Le Zizi des mots

Le Zizi des mots
Elisabeth Brami, Fred L.
Talents hauts, 2015

Quand le veilleur allume sa veilleuse…

Par Anne-Marie Mercier

D’accord, le title_zizi_des_motsre est accrocheur et les grammairiens vont tiquer devant cette association du masculin ( comme genre grammatical ) avec le phallus, comme les puristes des études sur le genre (voir « la théorie du », qui n’existe pas paraît-il, comme les fantômes) devant l’assimilation du « genre » grammatical avec le sexe – le « genre » social devant être distingué du sexe biologique.

Mais ne boudons pas le plaisir du jeu avec les mots et de la surprise : que le féminin de chauffeur soit chauffeuse, celui de charentais, charentaise, celui de carabin, carabine, celui de batteur, batteuse (la machine), celui de meurtrier, meurtrière (la fenêtre) fait rire puis réfléchir.

Le fait que j’ai senti le besoin d’ajouter des parenthèses montre bien que le passage par le dessin est très utile. Ceux de Fred L. sont superbes, drôles, inquiétants. Ils jouent parfaitement avec les clichés, une belle réussite en duo.

une jolie chronique chez livres et merveilles

Le jour du slip, Je porte la culotte

Je porte la culotte / Le jour du slip
Thomas Gornet / Anne Percin
Le Rouergue, Boomerang, 2013

A pile ou face…

Par Caroline Scandale

La collection Boomerang porte bien son nom.  A l’image de l’arme aborigène, le livre doit être retourné pour être lu en entier et chacun des romans qui la composent peut se parcourir dans les deux sens, de façon indépendante et complémentaire. Les deux histoires se rejoignent au centre du livre et reposent sur deux points de vue qui s’inversent lorsque l’on retourne l’objet livre. Ainsi le jeune lecteur est acteur du renversement magique de la réalité…

Dans Le jour du slip/Je porte la culotte, Anne Percin et Thomas Gornet croisent leur plume pour se glisser dans la peau d’un personnage du sexe opposé. Grâce à eux nous investissons tour à tour le cerveau de Corinne qui se réveille un matin dans le corps de Corentin et celui de Corentin qui se réveille dans le corps de Corinne. Les deux points de vue croisés mettent en exergue le décalage entre l’identité de genre et les attentes ultra stéréotypées de la société (de la maîtresse, de la classe…) en fonction du sexe. 

Cet ouvrage est très intéressant tant sur la forme que sur le fond. Son titre efficace et un brin provocateur fait sens pour les adultes ( l’expression courante « porter la culotte » et la référence inversée à la journée de la jupe…) et surtout, surtout, surtout, donne envie aux filles et aux garçon de lire ce roman…

Canaille va chez le docteur

Canaille va chez le docteur
Jean Leroy, Emile Jadoul
Casterman, 2013

Petit poney brun

 Par Christine Moulin

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Il y a eu Petit Ours Brun, il y a eu Trotro, il y a maintenant Canaille, poney prêt à servir d’écran aux projections des petites têtes blondes. Pour le premier opus de la série, notre héros fait face à un problème fréquent, source de réelles frayeurs enfantines: la visite chez le docteur. Tout est rassurant, bien sûr, et laisse même place à une pointe d’humour bien venue. Rien n’est surprenant, en revanche. Par ailleurs, les puristes des études de genre pourraient peut-être trouver dérangeant que Canaille doive donner des leçons de courage viril à sa petite sœur Cannelle, confite d’admiration, mais ils/elles seront rassuré(e)s par la chute, qui relativise les stéréotypes sur le sujet. Quoi qu’il en soit, ce qui fait la réelle qualité de cet album, ce sont ses délicieuses illustrations: il suffit d’un trait à Emile Jadoul pour évoquer toutes sortes d’émotions dans toute leur complexité.

100 princesses à créer

100 princesses à créer
Ia Chhuy-Ing, Raphaël Hadid
Père Castor – Flammarion, 2012

100% princesses

Par Caroline Scandale

On le sait, les petites filles aiment le rose, s’habillent en princesses et rêvent du prince charmant. Elles sont plus sages que les garçons, aiment les jeux calmes d’intérieur, notamment dessiner des princesses… L’idée est un peu usée mais toujours vivace. La nature imposerait des rôles et des comportements aux hommes et aux femmes. Selon ce principe ancestral et rassurant, de nombreux parents achèteront 100 princesses à créer à leurs petites lolitas…

Père Castor-Flammarion propose ici une collection intitulée « 100… à créer ». Déclinée pour l’instant en quatre thématiques trés appréciées des jeunes lecteurs: les chevaliers, les dinosaures, les chevaux et donc les princesses. Le principe est d’apprendre à dessiner des modèles de personnages ou d’animaux, en plusieurs étapes, puis de les créer à partir de pochoirs et d’autocollants. Au verso de chaque page, des anecdotes historiques garantissent un minimum syndical de culture. Ces ouvrages jouent sur des codes couleurs stéréotypés pour les deux thèmes sexués que sont les princesses et les chevaliers. Les dinosaures et les chevaux, qui le sont moins, bénéficient de coloris plus neutres comme le vert et le orange.

Ce que l’on peut reprocher principalement à ce livre d’activités est qu’il ne surprend pas. On ne croise pas des princesses rebelles, décalées ou loufoques mais uniquement des modèles de princesses délicates et charmantes, que l’on devine sensibles et secrètement amoureuses. De ce fait il véhicule la panoplie complète des stéréotypes de sexes. Étape par étape la jeune lectrice découvre un seul modèle féminin abrutissant, la princesse, ici, lisse à souhait. Au lieu de prendre à contre pieds ce stéréotype, 100 princesses à créer en fait une icône superficielle et donc soumise. Ainsi, les petites filles intègrent une image peu valorisée d’elles-mêmes. Dommage…