jumelles » permettant de voir des scènes grossies pour mieux les apprécier. Ce livre peut se feuilleter à des âges différents, de la découverte à l’approfondissement, une fois que l’on est plus grand. Un bémol néanmoins : le foisonnement d’informations peut rebuter mais, passée cette entrée, l’univers attractif opère sur le lecteur avide de connaissances.

Le livre des + et des –

Le livre des + et des –
Christine Beigel, Alain Korkos
, Elodie Durand
La Martinière, 2011

Tout en un

par Christine Moulin

christine beigel,alain korkos,elodie durand,la martinière,mathématiques,christine moulinAutour du thème très lâche et très vaste de « plus » et « moins », voilà un livre hétéroclite, dont les illustrations « fouillis » indiquent bien la nature.

Cela ressemble à ces calendriers où  l’on apprend un fait surprenant par jour. Cela tient du cabinet de curiosités: aucun fil directeur, juste le plaisir d’accumuler de petits savoirs anecdotiques, de double page en double page. Première question: « Y a-t-il plus d’insectes, plus de poissons ou plus de mammifères? » *. Dernière question: « Pourquoi y a-t-il de plus en plus de méduses dans la mer? ». Tous les domaines sont abordés et réunis dans un index: art, ciel et espace, le corps, sciences et techniques, histoire, autres questions insolites (pourquoi « autres »?), vie en société, questions du monde entier, vie au quotidien, santé et diététique et surtout nature. Cette dernière rubrique est la plus fournie, ce qui prouve que les auteurs connaissent bien les goûts des enfants.

Dans le champ de la llittérature, on reste un peu sur sa faim: « D’où viennent les poèmes les plus courts? », « Est-ce qu’on lit moins ou plus qu’avant? » (l’affirmation finale, que je vous laisse découvrir, est sans doute discutable: Hugo pouvait y croire, mais nous?), « Comment apprendre une poésie plus facilement? ».

Mais heureusement, certaines questions fondamentales sont abordées: « Spider-man a-t-il plus de pouvoirs que Superman? ».

Sinon, sans doute faut-il signaler que quelqu’un d’un peu sensible à la question du genre pourrait tiquer à la lecture de la page « Pourquoi les femmes vivent-elles plus longtemps que les hommes? », non pas tant à cause du fond que de la forme, un tantinet condescendante: « Mesdemoiselles, veillez à vos petits nerfs si vous voulez vivre plus longtemps »… Il est vrai que la question « Pourquoi les filles aiment-elles plus le rose que les garçons? » rétablit l’équilibre!

Disons que voilà un livre sympathique, brouillon mais divertissant, qui peut soulager les parents assaillis par leurs bambins  de « pourquoi » incessants, mais qui ne donnera sans doute pas une idée exacte de ce que peut être la vraie connaissance. En fait, le plus gênant est que soient mêlées sans qu’on puisse bien les distinguer les unes des autres des réponses qui relèvent de faits (« Le soleil est-il la plus grosse étoile de l’univers? ») et d’autres d’opinions (« Est-ce que vouloir toujours plus est une bonne chose? »).

* réponse: plus d’insectes…

Clarence Flûte et le secret de Sybille : le systême solaire modélisé

Clarence Flûte et le secret de Sybille
Sandrine Bonini
Autrement jeunesse, 2011

Physicien en herbe cherche âme soeur

Par Anne-Marie Mercier

Clarence flûte et le secret de Sybille .jpgCe titre annonce une nouvelle série, mais aussi l’introduction d’Autrement jeunesse dans le roman pour enfants. A travers un héros fort sympathique, le lecteur va découvrir qu’on peut s’intéresser aux sciences ailleurs que dans la salle de classe. Le parti pris est intéressant. On regrette cependant qu’il ait fallu passer par le cliché du garçon solitaire à lunettes, premier de la classe qui n’ose pas parler aux filles, donc un personnage qui sera perçu comme un peu ridicule par les jeunes lecteurs.

Pour le reste, le projet est assez réussi : Clarence, huit ans, après avoir réalisé un système solaire en marshmallows tente d’en créer un autre qui serait une image de son propre entourage. Les conditions de réalisation de l’expérience miment celles qu’installerait un vrai scientifique, ou un professeur des écoles qui souhaiterait faire comprendre la démarche scientifique à ses élèves. L’imbrication de questions sentimentales ou relationnelles dans le projet de Clarence est savoureuse tout comme les illustrations. Elle propose les plans, schémas, listes et donnent les étapes du « cahier d’expérience » qui scandent les perplexités du personnage.

Molière

Molière
Sylvie Dodeller
L’école des loisirs (médium documents), 2011

Molière, son temps, son oeuvre

par Anne-Marie Mercier

Molière  Sylvie Dodeller.gifL’école des loisirs réédite ici un titre de 2005 devenu indisponible. La vie de Molière, de son enfance à sa mort, n’est pas présentée dans la collection « belles vies », mais dans celle des « documents ». En effet, la biographie ne fait pas la totalité du volume même si elle en constitue l’architecture et la visée. Une grande part de l’ouvrage est consacrée à faire connaître le Paris du dix-septième siècle, la vie des écoliers, des acteurs, des courtisans… Un dossier iconographique très bien choisi est proposé en cahier central.

Cela n’empêche pas que le travail de Molière et les liens que l’on peut tisser entre sa vie et ses textes y soient souvent évoqués et que le personnage y apparaisse dans son humanité.

Une lecture intéressante qui connaît les moyens d’attirer un jeune lectorat sans pour autant négliger de remplir sa mission : faire connaître, faire aimer.