La Bible de Lucile

La Bible de Lucile: Notre voyage de la Genèse à l’Apocalypse
Pierre-Marie Beaude
Bayard, 2014

 Noël !

Par Anne-Marie Mercier

Pierre-Marie Belabibledelucileaude, auteur de romans pour la jeunesse et d’écrits d’exégèse biblique a réuni ses deux spécialités pour s’attaquer à un monument : la Bible, rien que cela. Mais le but n’est pas d’offrir une petite Histoire sainte à l’usage des enfants car c’est un très gros livre qu’il nous propose : 1248 pages, sur papier… Bible, justement. Dans la ligne de ce que Le Monde de Sophie avait fait pour la philosophie, il vise à rendre la Bible accessible et compréhensible.

Le volume est composé de résumés des différents livres que contient la Bible accompagnés de questions et d’explications. Cette lecture se fait à deux voix : Lucile, jeune femme, mère de deux enfants, échange par courrier électronique pendant trois ans avec son oncle, spécialiste d’histoire ancienne et plus particulièrement biblique. Le portrait des deux correspondants est esquissé dans une belle introduction qui montre l’un dans son cabinet de travail entouré de ses dictionnaire et éditions anciennes, et l’autre encore enfant, turbulente mais attirée par son univers mystérieux et plus tard un peu sceptique sur tous ces textes obscurs qui lui semblent inadaptés à la pensée moderne.

Lecture pas à pas, où Lucile est la voix du novice qui s’interroge, se révolte, découvre, et où l’oncle explique la symbolique, les difficultés et beautés du texte. Cependant, il ne cherche pas à masquer la violence et le pessimisme de certains livres. La table est une belle idée : elle propose des titres de chapitres imitant ceux des romans d’autrefois et mettent en valeur l’intérêt de chacun, par exemple : « Où l’on s’étonne que Dieu ait mis un signe de protection sur Caïn, meurtrier de son frère. Et comment, pour avoir voulu escalader le ciel, les hommes essaiment sur la terre. Avertissement aux voyageurs : apprenez les langues étrangères ».

Un monument… pour tous ceux qui ont eu envie d’entrer dans ce texte sans jamais être arrivés à dépasser la Genèse, et une lecture aisée et passionnante.

Les fantastiques livres volants de Morris Lessmore

Les fantastiques livres volants de Morris Lessmore
William Joyce, Joe Bluhm
traduit (anglais) par Alice Boucher
Bayard Jeunesse, 2013

Tendre mise en abyme

Par Christine Moulin

FANTASTIQUES-LIVRES-VOLANTS-DE-MORRIS-LESSMORE-LES_ouvrage_largeLes livres qui veulent assurer la promotion de la lecture sont parfois pesants. Ce n’est pas le cas du magnifique album de William Joyce, qui reprend à son compte (à son conte…) la métaphore du grand livre de la vie. Ainsi commence l’histoire: « Morris Lessmore aimait les mots. Les histoires. Les livres. Page après page, il remplissait scrupuleusement le livre de sa vie ». Malheureusement, une tempête vient tout bouleverser et effacer les efforts de notre écrivain raté. Par la magie d’une rencontre avec une jolie dame mais surtout avec Humpty Dumpty (il est vrai que l’on a souvent l’impression de passer De l’autre côté du miroir), il devient alors soigneur et passeur de livres (bibliothécaire?). Il coule avec eux une existence douce, remplie de tendresse et d’histoires. Nourri de ses lectures, il a repris l’écriture de son propre livre. Mais un jour, il est temps de l’achever… La fin, pleine d’espoir, de lumière, renvoie au livre que nous tenons entre les mains, stricto sensu : mais rien de borgésien dans cette chute. Tout est serein, apaisé.

« Toute histoire compte », dit Morris Lessmore. Celle-ci un peu plus que d’autres…

Pour prolonger la magie des illustrations, à la fois réalistes et poétiques, on peut regarder le film d’animation. Il existe une application, aussi (c’est même elle qui a paradoxalement connu le plus grand succès…)

Sous haute dépendance

Sous haute dépendance
Ursula Poznanski

Traduit (allemand) par Sylvie Roussel
Bayard Jeunesse, 2013

Pour la horde !

Par Christine Moulin

9782747034357Encore un ! Un livre inspiré de l’univers des jeux video. A priori, le message est le même que celui souvent véhiculé par les romans à destination des adolescents: les jeux video sont dangereux, ils provoquent une addiction qui fait qu’on s’isole, qu’on laisse tomber les parents et même les copains, qu’on néglige le travail à l’école, tout cela pour le plus grand profit de sinistres manipulateurs. Ne manquent même pas les nombreuses allusions à la mythologie grecque, qui dispensent, en passant, quelques éléments culturels…

Mais ce propos un peu trop moralisateur est ici tempéré par deux facteurs: le premier, et non des moindres, c’est que, visiblement, l’auteur connaît l’univers des MMORPG (1) . Elle en décrit bien les phases, les règles, les usages (par exemple, le mépris affiché par certains joueurs experts pour les débutants) et surtout, (c’est d’ailleurs ce qui rend son propos convaincant) le plaisir qu’ils procurent. Elle arrive notamment à présenter le jeu en tant que tel, là où d’autres racontent ce qui arrive à l’avatar du joueur, faisant du jeu une histoire dans l’histoire, sans les distinguer l’une de l’autre. Par ailleurs, loin d’être stigmatisée, l’addiction (le terme est-il exact? on peut en douter) est finement analysée: le héros, Nick, se prend à penser à Erebos, à se demander ce qu’il s’y passe pendant son « absence » ; quand il doit se déconnecter, il ressent comme une impression de vide, si bien que la vie réelle et la vie « en ligne » sont inversées, la deuxième, plus intense,  prenant le pas sur la première :  » Je récuse la réalité. Je lui refuse mon concours. Je me soumets aux tentations de la fuite hors du monde et me voue corps et âme à l’éternité de l’irréel » (citation qui permet de vérifier, encore une fois, que lecture et jeu peuvent être perçus comme finalement assez proches…!).

Le deuxième facteur qui fait sortir ce roman du lot, c’est que le thème, souvent décliné, des risques que font courir les jeux video aux adolescents laisse place, dans la deuxième partie, à un thriller bien mené, à un suspense bien tenu, dont le dénouement n’est pas décevant. Thriller qui, mine de rien, amène à réfléchir sur la place du choix et de la liberté dans les décisions que chacun peut être amené à prendre et ce, dans un monde où les adultes, comme souvent aujourd’hui dans les ouvrages pour la jeunesse, sont dans l’ensemble défaillants, impuissants ou absents.

(1) l’acronyme en anglais de « Massively Multiplayer Online Role-Playing Game »

Le Mystérieux Cercle Benedict

Le Mystérieux Cercle Benedict
Trenton Lee Stewart
Traduit (Etats-Unis)  par JB Dupin
Bayard jeunesse, 2012

Enigmes, frissons et fantaisie

Par Anne-Marie Mercier

LemysterieuxcerclebenedictPrenez un soupçon de roman à la Dickens (des personnages orphelins), une once de roman scolaire (pour le pensionnat où ils sont enfermés), une bonne dose de roman d’espionnage (gadgets, acrobaties, mystères et faux semblants), des pointes de roman fantastique (pour le savant fou) ou de roman d’anticipation (le savant fou veut dominer le monde grâce à une invention diabolique), un livre-jeu plein d’énigmes logiques à résoudre, beaucoup d’humour et du suspens, secouez bien, et vous aurez une petite idée de ce qu’est ce livre.

Loufoque, passionnant, attendrissant avec ses personnages tous un peu perdus, ce livre dit aussi des choses sérieuses : que le sentiment de la « crise » peut être créé par manipulation des esprits, que le pouvoir sur les médias est une grande chose, que les enfants ont des possibilités qu’on oublie trop souvent, que le pire n’est pas toujours sûr, que dominer ses peurs c’est les connaître, et que devenir quelqu’un sur qui on puisse compter c’est grandir.