Les sauvageons

Les sauvageons     
Ahmed Kalouaz
Rouergue  Doado  2013

 Bagnes pour enfants

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

les sauvageons imageAhmed Kalouaz nous raconte l’histoire des enfants bagnards à la fin du siècle dernier en France. Pour trois fois rien, un chapardage, un vol, un vagabondage, on enfermait les enfants dans des colonies pénitentiaires. C’est le cas d’Hippolyte, orphelin de père et maltraité par son oncle,  qui a suivi un colporteur  beau parleur et sulfureux et qui, arrêté en sa compagnie,  se retrouvera  à Boussaroque, une ferme-prison  en pleine forêt. Là,  les enfants travaillent du matin au soir, mangent à peine, ont froid, faim et parfois meurent d’épuisement.

Le héros ne rêve que de s’enfuir,  comme son ami Giuseppe, déjà aguerri, qui fugue chaque été et qui finira mort au pied d’une falaise. Mais il hésite car il protège Julien, un enfant rencontré au dépôt et il a la confiance d’Albert,  le palefrenier, un des rares adultes à avoir conservé un peu d’humanité,   qui lui apprend son métier. Il voudrait retrouver sa mère,  voir la mer, vivre enfin.

Nous le suivons dan pendant deux ans de captivité et  deux fugues, une avec Giuseppe et Julien, une  autre, seul.  Les fermiers des environs sont leurs ennemis, car,  s’ils  les attrapent et les ramènent à la colonie , ils touchent une prime.

Kalouaz raconte assez sobrement  mais avec justesse et énergie, cet enfer, le rêve de ces jeunes, les quelques instants d’enfance qu’ils volent, leurs amitiés,  leurs espoirs.

Marie Rouanet avait raconté cette histoire vraie dans Les enfants du bagne en 94 chez Payot, mais ici, nous la vivons du point de vue d’un enfant,  et c’est très émouvant.

La fille aux doigts d’or

La fille aux doigts d’or   
Benjamin et Julien Guérif
Syros, 2013,  Rat Noir

Affaires de famille  d’aujourd’hui

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

la fille aux doigts d'orLéo mène une vie tranquille avec son père,  journaliste sportif et cinéphile. Ils regardent ensemble des tonnes de film, Léo va au lycée,  y a sa bande de copains. Jusqu’au jour où son père rencontre Marianne, une jeune étudiante. Il se met à lui mentir, elle envahit l’appartement, se moque de Léo.

Léo apprend par hasard le passé sulfureux de la jeune femme et décide d’élaborer un plan pour s’en débarrasser.  Il ne voit que cette solution pour retrouver l’harmonie de sa vie ancienne et protéger son père. Entre temps, il rencontre Nadia,  une fille de son lycée, belle et intelligente, qui lui  ouvre les yeux sur les rapports garçons-filles, sur le monde en général.  Nous suivons Léo dans la préparation de son piège. L’atmosphère est assez glauque, la tension palpable. Tout au long du récit, la passion du cinéma accompagne les personnages et illustre certains événements.  Léo ment à tout le monde et surtout à Nadia.

La fin est plus conventionnelle.

Je vous écrirai

Je vous écrirai  
Paule du Bouchet
Gallimard, scripto, 2013

Romanesque !

Par Maryse Vuillermet

je vosu écriria imageMalia, l’héroïne, dix-sept ans, commence des études de philosophie à Paris. Elle loge avec  son amie d’enfance, Gisèle, étudiante en théâtre. Nous sommes en 1955. La mère de Malia est l’ancienne bonne de la tante de Gisèle, les deux jeunes filles ont grandi ensemble. Son père,  Mattéo,  est un saltimbanque, il montre des animaux dressés dans les fêtes de village. Elle a aussi un demi-frère. Un milieu très modeste et très frustre, sans culture et sans manières.

Malia, à Paris,  trouve un emploi de baby-sitting chez une famille d’intellectuels, elle garde leurs enfants. Sa mère lui a fait promettre d’écrire ;  une correspondance intense s’installe entre la mère et la fille, les lettres de Malia sont sensibles,  remplies de ses découvertes et enthousiasmes,  celles de sa mère sont pleines de considérations les plus terre à terre,  de peur, de recommandations,  de reproches,  et le tout,  dans un français vraiment maladroit. Malia,  parfois,  voudrait s’éloigner de cette mère envahissante et trop aimante, elle en a honte bien souvent.

A Paris, grâce à Gisèle, Malia découvre le monde du théâtre, elle joue dans une pièce de Tchekhov,  elle va au cinéma et rencontre un metteur en scène plus âgé qu’elle,  avec qui elle noue une relation affectueuse et tendre.

Le père de Malia tombe malade et meurt,  sans avoir pu lui révéler un secret. Sa mère sombre dans la dépression et la folie. Quel est le secret qui les ronge ?

Un beau roman sur la filiation, la honte de classe, la jeunesse et ses enthousiasmes, la culture des années 60 à Paris…

 

Le banc

Le banc
Sandrine Kao
Syros, 2013,(Coll. tempo)

Racisme ordinaire sur un banc

Par Maryse Vuillermet

le banc imageAlex, le héros et narrateur de cette histoire,  mange seul sur un banc du parc parce qu’il habite trop loin et que sa mère ne peut lui payer ni la cantine, ni le bus. Un jour,  sur son banc habituel, il   découvre des insultes racistes, Alex, tronche de Nem, Alex bol de riz. Il a honte et les efface rapidement mais, alors qu’elle l’accompagne pour lui raconter ses problèmes, il les montre à Sybille,  une fille de sa classe, qu’il trouve pourtant un peu collante.  Elle décide de mener l’enquête.

Alex a quelques amis, tous  différents,  comme lui,  mais il sent mal aimé par les autres élèves de sa classe. De plus,  son père les a quittés pour retourner à Taïwan, le  laissant avec sa mère  dans une grande précarité. Et puis, un typhon sévit à Taïwan,  alors,  sans exactement comprendre pourquoi,  Alex lance  à la cantonade que son père est mort. Soudain, tout le monde s’intéresse à lui, il devient visible.

 Mais sur le banc,  l’inscription  qui l’attend est Menteur. Comment Alex va-t-il se sortir de cette situation ? Qui est l’auteur de ces inscriptions bêtes et racistes ?

  Un très joli roman sur les troubles  et les difficultés de l’adolescence redoublés ici par le complexe d’infériorité et le malaise dus à  l’origine chinoise.

 


 

En scène

En scène  
Tatiana Werner
Gallimard Jeunsse, 2013

Génial !

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

en scène imageGénial ! Complet ! Intelligent ! Sérieux et drôle ! Instructif mais jamais ennuyeux Une multitude de conseils destinés à des enfants qui veulent monter  un spectacle chez eux.

Des pages documentaires sur le théâtre, ses différentes formes y compris les plus modernes, sur son origine, ses grands noms, ses bâtiments,  ses coutumes, ses professions…

Des exercices sur le corps, la voix, la relaxation,  des idées d’improvisation,  de reproduction,  d’écriture…

Des activités pratiques pour fabriquer un décor, un micro, des costumes, des maquillages, des marionnettes,  des  astuces  pour éclairer avec une frontale, délimiter une scène avec un fil à linge…

Le tout est agrémenté de dessins, schémas drôles et très pédagogiques, de photos belles et documentaires.

Bref, c’est complet et touchant car on sent chez l’auteur l’amour  et la connaissance des enfants et du théâtre.  A mettre entre toutes les mains,  y compris les enseignants qui veulent faire faire du théâtre à leurs élèves.

Cinq minutes de prison

Cinq minutes de prison    
Jean-Hugues Oppel
Syros, Souris noire  2013

 Suspens sur la glace !

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

cvt_Cinq-minutes-de-prison_5517 imageUn polar sportif, comme le dit  la fiche  de présentation, en effet,  l’intrigue se déroule  entièrement au cours d’un  match de hockey sur glace, L’un des joueurs  veut se venger d’un autre pour une histoire amoureuse et devient fou.  Il  cherche à  frapper son ennemi avec la crosse de hockey,  ce qui peut être dangereux voire mortel.  Seul Willy s’en aperçoit, et  va tout faire pour l’en empêcher.  La partie est serrée,  pas seulement en raison du score mais parce qu’elle peut devenir le moment et le  lieu du crime.

Pour moi, le roman est un peu ennuyeux, il n’y a rien d’autre que la partie de hockey, une description technique très minutieuse des différents gestes, des différentes phases du jeu et des enjeux.  Ça ne peut plaire qu’à des jeunes qui s’intéressent au hockey ou au sport. Mais pourquoi pas !

Cependant,  J .H. Oppel nous a  habitués à plus de profondeur, qu’est-il allé faire sur la glace ?

Big Nate, star de la BD

 

Big Nate , star de la BD
Lincoln Peirce (trad. Jean-François Ménard)
Gallimard Jeunesse, 2013 

Original et drôle !    

Par Maryse Vuillermet

 

 big nate star de la bd imageVoici le tome 4 de la série Big Nate.  Le héros, Big Nate,   donc, dessinateur  de BD en herbe,  raconte la naissance et la vie de son club de BD, appelé Les dessineux,  au collège 38.

 C’est original parce qu’il insère dans son texte toutes les planches ou les croquis qui lui passent par la tête et qu’il produit très facilement.

C’est drôle parce que le héros,  Nate se moque de ses professeurs, de leurs tics er défauts, de ses parents, de ses copains aussi. Mais il se moque  tout autant  de lui-même, les punitions que lui valent sa passion du dessin, sa peur des filles et la difficulté qu’il a à faire entrer une fille au club, sa peur des grandes terreurs du collège Jefferson,  leur rival en tout. Le texte est amusant et les dessins tout autant.

Le sommet dramatique de l’histoire se situe lors d’un concours de sculpture sur neige qu’a imaginé Nate pour vaincre,  avec ses copains du club,  une seule fois,  dans un domaine où la créativité est nécessaire,  les méchants du collège huppé  Jefferson.  En effet,  ces derniers  sont meilleurs en tout, ils les méprisent et les terrorisent mais les petits du collège 38 vont trouver leur talon d’Achille.

La fille mirage

La fille mirage
Elise Broach (trad. Etaïnn Zwer)
Rouergue,  doado noir, 2013 

 

Meurtre au désert

Par Maryse Vuillermet

 

la fille mirage  Trois jeunes dans une voiture, deux garçons de dix-huit ans à l’avant, Jamie et le beau Kit,  et une fille Lucy, plus jeune,  à l’arrière. Ils traversent le désert du Nouveau Mexique pour aller à Phénix chez le père de Lucy et Jamie.

Mais de nuit, dans la tempête, ils heurtent  ce qu’ils croient être un animal.  Revenus sur leurs pas, ils découvrent au bord de la route le cadavre d’une jeune fille de leur âge. Terrifiés, ils appellent à l’aide, pas de réseau, ils  se rendent dans la maison habitée la plus proche, c’est celle d’une étrange femme sculpteur, Beth.

  La police les oblige à rester là en attendant les résultats de l’enquête, c’est alors que commencent trois jours qui vont changer leur vie.  Confrontés  à cette épreuve et perdus au milieu de nulle part, les êtres se révèlent différents du rôle qu’ils jouent habituellement. Et  comme il s’avère que la jeune fille était morte avant l’accident, Lucy s’obstine à  percer le mystère de cette mort. Les rebondissements sont nombreux, le suspens, bien  tenu.

Une ambiance à la Bagdad Café, une violence très américaine.

l’aventure au bout du chemin

L’aventure au bout du chemin
Ahmed Kalouaz
Rouergue, 2013
Dacodac

Délinquance sur le chemin de Saint-Jacques

Par Maryse Vuillermet

 

 

 l'aventure au bout du chemin imageChilderic en  vacances de pâques avec ses parents  près de Conques est heureux de voir arriver son grand-père de vacances,  Signol accompagné de son chien Laslo. Il sait qu’avec eux, il va s’amuser tout en enquêtant. En, effet, depuis l’été et les vacances précédentes, en Bretagne, où ils avaient  traqué des voleurs de chiens, il adore son troisième grand-père,  loué dans une agence spécialisée pour les vacances.  Ensemble, ils s’informent des faits  divers et agissent.  Or, justement sur le chemin de Saint-Jacques où ils se trouvent,  des objets d’art religieux disparaissent des églises et un prêtre a  été attaqué. Les voilà interrogeant les pèlerins  et les habitants, parcourant les petites routes sur leur moto….

Gentillet, des personnages attachants et un milieu particulier à observer, celui des pèlerins!

 

Norlande

Norlande
Jérôme Leroy
Syros, 2013, collection Rat noir

 Accepter de regarder la vérité  en  face !

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

norlande image Un sujet horrible traité  avec délicatesse et de l’intérieur.

Clara, la narratrice, blessée, terrifiée, vit  dans une clinique depuis des mois, n’arrive plus à parler aux médecins, ni à sa mère, elle a perdu le goût de vivre.  Elle essaye  alors de s’exprimer en écrivant à sa meilleure amie, Emilie, une française. La culpabilité l’étouffe, l’écrase, mais on ne sait pas de quelle horreur elle  revient, de quoi elle est  victime ou coupable. Peu à peu, son récit nous éclaire et libère sa parole et ses souvenirs.

 Avant, elle était une jeune fille insouciante et heureuse, fille d’une mère formidable,  ancienne sportive et ministre des affaires étrangères de Norlande, un pays imaginaire mais qui ressemble beaucoup à la Norvège, En effet, c’est un  pays  prospère grâce aux revenus du  pétrole, calme, où les ministres se déplacent sans gardes du corps et très accueillant avec les étrangers qui y viennent très nombreux.

 Clara,  en   découvrant  qui est son père,   un homme  politique assassiné pour ses idées,  et en prenant conscience  de l’existence du racisme dans son pays, commence à militer dans un groupe pacifiste. Elle est alors contactée sur facebook par un garçon plus âgé qu’elle, un peu bizarre mais très séduisant et  dont elle tombe amoureuse, impatiente qu’elle est de vivre une vraie aventure. Elle ne voit rien quand il lui demande les codes secrets du parking du ministère.  Elle ne comprendra qu’après qu’il  y a fait sauter une voiture piégée qui tuera huit personnes et blessera sa mère. Mais,  lors du carnage de l’ile  de Clamarnic, où sont rassemblés tous les  jeunes militants de son groupe, elle voit son visage de fou et elle assiste à la mort de beaucoup de ses amis.

Etant enfin parvenu à dire son secret, elle ira mieux mais son innocence et sa jeunesse ont pris fin. De même que la croyance en la beauté et l’harmonie paisibles de Norlande.