Matilda à l’heure d’été
Marie-Christophe Ruata-Arn
La joie de lire (Hibouk), 2012
Esprit frappeur ?
Par Chantal Magne-Ville
Avec Matilda, jeune fille bien sous tous rapports, mais qui aime mener des enquêtes, à l’instar de son policier de père, le lecteur se trouve plongé dans une intrigue à rebondissements, qui retrace les péripéties d’une broche appartenant à un ancêtre qui est volée et réapparaît à plusieurs reprises, au point que les explications rationnelles finiront par ne plus suffire, rendant le recours aux esprits nécessaire. D’où le titre qui interroge sans en avoir l’air : que fait le temps durant le passage à l’heure d’été ? Que peut-il se passer pendant « l’heure escamotée » ?
L’intérêt du livre vient curieusement du cadre, pourtant banal, d’une Cité, de la personnalité de Matilda, si différente des autres jeunes qui l’entourent, au point qu’elle est le rédacteur en chef incontesté du journal de l’école, et surtout des personnages attachants qu’elle côtoie, camarades de classe, vieilles demoiselles désargentées et un peu folles dont elle promène le chien, personnel municipal…
Ecrit de manière fluide et rythmée, le livre est cependant long, au risque de voir parfois la tension retomber un peu. Cependant, les titres des trente-cinq chapitres, commençant tous invariablement par : «le jour où…», demeurent suffisamment généraux ou énigmatiques pour attiser la curiosité du lecteur, qui trouve vite réponse à ses interrogations. Ces courts chapitres balisent la progression de l’enquête, ce qui favorise singulièrement la mémorisation des faits.
Pour les lecteurs à partir de 9 ans, qui aiment que l’héroïne soit une fille et que l’histoire au long cours lui fasse vivre plein d’aventures tout en demeurant relativement sage.


Ce texte d’une trentaine de pages, publié dans une collection de « romans de petite poche », évoque la destruction du « bâtiment E de la cité Marcel Pagnol ».
La photographe et comédienne Cécile Gabriel avait déjà, avec grand talent, proposé Quelle Emotion ! chez le même éditeur. Le fonctionnement de son avant-dernier-né (depuis est sorti Quelle est ton ombre ?) est le même que celui du premier : sur une double page avec fonds très colorés, bariolés, un bout de phrase commençant par « pour » à gauche et, dans un carré découpé à droite un morceau de photo en noir et blanc. On tourne et on découvre l’ensemble de la photo et de la phrase, comme par exemple : « je m »habille pour ne pas sortir tout(e) nu(e) » face à une petite fille accroupie la tête cachée par la robe qu’elle enfile en la tirant sur les côtés. Si cet album est très riche, déclinant tous les moments importants de la journée d’un enfant, sa portée est un peu moindre que celle de Quelle Emotion ! qui ouvrait davantage de perspectives en allant du côté des sentiments, des impressions, avec des nuances entre « envieux » et « jaloux » par exemple. Néanmoins, la qualité des photos et ce choix de la journée permet aux jeunes lecteurs de s’y retrouver dans le temps, cette notion si abstraite et, à leurs « accompagnateurs » de retrouver, avec nostalgie, des instants spécifiques à l’enfance, atemporels tout à coup grâce au noir et blanc.