Marée haute Marée basse

Marée haute Marée basse
Max Ducos
Sarbacane, 2023

L’enfant, la mer, le temps

Par Anne-Marie Mercier

Pour ceux qui n’ont pas la chance d’aller en bord d’océan, Max Ducos propose de vivre une journée sur la plage. À ceux qui ont cette chance, il propose un instant de méditation et une invitation à s’arrêter et à contempler.
Chaque page de droite cadre le même espace : une zone de sable et d’eau, avec au loin un rivage sur lequel se découpent un phare et un château d’eau (reconnaissables pour ceux qui connaissent l’endroit). L’aventure se résume à celle du temps qui passe, du jour qui s’écoule, avec le rythme de la marée : la plage se découvre progressivement puis est recouverte par la mer, la lumière se fait plus vive, l’eau change de couleur, les nuages passent… On savoure le talent du peintre pour faire voir toutes ces nuances.
La première page nous montre la plage déserte, à l’aube. Il y a déjà beaucoup à voir, comme nous le dit le texte, en page de gauche : le vent, les ombres… Il y a aussi à entendre, car le pouvoir de suggestion de cette image nous plonge dans cette ambiance et le lecteur est invité à imaginer avec tous ses sens.
La journée avance, la plage se remplit, la mer se retire. Robin arrive avec sa famille ; il constituera le fil rouge de l’histoire, présent du début à la fin (avec une courte interruption). Il bâtit un château de sable, le défend contre un enfant destructeur et contre la marée lorsque la mer remonte ; il se réjouit de voir que d’autres en ont reconstruit un lorsque la mer s’est à nouveau retirée, au soir.
Entretemps on aura vu la vie de la plage et de l’eau : familles, amoureux, adolescents, pêcheurs, plaisanciers, se croisent en s’ignorant le plus souvent, mais en partageant le même soleil. C’est paisible, en dehors de la dispute entre Robin et un autre enfant, et entre leurs pères, bien vue et vite réglée. Tous profitent de cette belle journée – et nous aussi grâce aux gouaches superbes de Max Ducos, qui quitte de plus en plus l’architecture et les jardins pour la mer (voir Le Mystère de la grande dune et Le Garçon du phare).

 

Il y a

Il y a
Nicolas Pechmezac – Jennifer Yerkes
A2mimo 2023

Retour au bord de mer

Par Michel Driol

Tout commence par une journée au bord de la mer pour une famille, dont le narrateur (aux cheveux bleus) et son frère (aux cheveux jaunes). Jeux sur le sable, jeux imaginaires avec les sirènes et les poissons volants. Puis on revient, avec des coquillages qu’on garde et des photos. Quelques années plus tard, le frère ainé revient, accompagné d’un autre enfant, une guitare en bandoulière.

C’est un album qui laisse au lecteur de belles possibilités de rêve et d’interprétation. D’abord à cause de son texte, qui s’ouvre sur une phrase énigmatique, j’habite avec des mots dessinés sur le sable. Des mots comme il y a. Puis commence la première phrase, il y a des marins à terre, complétée par 3 propositions relatives qui ouvrent à l’imaginaire : qui ont vu des femmes poissons, des poissons volants, des oiseaux de mer. Le texte disparait alors pour laisser la place aux illustrations, jusqu’au retour du frère ainé, accompagné d’un autre enfant aux cheveux bleus. Revient le texte, avec un autre il y a, il y a des chansons, il y a des chansons à voir. Texte très court, donc, mais largement ouvert à l’interprétation. « Il y a »… la locution constitue comme un degré zéro de la langue, puisqu’elle se contente d’énumérer le réel. Bien sûr, des lecteurs adultes se souviendront peut-être de Rimbaud ou d’Apollinaire et de la dimension poétique qu’elle comporte. Ce dont il est question ici à travers le texte, c’est moins du monde réel de la plage que du monde des mots et de l’imaginaire. Ces marins à terre ne sont que des enfants, et leurs visions sont bien imaginaires. Ce qui viendra à la fin de l’album, c’est l’évocation d’une autre œuvre artistique, faite pour partie de mots, une chanson. Il faut donner tout son sens à la première phrase, j’habite le langage, les mots, autant que le monde sans doute, mais ces mots, dessinés sur le sable, sont destinés à être effacés. C’est toute la question du souvenir qui se pose alors, matérialisé au milieu de l’album par les photos et les coquillages conservés, comme preuve en quelque sorte tangible que cela a eu lieu. La seconde partie, quelques années plus tard, entrecroise les figures de la permanence et du changement. Permanence des paysages, où seules les plantes ont poussé, permanence du personnage aux cheveux bleus, mais changement du deuxième personnage. Petit frère du début qui aurait changé sa couleur de cheveux ? Ou enfant du frère ainé venu contempler la mer avec son père ? L’album ne donne pas la clef, laissant chacun libre d’interpréter comme il l’entend ce retour vers cette plage, vers cette mer, devenue peut-être chanson à voir.

Les illustrations de Jennifer Yerkes proposent des doubles pages aux couleurs pastel, avec un découpage de plans très cinématographique pour faire suivre au lecteur la progression des personnages. Elles assument parfaitement la fonction narrative qui leur est attribuée dans la plus grande partie de l’album.

Enigmatique, poétique, plein de douceur,  cet album illustre un rapport particulier aux souvenirs,  aux vacances. Il parle, comme en filigrane, de la magie de la mer, de son imaginaire, mais aussi de transmission familiale.

Caché pas caché dans le sable

Caché pas caché dans le sable
Michelle Daufresne
Seuil Jeunesse, 2011

Une aventure à la mer

par Sophie Genin

51+edQUxgPL._AA115_.jpg   Cet album en accordéon recto-verso proposé dans la série « caché pas caché » permet aux très jeunes lecteurs, côté recto, narratif, de s’identifier au petit crabe à la recherche de son papa (suffisamment original pour être souligné : pour une fois, il n’est pas en quête de sa maman !) ou, au verso, plus « documentaire », d’observer les animaux du bord de mer.

Les illustrations, mêlant éléments naturels et créations de papiers collées faisant songer à Eric Carle, facilitent la recherche, pas toujours évidente, des éléments demandés par le texte (« Qui nage dans l’eau ? Où est passé le chien ? »). Tout cela donne envie d’accompagner le jeune enfant et de s’enthousiasmer avec lui de ses premières découvertes.