L’Ascenseur

L’Ascenseur
Yael Frankel
Taduit (espagnol) par Lise Capitan
0briart, 2021

Envols dans une cage

Par Anne-Marie Mercier

Il y a parfois des albums parfaits. L’Ascenseur de Yael Frankel, primé à Bologne, aux Etats-Unis (USBBY), en Corée, à Moscou, aux Emirats, en Allemagne) en fait partie.
Le format est parfaitement adapté à son objet : ici une belle verticalité correspond au décor presque unique de l’histoire, l’intérieur d’un ascenseur. La situation est bien connue des lecteurs et pourtant étonnante : un ascenseur monte et descend au gré des appels effectués par les occupants d’un immeuble, et finit par s’arrêter pour une panne prolongée. Les occupants pestent, s’interrogent, s’inquiètent, se réconfortent, partagent, et finissent enfin par sortir pour se retrouver tous ensemble, soudés par ces émotions, chez la narratrice. Sont réunis : celle-ci accompagnée de son chien Roco, Madame Paula qui a peur des chiens, monsieur Miguel qui est très vieux et se déplace avec un déambulateur, Cora et ses jumeaux dans une poussette double… tout ce petit monde entassé passe par diverses émotions. Les « ouaf » de Roco le chien et le ton placide de la narratrice ajoutent une touche d’humour.
Le graphisme est parfait : tracés à grands traits, les personnages sont caractérisés sommairement. Le noir et banc domine, à quelques exceptions près (les grenouillères des jumeaux, le petit chapeau de la narratrice qui se multiplie parfois, l’intérieur d’une boite à gâteau, autant de traces de joie) et ce décor s’ouvre en surimpression au moment où Monsieur Miguel raconte une histoire pour faire patienter tout le monde après que le gâteau de madame Paula aura été offert à tous : le décor de l’ascenseur, toujours présent, s’incruste alors dans une forêt où s’inscrit l’histoire d’un ours qui va fêter tout seul son anniversaire, à moins que….
La nouvelle histoire, tragi-comique et charmante, est un autre exemple de gâteau à partager (mais avec une notion de partage un peu différente) et est offerte sous la forme d’un petit album souple et carré, glissé dans une enveloppe collée en fin d’album, permettant de prolonger le plaisir.
L’enfermement s’ouvre sur l’espace de la fiction, montrant le pouvoir des contes. Les surprises du quotidien créent l’occasion de belles rencontres et de nouvelles amitiés. Elles  mêlent toutes les générations : vieux ronchons et enfants affamés se réunissent dans le plaisir de savourer et partager ensemble gâteaux et histoires, et les lecteurs de tous âges sont bel et bien embarqués. C’est si joli qu’on a envie, une fois l’histoire terminée, de remonter à bord de cet ascenseur.

 

 

Une maman si pressée

Une maman si pressée
Sara Lundberg
Seuil Jeunesse 2023

L’Etourdi, ou les contretemps…

Par Michel Driol

Noa n’a aucune envie d’aller à la fête d’anniversaire d’Alma, qui commence à 2 heures. Mais sa mère s’aperçoit qu’il n’a pas de cadeau à lui offrir. Vite, direction centre-ville. D’abord un magasin de vêtements, où Noa oublie son blouson. Retour au magasin de vêtements. Puis un magasin de jouets, où l’on achète un diadème, mais où Noa oublie sa casquette, ce dont on s’aperçoit une fois dans le bus. Retour au magasin de jouets, puis nouveau bus, et arrivée enfin devant la maison d’Alma… Mais où est passé le cadeau ? Peu importe, car on découvre alors que la fête d’anniversaire n’aura lieu que la semaine suivante. De retour à la maison, Noa et sa mère se préparent à un dimanche où on ne fera rien.

Dépêche-toi, on est en retard… Combien de fois un enfant a-t-il entendu des constats, qui marquent bien des perceptions différentes du temps ? C’est ce que montre cet album, jusqu’à la caricature, car la maman est en avance d’une semaine, et que le texte parle de ses gestes aussi saccadés que ceux d’un robot ! On assiste donc à une course effrénée contre la montre, une course absurde puisque Noa n’a aucune envie d’aller à l’anniversaire d’Alma, qu’il connait à peine. Le voilà donc trainé au centre-ville, trainé, c’est bien ce que montre l’illustration qui oppose la mère, penchée en avant, et l’enfant, tenu par la main, tout droit… En ville, c’est le règne du trop : trop de clients, trop de gens, trop de choix dans les magasins, trop de monde dans le bus, trop de chaleur, des produits trop chers, et trop peu de temps avant l’heure fatidique. Tout est vu à travers le point de vue de Noa, son désintérêt pour les achats, ses oublis réguliers, son émotion et ses larmes lorsqu’il perd sa casquette favorite. La mère est présente à travers ses actions, ses paroles, et son rôle moteur. Noa n’a qu’à se laisser faire… et ses actes manqués sont sans doute comme une façon de dire qu’il est là, lui-aussi. Les illustrations, en pleine page, donnent à voir non seulement la silhouette de la mère et celle, plus fluette, de l’enfant, mais aussi toute une galerie de personnages muets, tantôt simples passants sans tête, comme une façon de montrer la jungle des villes, tantôt dans des petites saynètes où les regards sont éloquents. La chute est pleine d’humour, qui montre Alma avec un diadème sur la tête… et, sous forme d’un récit imagé, les tribulations incroyables du diadème oublié dans le bus.

Un album plein de tendresse dans lequel se reconnaitront, sans méchanceté, nombre de parents et d’enfants, pour dire qu’il faut prendre le temps de vivre, chacun à son rythme et que nous avons tous le droit à la paresse, comme une façon de résister aux pressions du monde contemporain.

Le Ballon d’Achille

Le Ballon d’Achille
Marie Dorléans
Sarbacane, 2020

Souffler, jouer, voler

Par Anne-Marie Mercier

Sur un jeu de mot qui évoque le personnage d’Achille Talon, nous voilà loin du héros grec, avec un tout jeune garçon qui essaie en vain de gonfler un ballon dans une fête d’anniversaire.
Entre deux souffles, il se passe quelque chose de magique : Achille s’envole avec son ballon, rejoint les avions et les montgolfières, survole un château, retombe, remonte en regonflant son ballon, puis repart vers le nord, au pays des ours blancs, puis vers le sud, au pays des jonques, et ensuite dans la forêt des lions, et enfin rejoint la fête d’anniversaire. Il s’y retrouve, toujours avec son ballon vide à la main, exactement au point où il était au milieu d’amies narquoises qui ignorent tout de son « voyage ».

Le lecteur fait un beau voyage lui aussi, dans ces vastes pages au format haut, dans lesquelles le blanc domine et où les décors au crayon esquissent des idées de paysages plus que des paysages. Les couleurs, limitées à trois dans le voyage (gris-bleu et rouge ou brun et vert) ajoutent à l’aspect épuré et mettent en valeur le jaune éclatant du ballon et la multiplication des couleurs de la jungle et des oiseaux exotiques, anticipant le retour dans la scène d’anniversaire.
Achille a-t-il rêvé ? il semblerait que non, vu le cadeau qu’il apporte.

Joyeux anniversaire, Maman

Joyeux anniversaire, Maman Satoe Tone Balivernes, 2017

Attention, douceur!

Par Christine Moulin

L’ouvrage frappe d’abord par la douceur des coloris de ses aquarelles. Douceur que confirme le texte: on entre dans un univers de tendresse: « C’est l’anniversaire de Maman aujourd’hui! Tout le monde l’aime et lui apporte de jolis présents ». Les narrateurs sont cinq poussins qui partent à la recherche du « plus beau cadeau de tous les temps ». Cette quête prend l’allure d’un conte de randonnée métaphorique: nos jeunes héros vont chercher des diamants dans les herbes, dans l’écume de la mer, etc. Ils sont, évidemment, à chaque fois déçus, ils bravent quelques dangers et finalement, jettent leur dévolu sur un arc-en-ciel. Leurs parents s’inquiètent, pendant ce temps, mais très vite, toute la famille est réunie. La chute, quoique déjà vue, est jolie: ce sont les poussins revenus bredouilles qui sont le plus beau des cadeaux pour leur maman… L’album est mignon, mais il n’est que mignon.

Le Pire anniversaire de ma vie

Le Pire anniversaire de ma vie
Benjamin Chaud
Helium, 2016

Le sens de la fête

Par Anne-Marie Mercier

La difficulté avec les fêtes, c’est que bien souvent elles introduisent de la contrainte, de l’inquiétude, alors qu’elles devraient être au contraire libératoires : le héros de Adieu Chausette se retrouve en mauvaise posture lorsqu’il arrive déguisé dans une assemblée d’enfants qui se sont mis sur leur trente-et-un pour l’anniversaire de Julie. Lui, ignorant du « dress code », a pris un costume de lapin, alors que son lapin, Chaussette, porte ses vêtements.

Le petit grarçon aime Julie en secret et il espérait pouvoir se déclarer ce jour-là. Il accumule les bévues, tout cela vire à la catastrophe ou au gag, jusqu’à ce qu’il se réfugie dans un arbre… avant l’heureux dénouement.

 

La Valise de Lolotte

La Valise de Lolotte
Clothilde Delacroix
L’école des loisirs (Loulou et cie), 2014

Par Anne-Marie Mercier

Comment faire quand on est déçu par un cadeau d’anniversaire, trop raisonnable, trop utile ?  C’est l’expérience que fait le petit cochon Lolotte en découvrant une valise au lieu du costume de super héros dont elle rêvait. Grâce à ses amis qui lui suggèrent tous les usages possible de l’objet pour inventer de multiples jeux, tout finit bien.

Chaque double page de cet album au format carré, en carton épais, offre un univers différent et coloré, un florilège de jeux d’enfants, du « faire comme si » aux équilibres les plus hardis, pour les petits.

Depuis, on a fait mieux encore : allez voir Pablo et la chaise de Delphine Perret sur le site de l’éditeur : Les fourmis rouges : une petite merveille

Prosper Bobik

Prosper Bobik
Maurice Sendak
Traduction (USA), Agnès Desarthe
L’école des loisirs, 2015

Petits cochons, sales mômes

Par Anne-Marie Mercier

Prosper BobikProsper Bobik, ou Bumble Ardy dans la version originale, est un petit cochon né en l’an 2000, et dont l’anniversaire n’a jamais été fêté pendant huit ans, « sa famille proche désapprouvant toute forme de gaieté ». Pour son bonheur, cette famille finit en civet et il est adopté par une tante, adorable qui le gâte. Le cœur de l’album est la description d’une fête d’anniversaire qu’il organise en cachette, invitant chez elle en son absence une foule de camarades cochons, tous plus dégoûtants les uns que les autres, jusqu’au retour de la tante qui pique une grosse colère et les chasse, mais pardonne à son cher neveu.

Le sel de l’histoire est dans sa grande fantaisie et dans un texte parfaitement traduit par Agnès Desarthe, reprenant des formules, tenant une juste distance entre proximité et recul ironique, se rapprochent parfois de l’univers d’Alice. Les bêtises de Prosper sont un peu cochonnées, avec des dessins qui sont bien moins soignés que ceux de Cuisine de nuit: ils tirent vers la caricature et le griffonnage et cultivent la monstruosité. Il semblerait que Sendak fasse ici un clin d’oeil à la censure. L’excellent article de Ricochet, qui détaille davantage que je ne le fais ici, insiste sur les images et leurs détails et suggère que l’anthropomorphisme outrancier et l’habillage extrême des cochons (au début du moins) est une réponse à l’indignation de certains devant une image d’enfant nu dans Cuisine de nuit (1970). D’ailleurs, en prologue, avant la page de titre, on voit un personnage cochon lisant une gazette datée de juin 2002 qui affirme  » Lisons des livres censurés « . Il semble que ce mini délire soit une réponse à la censure qui visait les albums de Sendak mais les dates citées (2000 et 2002) restent obscures : quelqu’un a-t-il une clef de ce mystère ?

C’est la fête

C’est la fête
Sophie de Mullenheim
Gallimard jeunesse (ne plus jamais s’ennuyer,) 2011

Fête, mode d’emploi…


par Anne-Marie Mercier

Comment préparer une fête d’anniversaire ? Voilà les enfants initiés à « l’événementiel », à la condition qu’ils aient la patience d’aller jusqu’à la dernière page qui leur propose un planning d’organisation. Jusque-là, on leur propose des thèmes : pirates, jeux olympiques, enquête policière…, des jeux et des recettes assorties. Ce n’est sans doute pas l’ouvrage le plus inventif de la série, mais il a le mérite de répondre à un besoin sinon quotidien, du moins régulier.