Toc toc toc

Toc toc toc
Anne Herbauts

Casterman (les albums), 2011

Anne Herbauts pour tout petits : la poésie à portée de pensée

par Sophie Genin

toctoctocCet album cartonné en forme de maison invite les très jeunes lecteurs à découvrir ce qui se cache derrière les portes : le quotidien mais vu à travers la poésie dont fait toujours preuve Anne Herbauts. En effet, des dessins mais aussi des collages se font suite, faisant appel non pas aux souvenirs mais à l’imagination de l’enfant qui va tour à tour croiser des paires de chaussures mais ne serait-ce pas une araignée, là dans le coin ?

Viendront ensuite de nouveaux rangements : tous les outils utiles pour faire le ménage mais oh ! Une mouche !, une coccinelle sur la porte du frigo et, derrière, les aliments rangés sur leurs étagères, des canards peints sur un bol dans le vaisselier, un chat caché dans des bouts de tissus et autres dentelles et, là, une souris !

La fin, ouverte, comme le reste de l’ouvrage, presque sans texte, à part la ritournelle « tot toc toc » appelant à tourner des portes visuellement très variées, présente un papillon qui s’envole, la porte se transformant tout à coup en fenêtre, comme une invitation à un nouvel inventaire, une nouvelle aventure, mais au-dehors cette fois-ci !

Theferless

Theferless
Anne Herbauts
Casterman, 2012

Pure beauté

Par Christine Moulin

theferless« Bonne journée qui commença mélancoliquement
Noire sous les arbres verts
Mais qui soudain trempée d’aurore
M’entra dans le cœur par surprise ».

Ces quelques vers issus du poème « A Pablo Picasso » (Les yeux fertiles), de Paul Eluard, pourraient en quelque sorte dessiner le parcours proposé par le splendide album d’Anne Herbauts. Tout commence dans la sombre forêt des contes, dans une maison « étroite et carrée », à la fenêtre faite de « peau de chagrin », installée dans le ventre d’un 8, qui finira par libérer l’infini qui est en lui.

Les personnages, sans nom, représentent plus qu’eux-mêmes : la Très Vieille, le Père, l’Enfant, la Mère-Giron, la Mort, le chat Moby Dick. Ne nous y trompons pas : ce n’est pas une histoire qui nous est racontée là. C’est l’histoire au cœur de toutes les histoires, c’est l’origine de tous et de chacun. C’est à l’échelle du mythe qu’il nous faut nous hausser, comme nous l’indiquent les nombreuses litanies, les merveilleuses listes qui scandent le récit. La première page ressemble à un prologue. Tout est en place, chacun tient son rôle, celui qui lui a été assigné de toute éternité: « La Mère tricote et brode. La Vieille s’en va lentement. La Mort rigole et joue aux dominos ».

Ce qui met en branle le cours du Temps, c’est une hirondelle, non pas celle qui fait le printemps mais au contraire, celle que le chat a attrapée, un jour d’automne, celle qui repartira, une fois soignée, car elle doit « retrouver le bleu » et tracer « l’espace, les saisons, le temps, le lointain, l’ailleurs » . Et l’on comprend alors pourquoi il est si important d’avoir, une fois dans sa vie, tenté, avec sa mère, de sauver un oiseau.

Toutes les phrases du texte sont ciselées et en même temps, si simples. De la simplicité des grandes évidences (« La chaise vide remplissait par son attente la moitié de la pièce », « La Mort racontait comment le jour était, de tout son long, un beau jeune homme », « Ils ont un ciel entier à travers la gorge, le cœur »,…) Chaque illustration est à sa manière un tableau, sans pour autant perdre de sa force narrative et symbolique, dans le chemin qui mène de l’ombre à la lumière. Un absolu chef d’œuvre qui éclaire la vie et donnerait presque un sens à la mort.

De quelle couleur est le vent ?

De quelle couleur est le vent ?
Anne Herbauts
Casterman, 2011

 aux aveugles

par Anne-Marie Mercier

A cette question posée par un enfant aveugle, « De quelle couleur est le vent ? », Anne Herbauts répond en couleurs, en touchers et en poésie ; l’enfant de l’album part en quête d’une réponse et interroge un vieux chien, la montagne, le village, une fenêtre, une pomme… chacun réponde à partir de son point de vue : couleur du temps, du soleil, sève et grenadine… (on pense au dispositif de la grande question de Wolf Erbruch)

Les illustrations très colorées mêlent les techniques (papiers et tissus découpés, dessin, peinture… ) et offrent de discrets effets tactiles, du rugueux au lisse, vernis et embossages proposent tout un parcours de sensation.

Anne Herbauts a recueilli pour ce livre les conseils des Doigts qui rêvent (maison d’édition spécialisée dans les albums tactiles pour enfants mal voyants) et a bénéficié d’une bourse de l’association « les Enfants de Sylvie ».