Le Flocon

Le Flocon
Bertrand Santini, Laurent Gapaillard
Gallimard jeunesse, 2020

L’infini au creux de la main; le monde et le temps dans un album

Par Anne-marie Mercier

« Conte inspiré du recueil de Johannes Kepler, « L’étrenne ou la neige sexangulaire » (1610), dans lequel, après avoir badiné sur une offrande de presque rien pour un jour de nouvel an, Kepler traite de la structure du flocon de neige et de l’organisation du monde vivant, ce bel album, grand et étrange, au format atypique, marque par son ambition.
Le point de départ est le même : Kepler offre au roi « presque rien » : un flocon de neige, ce qui entraine la raillerie des courtisans. Faisant observer le flocon au roi à travers un télescope, il lui fait voir l’infini du monde et le néant de l’homme, créature parmi les autres et non roi de la Création, ce qui fait hurler les dévots et traditionalistes.
Le texte, en vers, est simple et alerte. Les illustrations, en tons de gris, sont au contraires très fouillées et sombres, sous la forme de gravures d’allure gothique. Elles présentent des architectures et des costumes de personnages typiques de l’époque, mais aussi des animaux de tous les continents, jusqu’à l’infini du cosmos et du temps, l’expansion de l’univers puis son effondrement. Elles sont souvent vertigineuses, proposant des points de vue étonnants et des perspectives infinies.
L’ensemble est superbe et donne à penser, à rêver peut-être ?

On découvre ici un autre aspect du talent de Bertrand Santini, et le magnifique travail de Laurent Gapaillard, l’excellent illustrateur des couvertures de La Passe-miroir,  du Yark, de la nouvelle édition du Prince Pipoque du très beau et du très bon!

Et les lumières dansaient dans le ciel

Et les lumières dansaient dans le ciel
Eric Pessan
Ecole des loisirs Medium + 2021

Etoiles dans la nuit

Par Michel Driol

Elliot vit avec sa mère, abrutie de somnifères le soir, au point qu’il a le sentiment de plus prendre soin d’elle qu’elle de lui, depuis le divorce. Il a hérité de son père la passion des étoiles, qu’ils observaient ensemble durant des nuits. Un soir, il sort, pendant que sa mère dort, rejoindre le point d’observation que son père et lui partageaient. C’est alors qu’il voit des lumières tournoyer dans le ciel. Cherchant sur Internet, il découvre le Geipan, groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, un service du Centre National d’Etudes spatiales à Toulouse. Un fois le dossier rempli, il fugue pour aller le remettre en mains propres au Geipan. C’est là que, voyageant sans ticket dans le bus, il se retrouve au commissariat de police.

C’est d’abord un roman sur les blessures du divorce, traité de guerre par Elliot, le narrateur. Un divorce dont on ne connait pas les causes, mais dont on voit les conséquences : la déprime de la mère, le désarroi d’Elliot, qui ne peut que se souvenir des moments heureux, avant la séparation. S’il voit encore son père, sa mère cherche à les séparer, et Elliot ne le reconnait plus dans cet homme qui refait sa vie, dans un appartement dont la décoration tient plus de la nouvelle femme qu’il aime. C’est ensuite le portrait d’10un adolescent fragile, timide, attachant, qui a sans cesse le sentiment de gêner, d’être un poids inutile, un souci pour ses parents. Sa passion pour les étoiles l’éloigne des autres, dont il ne partage pas les gouts pour le football, et qui ne le comprennent pas plus que sa mère. C’est aussi un roman cosmique, qui s’interroge avec le narrateur sur l’existence d’autres formes de vie. Seul dans sa famille, dans son collège, Elliot a peu à peu le sentiment qu’il n’est pas seul dans l’univers, que d’autres formes de vie existent, qu’il en a été le témoin. C’est enfin un roman dans lequel deux solitudes se rencontrent, celle d’Elliot et celle d’une mystérieuse voisine qui laisse des petites annonces étranges dans le hall de l’immeuble. Ces deux adolescents vont finir par se trouver, et partager ce gout de la petite formule poétique qu’on affiche partout, comme un appel.

Comme toujours avec Eric Pessan, les personnages sont soignés, les lieux évoqués avec précision (les vignes, les voyages en train, les villes…), et la société contemporaine bien présente en arrière-plan.

Un roman qui sait garder les pieds sur terre pour évoquer l’immensité du cosmos, et s’interroger.

Et les étoiles dansaient dans le ciel

Et les lumières dansaient dans le ciel    
Eric Pessan
Ecole Des Loisirs, Medium  2014

  Que ne faut-il pas faire pour être écouté et compris ?

Par Maryse Vuillermet

et les lumières dansaient dans le ciel image Un bon petit roman assez subtil qui traite de sujets courants avec originalité. Les thèmes sont la séparation des parents et la guerre familiale. Eliot, pour oublier cette sale guerre, se réfugie dans les étoiles, l’observation du ciel, passion qu’il partageait auparavant avec son père mais qu’il poursuit désormais, seul la nuit, dans la campagne. Il quitte la maison et part en train, en vélo,  vers l’inconnu et vers la paix de l’astronomie.Un jour, il découvre des lumières vertes et oranges. A qui faire part de sa découverte ? Qui va le croire ? Pas son père obnubilé par sa nouvelle relation et sa nouvelle vie, pas sa mère noyée dans sa déprime. Alors, il part à Toulouse rencontrer les spécialistes du Gepan, groupe spécialisé dans les phénomènes inexpliqués. Son voyage sera long et difficile, en train, sans argent, seul, mais que ne faut-il pas faire pour être écouté et compris ?  Et parfois, on trouve à la fin ce qu’on ne cherchait pas.

Le creux des maths

Le creux des maths
Christine Avel

L’Ecole des Loisirs (Neuf), 2012

Aïe ! Je n’ai jamais eu la bosse !….

Par Dimitri NIER et Laure JOURDAT, Master MESFC Saint Etienne.

Le creux des mathsAbel, au prénom prédestiné comme le lecteur le découvrira, est un jeune garçon, issu d’une famille pour qui les maths sont comme un fil rouge qui les unit, où tout le monde a « la bosse des maths », depuis ses parents jusqu’à ses jeunes frères, qui se trouvent dans la même classe que lui malgré leurs deux années de moins. Tous, …sauf lui. Lui, il a plutôt le « creux des maths » que la bosse, comme ses parents s’amusent à le lui rappeler.

Il espère, le jour de son anniversaire, que quelque chose d’extraordinaire va lui arriver. Comme de nombreux enfants de son âge, il s’identifie à son héros, Harry Potter, et souhaite que lui parvienne une lettre qui le tirera de ce monde dans lequel il se sent étranger. Cette lettre, il la reçoit effectivement, mais quelle n’est pas sa déception lorsqu’il apprend qu’elle ne le destine pas à une prestigieuse école de sorciers, mais à une semaine en compagnie d’un célèbre mathématicien finlandais, prix gagné par ses frères pour un concours qu’ils ont passé en usurpant son nom car ils n’avaient pas l’âge requis pour participer….

 Abel, se retrouve alors confronté à un dilemme : soit il joue un rôle d’imposteur, soit il passe à côté d’une belle occasion. Il décide de tenter sa chance et se retrouve brusquement loin de tout, tombe dans le stress permanent, terrorisé par l’éventualité que le mathématicien qui l’héberge ne découvre qu’il n’est pas le génie que la victoire laissait présager. Au fil du séjour, il apprend cependant à connaître cet étrange personnage, qui ressemble si peu à ses parents malgré ses capacités mathématiques. Les deux protagonistes s’apprivoisent peu à peu, en partageant notamment un goût commun pour la cuisine.

On retrouve le personnage principal à la fin du roman, devenu un prodige de la cuisine; il se voit enfin glorifié et mis sur un piédestal par le reste de sa famille. Il s’est découvert une vocation mais il lui a fallu pour ce faire prendre de la distance par rapport à ses proches, comme si la réalisation de soi s’en trouvait plus facile. Ce roman est une manifestation claire de la volonté de chacun de se découvrir un don ou une passion.

Cette aventure humaine est racontée avec les mots d’un enfant de onze ans, ce qui se ressent dans la formulation de phrases courtes, au vocabulaire quelque peu familier comme «cramé », ou « foutu ». Un lecteur plus avisé trouvera sans doute le dénouement intéressant, cependant le récit se trouve un peu dénué d’action. En effet, les seuls rebondissements du livre se déroulent dans le cheminement intérieur du protagoniste, pour qui ce voyage apparaît comme une découverte et une acceptation de soi.

Les Exoterriens

Les Exoterriens
Pascale Chadenat

L’école des loisirs (Neuf), 2010

Allo la terre ?

Par Anne-Marie Mercier

Les Exoterriens.gifMettez un bon élève en pension avec un voisin de chambre un peu bizarre et très cancre. Très vite, il participera à ses jeux interdits, ses bricolages, partagera ses mauvaises notes et enfin sa folie. C’est ce qui arrive au jeune Joseph, qui découvre la passion d’Adrien pour les étoiles et sa certitude que des « exoterriens » vont venir le chercher comme ils ont pris son grand père autrefois.

Le récit est loufoque et drôle ; il devient plus grave à la fin. Mais on peut être rassuré : Joseph saura tirer son ami de sa folie et en plus, aidé par l’intelligence des profs (merci l’école des loisirs !), le motiver pour ses études…

 

Clarence Flûte et le secret de Sybille

Clarence Flûte et le secret de Sybille
Sandrine Bonini,
Autrement, 2011

Les scientifiques : des êtres incompris?

Par Olivier Morin

Ce texte drôle et plein de malice nous entraine dans l’univers imaginaire de Clarence, un petit garçon amoureux de sciences et … de Sybille, sa jolie voisine. De bricolages astucieux en expériences originales, nous découvrons comment Clarence représente son monde dans son carnet de recherche, à l’abri de son laboratoire sécurisé. Hélas, Sybille est une énigme pour Clarence : elle collectionne des petits animaux en verre colorés, elle aime le dessin et elle manque totalement de rigueur et de méthodes ! Fort heureusement, l’esprit créatif de Clarence a mis au point un système révolutionnaire qui lui permettra de comprendre les individus les plus secrets.

A travers cette lecture, on pourra aborder la question des stéréotypes (en classe, ce serait en cycle 3). Les scientifiques sont-ils des êtres incompris vivant dans un monde à part ? Ont-ils un langage bien à eux ou peut-on espérer comprendre ce qu’ils disent ? Faut-il vraiment des pierres précieuses pour intéresser les filles ?

Ce roman est aussi une belle occasion de se demander ce que la science peut nous apprendre, et ce qu’elle ne nous apprend pas. Mais que faut-il donc pour qu’une expérience marche ?