La Déclaration. L’histoire d’Anna

La Déclaration. L’histoire d’Anna
Gemma Malley
Traduit (anglais) par Nathalie Peronny
Helium, 2018

Adolescente-Servante : l’immortalité sans partage

Par Anne-Marie Mercier

Si la question de l’allongement de la vie, voire de l’immortalité, est au cœur de nombreuses fictions de littérature générale, (Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro, La Possibilité d’une île de Houellebecq, Notre Vie dans les forêts de Marie Darrieussecq…), la littérature pour enfants suit la même vogue (Judith et Bizarre, par exemple) aussi bien que celle adressée aux adolescents; c’est le cas de ce roman, premier volume d’une trilogie.
Dans cette dystopie, des enfants et jeunes adolescents sont enfermés et éduqués dans un pensionnat extrêmement strict et rude dans lequel on leur apprend qu’ils sont des « surplus » qui n’auraient pas dû naître. Ils sont destinés à servir les autres, les adultes immortels qui ont renoncé à avoir des enfants pour maintenir la population humaine en équilibre.
Anna est une « surplus » modèle, fidèle exécutante d’une directrice tortionnaire qu’elle révère, désireuse d’être exemplaire, parfaite servante de cet ordre. Un jour, arrive un garçon qui lui dit qu’elle a des parents qui l’aiment et qui l’attendent, « dehors ». Ils ont rejoint la résistance qui cherche à renverser cette société.
Au-delà du suspens, très présent, et des multiples rebondissements du roman, c’est le personnage d’Anna qui est le plus intéressant : sa soumission à un ordre qui l’écrase et l’humilie, ses refus de considérer l’étranger comme un ami possible, ou ses parents comme des êtres qu’elle pourrait comprendre et non haïr font d’elle une héroïne complexe et riche. Les personnages secondaires sont eux-aussi originaux.
Enfin, que ce roman d’anticipation ait recours aux vieilles ficelles du roman populaire du dix-neuvième siècle pour mener son intrigue, au mépris de toute illusion de vraisemblance – même futuriste – n’est pas le moindre de ses paradoxes.

 

 

L’Ogre au pull vert moutarde

L’Ogre au pull vert moutarde
Marion Brunet
Sarbacane (Pépix), 2014

Conte du « foyer »

Par Anne-Marie Mercier

Dans l’instituLOgre au pull vert moutardetion où se trouve le dortoir des jeunes héros, on ne rit pas tous les jours, alors quand il s’agit de faire une farce à un nouveau, comme ce veilleur de nuit tout juste arrivé, il faut en profiter. Oui, mais imaginez que celui-ci soit « pire » que ceux qu’il doit garder, « lie de la société », « graines de délinquance », mal-aimés ?

C’est ainsi que le narrateur, Abdou, présente ses camarades, mêlant ce qu’il sait d’eux avec les propos méprisants du directeur de l’institution. Les héros de l’histoire sont des enfants retirés à leurs parents pour diverses raisons, tous malheureux et perdus, même ceux qui font semblant du contraire, durs entre eux. Mais ce tableau ne s’arrête pas à la tristesse et à la dénonciation. Abdou livre dans quelques chapitres des conseils de survie pour affronter les éducateurs, psychologues, etc. et arriver à mettre un peu de joie dans son existence. Enfin l’histoire de l’ogre, dont le lecteur demande pendant un temps où elle va le mener, est délirante à souhait, comme une explosion d’énergie positive.

Un joli « Pépix« : humour aventures, irrévérence », le contrat est rempli !

Les Exoterriens

Les Exoterriens
Pascale Chadenat

L’école des loisirs (Neuf), 2010

Allo la terre ?

Par Anne-Marie Mercier

Les Exoterriens.gifMettez un bon élève en pension avec un voisin de chambre un peu bizarre et très cancre. Très vite, il participera à ses jeux interdits, ses bricolages, partagera ses mauvaises notes et enfin sa folie. C’est ce qui arrive au jeune Joseph, qui découvre la passion d’Adrien pour les étoiles et sa certitude que des « exoterriens » vont venir le chercher comme ils ont pris son grand père autrefois.

Le récit est loufoque et drôle ; il devient plus grave à la fin. Mais on peut être rassuré : Joseph saura tirer son ami de sa folie et en plus, aidé par l’intelligence des profs (merci l’école des loisirs !), le motiver pour ses études…

 

Qui es-tu Alaska?

Qui es-tu Alaska?
John Green
traduit de l’anglais (américain) par Catherine Gibert
Gallimard (pôle fiction/filles), 2011

Vie et mort en pension

par Anne-Marie Mercier

John Green,Gallimard (pôle fiction),pension, suicide, adolescent,amitiéAvec ce roman déjà paru en collection scripto en 2005, on entre dans un univers de « collège » américain, et plus précisément de pensionnat. Bien loin de Harry Potter ou de Twilight, on est dans la réalité la plus crue, sexe quasi excepté, même si le désir du héros adolescent pour sa camarade Alaska est très présent et analysé avec précision ; le roman hésite entre crudité et pudibonderie. L’auteur a été aumônier étudiant auprès d’enfants, et on sent tout au long du livre une grande proximité avec ses personnages et beaucoup d’empathie, mais une volonté de ne pas trop choquer et sans doute d’édifier.

Le narrateur, Miles, qui sera vite surnommé « le gros » pour sa maigreur, est un garçon normal quoique un peu solitaire et habité par une passion curieuse, celle des derniers mots proférés par les hommes célèbres au moment de leur mort. Il devient l’ami de garçons et de filles un peu déjantés, très portés sur l’alcool et les cigarettes (mais pas de drogue) et les conduites à risque.

Le quotidien du pensionnat est très bien rendu : cantine, cours, angoisses des examens (les élèves se préparent à l’examen de fin d’études secondaires et misent beaucoup sur celui-ci qui doit leur permettre d’entrer ou non dans l’université de leur choix). Les clans s’affrontent parfois à travers des farces brutales, séparés souvent par des considérations de classe sociale.

Les personnages sont très attachants, chacun dans son genre et l’histoire, comique et cruelle dans ses débuts, devient vite bouleversante, à mesure que le mystère du caractère suicidaire d’Alaska s’épaissit et que le personnage du « Colonel », le camarade de chambre de Miles se complexifie.

En résumé, c’est un beau livre, touchant et intéressant, où les questions existentielles (à travers le cours de « religion ») ne sont pas absentes : à conseiller, à moins qu’on ne suive un avis plus réservé dans un bon article du site altersexualité. De nombreux blogs ados le classent comme un coup de coeur… mais il est vrai que ce sont des blogs de filles et que Gallimard l’a classé dans la série « filles », alors que le narrateur est un garçon.