Coup de foudre au zoo

Coup de foudre au zoo
Aurore Callias
Autrement jeunesse (histoires sans paroles), 2014

Singez les singes, et vous verrez…

Par Anne-Marie Mercier

Coup de foudre au zooUne famille visite un zoo et l’un des enfants s’arrête tout particulièrement devant la cage des singes. Un halo blanc signifie ce « coup de foudre », mais de quelle nature est-il ? Le texte est, comme c’est la règle dans cette collection, sans paroles.

Ce n’est que lentement que le lecteur comprend ce qui se passe. A partir du moment où les humains rentrent chez eux le petit garçon concerné par ce « flash » se comporte comme un singe (acrobaties, etc., puis sa sœur puis ses parents. A l’inverse, sur la page de droite, on voit les singes s’humaniser jusqu’à le dernière page qui les montre sortant du zoo avec zoo-pictureleurs sacs de pique-nique. La dernière scène, en forme de déjeuner sur l’herbe, montre les singe sagement autour de la table du pique-nique tandis que les humains, presque nus, font les singes dans les branches… On pense bien sur à l’album d’Anthony Browne, Zoo.

les beaux beaux jours des colloques

Les pages « actu » et « recherche » de notre site (maintenant bien vivantes, je vous encourage à les visiter régulièrement) étant un peu confidentielles, voici deux annonces qui concernent l’activité des membres de Li&je (ou plus largement PRALIJE), acteurs de ce blog :

compagnonsLittérature de jeunesse et enseignement de la littérature : Les compagnons de la Croix-­‐Rousse : qu’est-­‐ce qu’une série culte ?
Université Lyon 1, Espe, 14 & 15 juin 2016
En savoir plus : BONZON-COLLOQUE
voir le PLANNING_bonzonv2

 

 

Appel à communication : colloque des 17-18 mars 2017, à Lyon : « Des créateurs dans la classe. Faire vivre la littérature de jeunesse ».
Les propositions de communication (15 à 30 lignes) devront parvenir en word ou rtf avant le 10 avril 2016 à anne-marie.mercier@univ-lyon1.fr
appel_colloque ecrivain_fin
Anne-Marie Mercier, Université Lyon1 (Espé), UMR 5611 (LIRE), François Quet, Université Lyon1 (Espé), LITT&ARTS, Grenoble 3

Qui a piqué le courrier des élèves ?

Qui a piqué le courrier des élèves ?
Nicolas de Hirsching, Fanny Joly
Casterman, 2013

Les jolies colonies de vacnceeeuuuuhhhh

Par Anne-Marie Mercier

Qui a piqué le courrier des élèves ?Les auteurs ont reproduit le procédé de leur ouvrage précédent : Qui a piqué les contrôles de français ? : fac-similé de travaux d’élèves annotés en rouge par l’enseignante.

Même principe caricatural, mais situation différente. Ici, il s’agit d’un atelier d’écriture et d’informatique pendant une classe verte : les élèves devaient envoyer un courrier à divers membres de leur famille. Ils développent tous les clichés liés aux séjours en collectivité : mauvaise nourriture, confort approximatif, blagues entre enfants, mauvais caractère des adultes. Les textes proposent différents types de lettres de vacances : sibyllines, romanesques, goguenardes, hypocrites… Quant à l’enseignante, elle est elle aussi un personnage caricatural, tant dans ses commentaires sur les textes des élèves que dans ses courriers personnels. Pour les amateurs de perles de cancres, c’est savoureux, un peu moins cependant que l’ouvrage précédent – ou bien la surprise joue moins.

Une Maison pour quatre

Une Maison pour quatre
Gilles Bizouerne, Elodie Balandras
Syros (paroles de conteurs), 2015

Conte peul

Par Anne-Marie Mercier

Une Maison pour quatreLes quatre associés de cette histoire tirée d’un conte peul sont assez improbables : tigre, éléphant, serpent, hibou. On en déduit que le conte vaut par sa morale : on ne peut s’associer que si on a assez en commun.

Cependant, l’entreprise est montrée comme joyeuse, réussie pour un temps assez bref mais précieux. Somme toute, elle n’échoue que par quelques détails de cohabitation difficiles à réprimer, tenant à la nature de chacun. Le rythme de la narration et ses moyens sont adaptés au racontage et maintiennent l’attention éveillée à chaque étape.

Le récit suit les vignettes d’un rêve d’enfant : construire une cabane, y dormir… Les animaux sont bellement croqués ; les couleurs sont franches, vert de la végétation, violet de la nuit, orange du tigre… et les animaux sont très expressifs.

Menace sur le réseau

Menace sur le réseau
Laurent Queyssi
Rageot Thriller 2015

Hacker : entre réalité virtuelle et menaces réelles

Par Michel Driol

menaceVoici le tome 3 des aventures d’Adam Verne – le hacker en fauteuil roulant engagé par les services secrets – et de Clotilde Weisman. (Voir notre chronique du tome 1). Engagé comme consultant  sur le tournage d’un film en Califonie, Adam en profite pour visiter la Silicon Valley, lorsqu’il apprend que son amie Emma vient d’être enlevée, et qu’on lui demande, en échange, de perfectionner un ver informatique qui permettra l’accès à tous les fichiers stockés dans le cloud…  LA CIA s’en mêle… et s’engage une course poursuite, à moto et à l’aide d’engins pilotés à distance. De retour en France, la menace n’est pas écartée, et Adam devra faire face à son alter-ego, et découvrir les secrets qui entourent la mort de son propre père, et l’accident qui l’a paralysé.

On retrouve tous les codes du thriller : enlèvements, poursuites, menaces, suspense, dans une narration vive et enlevée, qui conduit le lecteur de Paris aux Etats Unis, puis à Genève. L’une des forces de cette série est d’avoir choisi un héros en fauteuil roulant, qui n’hésite pas à prendre des risques, mais a besoin des autres pour se déplacer. Si le hacker agit seul, c’est uniquement dans le domaine de l’informatique, où il montre son inventivité et son génie, mais cela ne l’isole pas des autres : son frère, sa petite amie, les acteurs américains qu’il côtoie et avec lesquels il lie des liens. Sur fond d’antagonismes entre les services secrets américains et français, ce roman pose la question du secret des données que l’on confie aux grands groupes dans le cloud, et la tentation des états de s’en emparer. Big Brother est plus que jamais parmi nous.

Un thriller efficace situé dans des problématiques contemporaines.

 

Sami, Goliath Oscar, Ousmane et les autres

Sami, Goliath Oscar, Ousmane et les autres
Claire Clément
Bayard Jeunesse Estampille 2013

Et Dieu dans tout ça ?

Par Michel Driol

samy_oscarSami et sa sœur Jeanne vivent avec leur mère, dépressive, dans une cité de banlieue. Le père est parti, avec une autre, laissant à Sami en compensation un lapin nain que ce dernier chérit plus que tout. Le drame arrive lorsque son copain Oscar est malade, qu’on doit le conduire à l’hôpital, et que le lapin nain est volé. Puis Oscar, enfant sans papiers élevé par sa mère, est attendu par des policiers à l’école, qui veulent qu’il les conduise chez lui. Oscar parvient à prendre la fuite. Nuit d’angoisse, où on l’attend, copains de classe, voisins, maitresse…  C’est alors que Sami apprend qu’il va avoir un petit frère, et que son père ne pourra pas le prendre.

C’est à la fois le quotidien d’une cité HLM et l’apprentissage de la vie par Sami que raconte, avec des mots simples, Claire Clément. Une cité multiculturelle, avec ses caïds (Volcan), ses français limite racistes (Boloss et son chien Ebène), et ses personnages positifs et attachants.  Le vieux sénégalais Ousmane, avec sa sagesse africaine. Sothy et sa sœur Chanthou, leurs problèmes avec leur frère ainé qui tourne mal, leur père reparti  travailler au Cambodge. Nadir le rappeur, dont les raps font un écho aux péripéties du roman et qui rentre régulièrement en Algérie, où sa grand-mère – poète – lui enseigne les mots pour  plaire aux filles. Oscar et sa mère Ayana, véritable mère courage, pourvoyeuse de beignets du matin. Auxquels il convient d’ajouter Rose, la maitresse d’école. figure bienveillante et protectrice.  Chacun, à sa manière, soutient Sami – Anselme de son vrai nom – au cours des épreuves qu’il traverse, répond à ses questions, lui donnant ainsi une leçon de vie. Sami découvre alors les religions – mais, entre Dieu et Allah, quel est le « bon » Dieu ? A-t-il ses chouchous ? Quel est le remords secret qui ronge Ousmane ? Pourquoi les lapins nains ont-ils un carnet qui leur permet de passer les frontières, et pas son copain Oscar, qui est pourtant humain ? Questions essentielles posées à hauteur d’enfant, et auxquelles les adultes  tentent d’apporter des réponses pleines de poésie parfois, de sagesses diverses (africaine, orientale) ou de réflexion sur la morale comme à l’école. Entre manifestations proches de RESF et coquillage magique, entre sentiments complexes  ressentis par les différents protagonistes et recettes pour être heureux, cet ouvrage est autant une galerie de portraits attachants qu’un regard plein d’humanité et d’humanisme sur notre société.

Une fois de plus, la littérature de jeunesse montre un monde où les enfants n’ont pas toujours le sourire : pères absents, morts, ou rongés de culpabilité, mères parfois déprimées et les laissant à l’abandon, grands-frères au chômage et livrés à eux-mêmes… Pourtant, rien de misérabiliste, et reste la question essentielle que pose ce livre : comment aider ces enfants à grandir ? Quelles solidarités se mettent en place dans la cité, à l’école, ou sur le terrain de sport ? Quels modèles pour leur permettre de se construire ?

Un livre qui illustre la fraternité, et qui sait être à la fois ancré dans le réel, émouvant et optimiste.

Terre-Dargon, t. 3 : Les sortilèges du vent

Terre-Dargon, t. 3 : Les sortilèges du vent
Erik L’Homme
Gallimard jeunesse, 2015

Terre-Dargon, t. 3 - Les sortilèges du ventFin de la trilogie : On retrouve les aventures des trois camarades, le barde débutant, le garçon ours, et l’apprenti sorcière, accompagnés d’un vieux sorcier et s’affrontant à de multiples ennemis dont on ne sait trop ce qu’ils cherchent, les uns tentant de les entrainer à l’est, d’autres à l’ouest, certains cherchant à les tuer, d’autres à les utiliser on ne sait pour quoi… Pour couronner le tout, l’écriture garde le parti-pris d’une narration alternée et l’on se disperse, d’un court chapitre consacré à l’un des héros, à un autre sur l’un de ses amis embarqué dans une toute autre affaire (apparemment), etc.

Tout s’éclaircit dans ce dernier tome où les actions divergentes jusqu’ici se nouent en une intrigue unique. Complots, magie, prophétie, dragon, métamorphoses, tous les ingrédients qui font rêver les amateurs de fantasy sont réunis.

Enfances, adolescences : cinq nouvelles inédites

Enfances, adolescences : cinq nouvelles inédites
Collectif
Librio/bibliothèques sans frontières, 2015

Passages de témoins

par Anne-Marie Mercier

EnfancesadolescencesLibrio s’est associé à l’ONG bibliothèques sans frontières pour proposer des textes de qualité à faible coût, textes qui sont en lien avec la part du programme de la classe de troisième intitulée « récits d’enfance et d’adolescence ». Cinq auteurs ont été sollicités pour publier des textes inédits : Eliette Abécassis, Geneviève Brissac, Marie Darrieusecq, Arnaud Delalande et Arthur Dreyfus. Arthur Dreyfus dans «pour Gaspard en couleurs» raconte une enfance entre Belgique et France faite de fragments, de souvenirs, de rêves et de contre-rêves qui finissent par former une histoire, entre fiction et réel. Marie Darrieusecq dans « Mathieu le 16 mars 2006 » retrace sa rencontre avec un enfant dans un bus, à travers un dialogue où les silences et la retenue comptent autant que les mots. Le narrateur du récit d’Eliette Abécassis, Simon, 17 ans, relate son voyage en Israël, à la recherche d’une part inconnue du passé de sa famille. Dans « la rose est sans pourquoi », de Geneviève Brissac, c’est une jeune fille, une adolescente, momentanément aphone, qui nous fait partager un épisode de ses vacances, dans lequel le lecteur peut deviner ce qu’elle tait. Enfin le récit d’Arnaud Delalande, « la dernière mission de super Meteor », fait parler un jouet ( le robot du même nom) pour mettre en scène entre humour et de la gravité le passage d’un jeune garçon de l’enfance à l’adolescence. Chacun de ces textes est de grande qualité aussi bien d’écriture que de sensibilité.

NB : l’association Bibliothèques sans frontières vous propose de faire don de vos livres (avec des frais de traitement )

Un nouveau site sur la LJ : Voie livres

 le site internet www.voielivres.ch est désormais en ligne!
voie livres
Vous y découvrirez régulièrement des chroniques sur la littérature de jeunesse, son enseignement, l’état de la recherche et les événements culturels, régionaux ou non.

Le site est né d’une envie d’échanger sur la littérature de jeunesse, d’élargir ces échanges au plan intercantonal et international, ainsi que de collaborer avec différentes Institutions et acteurs du monde du livre (Haute Ecole Pédagogique Vaud, Université de Genève, Haute Ecole Pédagogique Valais, Institut suisse Jeunesse et Médias, Editions Pure Crème, d’autres encore, prochainement?).

Sonya Florey, Carole-Anne Deschoux, Vanessa Depallens

Plus de morts que de vivants

Plus de morts que de vivants
Guillaume Guéraud
Rouergue doado noir 2015

Coronavirus au collège

Par Michel Driol

plusmortsvivantsVeille de vacances scolaires, au collège Rosa Parks, à Marseille. Plusieurs élèves sont pris de maux étranges qui créent d’inquiétantes lésions, puis la mort. Les équipes de secours arrivent, le plan Orsec est déclenché. Petit à petit l’hécatombe grandit, élèves et adultes meurent de façon de plus en plus terrifiante. Tout le monde est confiné au collège : pour combien de temps ? Certains pourront-ils survivre ?

Voilà un roman qu’on lit d’une traite et qui ne vous lâche pas.  D’abord en raison du thème et de son traitement : la mort qui frappe, en masse, une collectivité d’ados, avec leurs espoirs (la danse, la musique), sans distinction entre les bons élèves, les absentéistes chroniques, les provocateurs, les amoureux… On songe, bien sûr, au Hussard sur le toit, au Journal de l’Année de la Peste à Londres de Defoe, voire à la Peste de Camus qui évoquent le même type de situation. Quelles réactions, à l’heure des téléphones portables et des réseaux sociaux, face à ce que l’on pressent comme inéluctable ? la volonté de protéger son petit frère, de ne  pas le quitter, le souhait de retrouver et d’embrasser celle qu’on aime, même si elle est atteinte, la modification ou pas des relations avec les professeurs… Plus le temps passe et plus la peur croît, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, face à quelque chose que personne ne peut contrôler. A l’heure des attentats, des massacres de lycéens dans les écoles aux Etats-Unis, ce coronavirus apparait comme une métaphore d’un mal qui ronge notre société, dont la conséquence est que, à tout moment, quelque chose peut surgir qui fait que le regard sur soi-même et sur le monde s’en retrouve modifié, et qu’on regarde, avec inquiétude, les scènes anodines de la vie qui nous entoure.

L’écriture est précise et travaillée : entre phrases très courtes et phrases longues, entre répétitions des sujets et assemblages  de trois verbes ou adjectifs, la langue sait être expressive. Par ailleurs, le récit à la troisième personne alterne avec des séquences de nature différente : notes du principal, échanges de SMS, conversations téléphoniques, chroniques radio, faisant entrer d’une certaine façon l’extérieur dans le huis-clos que constitue le collège. L’esthétique de la mort dans ce qu’elle a de plus horrible (descriptions des souffrances, des glaires, du sang, des cheveux qui tombent conduites avec un grand réalisme)  s’y déploie en contraste évident avec un fond de gelée blanche d’un jour d’hiver, dans un décor familier.

Un roman noir, très noir, qui marquera profondément ses lecteurs, les surprendra sans doute et les incitera à échanger sur leurs réactions.