Le Chantier
Peter Bently – Joe Bucco
Casterman 2018
Au boulot !
Par Michel Driol
Le Chantier est un livre animé dans lequel on va détruire un vieux bâtiment désaffecté – une gare -, creuser des fondations, couler du béton, monter des poutres en métal pour bâtir de nouvelles maisons. Enfin un tunnelier creuse le sous-sol.
L’album est focalisé sur les engins de chantier : camion transporteur, grue, chargeuse, tractopelle… nommés au fil des pages, avec un éclairage particulier pour le camion-benne, véritable héros de l’album (c’est lui qui donne son titre à l’album original), intervenant comme un fil conducteur, évacuant les gravats, dépannant un autre camion, travaillant jour et nuit… Les animations sont particulièrement variées et réussies : boule de démolition qui se balance, rabat pour découvrir les gravats une fois le bâtiment détruit, rotation du béton dans le camion toupie, ouverture des portes des camions…
Mais tout ça pour quoi ? On regrette qu’on ne voie pas la finalité du chantier : il est question de bâtir de nouvelles maisons… mais celles-ci sont construites avec des poutrelles en métal, ce qui laisse envisager un autre type de constructions (dans le texte anglais, il est explicitement question de construire une nouvelle gare…). Les héros de ce livre sont les véhicules, pratiquement toujours en position de sujet dans les phrases, le camion-benne étant quasiment humanisé, traité de champion, félicité par le récit. C’est lui qui « travaille jour et nuit auprès des ouvriers ». C’est peut-être cela le plus gênant dans cet album : si les ouvriers sont bien présents dans l’image, une seule double-page évoque leurs tâches. L’album déshumanise un peu trop ce chantier dans lequel le texte fait la part trop belle aux machines, au détriment de l’humain. C’est dommage, car les illustrations, les animations, sont particulièrement soignées, réalistes. Le titre anglais – Dump truck gets to work – met encore plus l’accent sur les engins qui semblent agir à la place des hommes, comme dans certains films ou dessins animés (Cars, par exemple). Toutefois, il n’y a aucun30 anthopomorphisme des engins dans l’album.
Un album aux belles animations, aux illustrations précises, qui, comme un imagier posant les objets en situation, a le mérite de nommer les engins de chantiers, mais dont le texte minimise trop le rôle des hommes et la finalité de leurs actions.