Hirondelle, Mademoiselle Mangetou

Hirondelle, Mademoiselle Mangetou

Hirondelle
Géraldine Collet, Olivia Cosneau
Sarbacane, 2020

Mademoiselle Mangetou
Nicolas Codron, Julie Colombet
Sarbacane, 2020

Petits carrés animaliers

Par Anne-Marie Mercier

Ces deux albums cartonnés, livres à systèmes, proposent deux orientations différentes. L’un, Hirondelle, est un documentaire montrant la vie des hirondelles sur une année : du printemps où elles créent leur nid à l’automne où elles migrent, l’hiver où elles restent au chaud, et enfin le printemps où tout recommence. Dessins très stylisés et donc bien lisibles, couleurs douces, sont un premier plaisir. L’autre plaisir est celui des rabats, aux dispositifs très variés, qui introduisent une surprise, un rythme. On découvre ce qui est caché, ou la suite d’un mouvement…

Dans Mademoiselle Mangetou, le temps est très court : on suit le trajet de l’appétit de la gloutonne chenille en suivant son corps en accordéon qui traverse les pages, passant par une fraise (« trop sucré ! »), un morceau de fromage (« trop gras ! »), une botte en caoutchouc (« trop vide »), pour finir sur une feuille bien verte (qui la satisfait enfin).

Très maniables, jolis, lisibles, voilà de beaux objets pour les petits.

 

Le matin/ le repas/Le bain/ Le soir

Le matin/ le repas/Le bain/ Le soir
Jeanne Ashbé
L’école des loisirs (Pastel, « des images pour se parler »), 2021

Lisons, causons

Par Anne-Marie Mercier

Petits recueils d’ « images pour se parler », ces quatre imagiers sans texte proposent en page de gauche des situations du quotidien et en vis-à-vis des images montrant un objet extrait de la scène. Si les situations sont banales, le personnage du doudou de Lou, Mouf, introduit un peu de narrativité et de fantaisie.
Ainsi, l’on peut décrire ces scènes simples, inscrites en gros traits noirs et souples et joliment colorées de motifs divers et de ton harmonieux ; on peut rire des bêtises du doudou et parfois de Lou, et évoquer tous ces plaisirs du quotidien vécus ensemble ou à distance. Ce sont de jolis supports pour l’élaboration progressive du langage d’évocation, si important pour le développement des tout petits, et une belle introduction à l’art graphique de Jeanne Ashbé, bien connue pour ses petits albums inscrits dans le quotidien des tout petits (comme le célèbre À ce soir, par exemple) .

Pour aller plus loin : le Monde de Jeanne Ashbé.

Lou et l’agneau La Famille Dodo

Lou et l’agneau
La Famille Dodo
M.B. Goffstein
Didier jeunesse (« Cligne cligne »), 2019

Petits trésors américains des années 60

Par Anne-Marie Mercier

Ces petits bijoux, joliment traduits en français et publiés dans la collection « Cligne cligne » de Didier qui réédite des chefs d’œuvre oubliés de la littérature de jeunesse, datent l’un de 1966 (Sleepy People) pour l’édition originale, l’autre de 1967 (Brookie and her lamb). Dessin minimal, un simple tracé à l’encre noire sur fond blanc qui esquisse les silhouettes de l’enfant et de son agneau apprivoisé, silhouettes  remplies de gris aquarellé pour la famille Dodo, et histoires minuscules dans un petit format cartonné élégant.

Dans Lou et l’agneau, on présente un agneau à qui une petite fille, Lou (beau jeu de mots évoquant la fable, mais aucune violence ici), a appris à chanter et à lire : mais chaque fois on constate que son seul répertoire est « Bêê, bêê bêê ». N’importe, Lou en est contente et une jolie promenade et des scènes de tendresse le prouvent.

Sleepy People/ La Famille Dodo est plus onirique (forcément) : quatre personnages, dans lesquels on reconnait un père, une mère et deux enfants, vêtus d’une chemise de nuit et d’un bonnet de nuit dorment tout le temps et partout, dans une pantoufle, par exemple. Le récit est proche de comptines évoquant bâillements, étirements, sommeils et chocolats chauds, et s’achève avec la berceuse chantée par maman Dodo, qui endort à coup sûr les bambins.

Les deux livres sont très charmants, une petite bibliothèque idéale pour rire le jour des apprentissages (cet agneau est à l’image de l’enfant qui entre à l’école) et s’endormir au soir.

Rappelons, dans la même collection le très bel album, atemporel lui aussi, de Margaret Wise Brown illustré par Rémy Charlip, Une Chanson pour l’oiseau. Une troupe d’enfants trouve un oiseau mort, s’interroge, et décide de l’enterrer joliment. Ils chantent une petite chanson « comme font les adultes comme quelqu’un meurt » et passent à autre chose. Voir la chronique de François Quet sur lietje.

Le Magichien

Le Magichien
Ramadier et Bourgeau
L’école des loisirs (« Loulou et cie »), 2021

Abracadabra !

Par Anne-Marie Mercier

Le Magichien est un petit chien qui, sur une scène, invite le lecteur-spectateur à chercher avec lui le chat qu’il a fait disparaitre d’un coup de baguette. Il faut s’exclamer à chaque étape « Abacadacha ! » et trouver quel rabat actionner. Chaque étape fonctionne avec un dispositif différent et fait surgir un animal étonnant, de plus en plus gros et de plus en plus effrayant (enfin, pas trop).
Si le jeu sur les mots risque d’être peu compris, notamment pour des enfants qui ne sont pas accoutumés à la formule « Abacadabra », et peut-être au mot magicien,  tout le reste est bien adapté à un tout jeune lecteur, qui, mieux qu’un adulte saura soulever des rabats, les écarter, les abaisser… Les couleurs vives, les formes simples, la répétition et la surprise sont un délice.
Et bien sûr, à la fin on retrouve Minette, sous le chapeau du magicien… Bravo, bravo !

Couleurs

Couleurs
Léo Lionni
L’école des loisirs, 2021

Pop ! Splotch !

Par Anne-Marie Mercier

Dans ce petit album carré cartonné aux coins arrondis pour les tout-petits, les souris de Léo Lionni sont de bons professeurs : elles emmènent le regardeur dans le monde des couleurs à travers un imagier qui associe à gauche une page colorée dans laquelle s’inscrit le nom de la couleur en camaïeu (rouge, bleu, jaune, vert, et aussi rose, noir, violet, gris, blanc, marron,orange) avec, à droite, une page qui met en scène cette couleur.
Le texte qui accompagne cette image associe ce nom avec un ou des adjectifs (un ballon rouge vif) un objet qui porte la couleur (un délicieux sirop de citron, une piscine scintillante), des situations (rose: un chewing-gum qui m’éclate au nez ; noir : le ciel, la nuit ; marron : la boue qui fait splotch splotch): les mots sont eux mêmes un matériau sensible, comme les couleurs, superbes de densité et de nuances, et les formes.
Pour compléter la collection, il y a aussi, du même auteurs les Lettres et les Chiffres.

Doudou loup et le drôle de bruit

Doudou loup et le drôle de bruit
Stéphanie Bardy (ill.)
Casterman, 2021

Doudou y es tu?

Par Anne-Marie Mercier

Si l’idée d’offrir un petit carré de tissu représentant le héros de l’histoire (doudou loup) est intéressante et généreuse, on reste perplexe quant à sa présentation : n’est pas doudou qui veut et pour les petits cela pourrait relever de l’imposture, ou au moins du non-sens.
L’intrigue est mince: Doudou loup entend du bruit, il a peur et cherche d’où vient ce bruit étrange. Mais elle a deux qualités : elle permet une répétition des mêmes onomatopées qui rythmeront la lecture et elle invite le jeune lecteur à agir pour consoler ou rassurer doudou loup, en suivant l’exemple des livres de Bourgeon et Ramadier.
Pour que cela fonctionne, il faudrait que le personnage (Doudou loup) soit perçu comme tel, et qu’on puisse repérer ses oreilles pour les frotter, que l’on ait  envie de le caresser ; rien n’est moins sûr.
Les illustrations sont jolies, mais il leur manque de la lisibilité et il leur faudrait un scénario un peu plus convaincant, davantage  de cohérence et de pertinence et un vocabulaire un peu moins inutilement complexe. Est-ce la raison pour laquelle le livre est donné sans nom d’auteur pour le texte ?

Un petit bisou ?

Un Petit Bisou ?
Eoin McLaughlin, Polly Dunbar
Gallimard jeunesse, 2020

Qui veut jouer avec moi?

Par Anne-Marie Mercier

Ce tout petit album carré a l’originalité de se lire dans deux sens : dans l’un, on voit un hérisson qui a envie d’un bisou. Il implore en vain les animaux qu’il rencontre (renard, écureuil, pie…), jusqu’au milieu du livre où il trouve enfin celle qui pourra répondre à son attente : la tortue. Dans l’autre, on voit une tortue qui a envie d’un bisou et implore en vain les animaux qu’elle rencontre (lapin, grenouille, hibou…), jusqu’au milieu du livre où elle trouve enfin celui qui pourra répondre à son attente : le hérisson.
La tortue fait peur à cause de sa carapace, le hérisson à cause de ses piquants : l’un est complémentaire de l’autre. Voilà une belle histoire, drôle à travers les prétextes invoqués pour justifier les refus, très mignonne par ses dessins et pleine d’espoir – à condition de ne pas se décourager trop vite !

Amour amour après quoi chacun court

Amour amour après quoi chacun court
Mélusine Thiry, Julie Guillem
HongFei, 2021

Il court, il court (le furet?)…

Par Anne-Marie Mercier

Le soleil se lève dans une chambre d’enfant, une petite fille accueille le jour tandis qu’un ours en peluche est sagement assis. De page en page, le jour grandit, jusqu’à la nuit, montrant différents animaux qui se précipitent (de la gauche vers la droite) vers l’être aimé, tandis que le texte, conçu de page en page sur le même modèle (lieu ou temps + nom de l’animal + verbe de mouvement + « vers qui le » + verbe) évoque successivement un décor (par-dessus les collines, de branche en branche, entre les buis, le soir venu), le nom de l’animal (oiseau, sanglier, licorne –eh oui, elles sont partout–, belette…) et le geste d’amour vers lequel ils volent : être caliné, cajolé, dorloté, embrassé, apaisé, chéri, enchanté.
Voilà de bien belles déclinaisons de l’amour, jusqu’au geste de bercer qu’attend l’ourson de la première page, que l’on retrouve ici à la fin, dans un dispositif en miroir, sur la dernière page où un père lit cette histoire à une petite fille.
Les illustrations sont délicates et douces, allant des tons pastel du ciel aux couleurs franches des végétaux. Le caractère répétitif de l’histoire est contrebalancé par la variété des dispositifs sur la double page : le texte, placé dans une bulle, est tantôt seul sur la page de gauche, tantôt inscrit ici ou là dans la double page, la bulle de la licorne est transparente… il y a de multiples détails aussi bien dans le texte que dans les images pour accompagner une histoire tendre pour le soir.

Feuilleter sur le site de HongFei (You tube).
Mélusine Thiry est vidéaste (voir son atelier). Julie Guilhem a un style très reconnaissable, raffiné, alliant tradition de l’illustration et innovation, sobriété et art de la couleur.

Collection Mon petit livre sonore

Collection Mon petit livre sonore
Didier jeunesse

Jouer, écouter, feuilleter

Par Anne-Marie Mercier

Berceuses pour mon petit amour
Berceuses pour mon petit chat
Lucia Calfapietra (ill.)
Didier jeunesse, 2020

Je découvre les Comédies musicales
Je découvre le Jazz
Liuna Virardi (ill.)
Didier jeunesse, 2019

 

La collection « Mon petit livre sonore » de Didier jeunesse compte déjà près de trente titres, ouvrant les enfants à des univers sonores variés. Berceuses en différentes langues, comptines, bruitages, œuvres de musique classique (Chopin, Mozart, Beeethoven, des extraits de Casse-Noisette…), sont donnés sous formes de mini anthologies cartonnées, chaque double page proposant un bref échantillon sonore.
Toutes ces « vignettes » musicales sont déclenchées en appuyant sur une pastille argentée placée dans l’illustration, facilement repérable et ne demandant pas de dextérité ou de force particulière, donc dans un dispositif tout à fait adapté aux enfants.
On trouve sur le site de l’éditeur des échantillons de musiques et images : Berceuses pour mon petit amour et Berceuses pour mon petit chat proposent des titres bien connus (Dodo m’amour, Schlaf Kinden Schlaf, Frère Jacques, Anicouni, Go to sleep my baby, Dodo, Do l’enfant do, la minèt, C’est la cocotte blanche, Toutouig, Arroro mi nene…) et sont illustrés avec beaucoup de douceur et des motifs animaliers par Lucia  Calfapietra.

Quand ce n’est pas le moment d’aller dormir et d’écouter des berceuses dans toutes les langues, on trouve dans cette collection des livres sonores autour de styles musicaux plus toniques et a priori destinés aux adultes. Le volume consacré au Jazz permet d’entendre les voix d’Ella Fitzgerald, de Frank Sinatra, de Fats Waller, et les ensembles des Delta Rythm Boys et de Slim et Slam ; beaucoup de voix d’hommes, des airs aux rythmes rapides (le « cheek to cheek » de Sinatra faisant un peu exception). On a davantage de voix féminines dans les airs des Comédies musicales, la seule exception étant celle de Gene Kelly dans Chantons sous la pluie. Celle de Julie Andrews illustre des airs célèbres, le « Do ré mi » de La Mélodie du bonheur, « I could have danced all Night » de My Fair Lady, et on entend celle de Julie Garland dans « Over the Rainbow » du Magicien d’Oz. Les couleurs sont éclatantes et les illustrations bien reliées aux thèmes des chansons et à leur esprit. Les airs sont tous chantés en anglais; c’est aussi le cas dans le volume sur le Jazz.
Tout cela pétille et donne envie de réentendre ces airs fameux et de les entonner soi-même : chacun peut ainsi participer à sa manière, en contemplant et écoutant, feuilletant, déclenchant les airs, chantant….

 

 

 

Ni l’un ni l’autre

Ni l’un ni l’autre
Anne Herbauts

Casterman, 2020

… Et tout à la fois

Par Anne-Marie Mercier

Sous une apparente simplicité, avec beaucoup d’humour et de tendresse, Anne Herbauts offre un regard juste sur l’enfance, les discours qu’on lui adresse et les modèles qu’on lui présente.
Chaque double page est à la fois semblable et différente : le texte décline des caractéristiques associées au père et à la mère (« mon père est drôle, ma mère est grande », par exemple, ou « mon père est pressé, ma mère est partout », « mon père est précis, ma mère est solaire ») et la réponse de l’enfant, invariablement, « Moi, je ne suis ni l’un ni l’autre. Je suis moi ».
Si les adultes n’apparaissent que par fragments (un pied, un bout de robe, une main…) et par leur discours, l’enfant est représenté sous une forme animale qui correspond à l’image proposée par le discours des parents – toujours à l’impératif – : « Habille-toi, petit chat ! », « reste tranquille, moustique ! », « Mange bien -, mon poussin ! », etc.
Ainsi, de page en page, l’air de rien, et sous des habits de fantaisie, on retrouve  le rythme de la journée d’un tout petit (le bonjour, l’habillage, le repas ; ranger les jouets, sortir puis rentrer), les figures parentales, très différentes, parfois opposées, les chocs de couleurs, le règne de la métaphore et enfin le désir d’indépendance d’un enfant qui s’affirme face à un discours qui le morcelle et le cadre, et lui impose des modèles qui ont l’inconvénient (ou l’avantage) d’être multiples.
Les images sont à la fois dynamiques et solitaires, chaque page déclinant des vignettes colorées, le plus souvent sur fond blanc, aquarelles saturées, papiers collés ou tissus. La dominante colorée de chacune est différente, tons de jaune, de bleu, de rouge… toute une gamme.