La Buse, pirate de l’île de la Réunion

La Buse, pirate de l’île de la Réunion
François Vincent, Maryse Lamigeon

L’Ecole des loisirs (Archimède)

La Buse ou la vie !

Par Mathieu Freyheit

La Buse, pirate de l’île de la Réunion.gifLa Buse est un pirate, un vrai. Né en 1680 à Calais d’un père corsaire, il plonge dans la piraterie et hante les eaux de Madagascar et de Bourbon (aujourd’hui la Réunion) autour des années 1720. Navires, batailles, naufrages, trésors et pendaison : tout dans la vie d’Olivier Levasseur, dit La Buse, dévoile de la piraterie ce que…nous en savons déjà. Et, heureusement pour nous, Maryse Lamigeon n’a pas l’intention d’y revenir.

Au détriment d’un titre qui se révèle inopérant, l’histoire est celle d’un jeune garçon, Paul, habitant de la petite île Bourbon. Un drame familial conduit Paul à travailler dans une plantation, accompagné de la belle Malgache Flora, dont il est épris. Contraint à la fuite, il prend la décision de s’embraquer en mer. Sur son chemin, il croise, à plusieurs reprises, le tristement célèbre pirate La Buse.

Le pirate ne fait donc pas figure de héros, loin s’en faut, mais demeure au fil du récit ce qu’il fut en réalité pour ses contemporains : une ombre planant le long des côtes, un danger permanent, une rumeur. Un livre d’ambiance, pourrait-on croire, n’était l’irrésistible tentation de verser dans le récit d’aventure. On pourrait reprocher à l’histoire cet entre-deux, dont découle un certain manque de dynamisme : l’auteure ne ménage que peu de place au suspens – et au plaisir –, les évènements s’enchaînent parfois sans vie ; et sans grande émotion. A défaut de cela, Maryse Lamigeon parvient à conter les choses avec une simplicité qui n’est pas si courante.

D’autant plus que les manques de l’histoire sont parfaitement comblés par le travail de François Vincent. Finalement, La Buse, pirate de l’île de la Réunion est avant tout un livre à regarder. François Vincent a réalisé des planches d’une merveilleuse harmonie, confirmant son talent non seulement d’illustrateur, mais aussi de passeur de sensations. La maîtrise des motifs maritimes comme des scènes de nuit, dans une simplicité de tons, en font un superbe ensemble sur le plan esthétique.

Enfin, l’ouvrage se complète d’un intéressant dossier historique et pictural, d’un glossaire, ainsi que d’une efficace bibliographie.

Gustave est un oiseau

Gustave est un oiseau
Claire Babin, Olivier Tallec

Adam Biro, 2004

De la métamorphose comme principe de connaissance

Par Dominique Perrin

gustaveestunoiseau.jpgGustave est un oiseau s’insère dans une série de « Gustave » dont chaque maillon initie le jeune lecteur  à un aspect de la nature, et dessert un projet général de type documentaire – mots clés en gras, documents photographiques et glossaire explicatif à l’appui. Mais l’habillage est résolument narratif et littéraire ; l’embrayeur poétique de chaque ouvrage est constitué par une « métamorphose » de Gustave – petit garçon rêveur qui se transporte ici dans le point de vue d’un oiseau rayé de rouge et de jaune comme son pyjama. Idée intéressante ! Mais c’est au plan de l’écriture que le bât blesse : soigné certes, le texte semble emprunter ses critères à la rédaction scolaire du milieu du siècle dernier.  Le dessin est beaucoup plus stimulant, à commencer par ses décalages délibérés et féconds avec ladite rédaction modèle.

La Chine de Zhang Zeduan

La Chine de Zhang Zeduan
Mitsumasa Anno

Traduit (japonais) par Nadia Porcar
L’école des loisirs, 2010

La Chine au fil de l’eau, au fil du temps

Par  Anne-Marie Mercier

chine_zhang.gifS’inspirant du rouleau de peinture sur soie « Jour de Qingming au bord de la rivière », Mitsumasa Anno se livre à un hommage à son auteur, Zhang Zeduan (1085-1145), dont l’œuvre est aujourd’hui invisible, conservée, et à une mise en scène de ses croquis faits lors de ses voyages en Chine.

A la manière de son album le plus célèbre, Ce jour -là, il ne propose aucun texte, mais une suite de doubles pages totalement occupées par des vues dessinées à l’encre et aquarellées. Celles-ci présentent avec un point de vue légèrement surplombant des plans panoramiques où les hommes s’affairent : paysages de rivière ou de montagne, scènes diverses (constructions, jeux, activités agricoles et économiques, spectacles, mariage et funérailles…) dans lesquelles la modernité n’est pas encore entrée mais commence juste son œuvre de destruction. C’est une sorte de vision de la Chine éternelle, où des cavaliers suivant une oriflamme côtoient des cyclistes. On semble suivre une rivière, mais la fin de l’album la quitte pour les hauts plateaux.

L’ensemble est esthétiquement très réussi. Mais comme son prédécesseur, Anno vise à la précision et presque à l ‘exhaustivité : chaque scène est faite de plusieurs qui se côtoient dans un même espace et proposent chacune un aspect de la Chine ; la fabrication d’un matériau, le mode de transport d’un autre, une coutume locale, un débit de boissons, tout cela se côtoie et forme une petite encyclopédie en images de la civilisation et de la géographie chinoises, des difficultés climatiques et écologiques. Chaque scène est commentée en fin de volume, Anno attirant l’attention du lecteur sur un détail, développant un aspect et indiquant où le croquis a été fait. Une carte permet de localiser les lieux, croisant les tracés des fleuves, celui de la route de la soie et les points illustrés par le livre. Tout un voyage, instructif, inépuisable et beau.

Quelle journée !

Quelle journée !
Cécile Gabriel

Mila éditions, décembre 2010

Voyage photographique en pays d’enfance

par Sophie Genin

 photos,journée,cécile gabrielLa photographe et comédienne Cécile Gabriel avait déjà, avec grand talent, proposé Quelle Emotion ! chez le même éditeur. Le fonctionnement de son avant-dernier-né (depuis est sorti Quelle est ton ombre ?) est le même que celui du premier : sur une double page avec fonds très colorés, bariolés, un bout de phrase commençant par « pour » à gauche et, dans un carré découpé à droite un morceau de photo en noir et blanc. On tourne et on découvre l’ensemble de la photo et de la phrase, comme par exemple : « je m »habille pour ne pas sortir tout(e) nu(e) » face à une petite fille accroupie la tête cachée par la robe qu’elle enfile en la tirant sur les côtés. Si cet album est très riche, déclinant tous les moments importants de la journée d’un enfant, sa portée est un peu moindre que celle de Quelle Emotion ! qui ouvrait davantage de perspectives en allant du côté des sentiments, des impressions, avec des nuances entre « envieux » et « jaloux » par exemple. Néanmoins, la qualité des photos et ce choix de la journée permet aux jeunes lecteurs de s’y retrouver dans le temps, cette notion si abstraite et, à leurs « accompagnateurs » de retrouver, avec nostalgie, des instants spécifiques à l’enfance, atemporels tout à coup grâce au noir et blanc.

Les Sciences naturelles de Tatsu Nagata : le cheval, le pou

Les Sciences naturelles de Tatsu Nagata : le cheval, le pou
Tatsu Nagata (alias Dedieu)
Seuil jeunesse, 2011

Histoires naturelles (bouffonnes ?)

par Anne-Marie Mercier

Sciences naturelles de Tatsu Nagata : le cheval, le pou Tatsu Nagata,Anne-Marie Mercier,pou,chevalDedieu,Seuil jeunesseSciences naturelles de Tatsu Nagata : le cheval, le pou Tatsu Nagata,Anne-Marie Mercier,pou,chevalDedieu,Seuil jeunesseVoilà la suite de la collection des histoires naturelles  après de nombreux autres albums (la vache, le castor, …) du grand scientifique japonais. Il est membre du « Tokyo scientific institute » (c’est écrit au dos de l’album et il y a une photo de l’auteur avec un tampon officiel, dessinés tous les deux, alors…).

Ces deux nouveaux albums sont, comme les précédents, très colorés et sont des merveilles d’humour.

Le pou pourra servir de consolation à ceux qui reviendront de colonie de vacances avec la tête habitée : vampire, pirate, « laid comme un pou », sous la loupe de Tatsu avec les mots et le crayon de Dedieu (l’un étant l’autre), voilà le pou apprivoisé.

Quant au cheval, il fait rire et rêver de grands espaces verts ou  bruns.

Dans ma rue

Dans ma rue
Olivia Coisneau
Seuil, 2011

 Dans ma rue, il y a … pfff…

 par Christine Moulin

 La collection Clac Book avait accueilli des réussites. Mais la formule, cette fois, ne fonctionne guère. Sous le prétexte de préparer un goûter d’anniversaire, Leila et Léon (on croirait des héros de manuels de lecture préposés à l’apprentissage du son /l/ !) réalisent un parcours dans la rue, de boutique en boutique. Pour des enfants que l’on emmène chaque samedi dans les grandes surfaces, que peut signifier une phrase aussi désuète que : « Tiens, le facteur a une lettre pour le primeur »? Autres caractéristiques par trop « vintage » : on s’arrête devant une quincaillerie mais l’illustration n’aide absolument pas à savoir ce qu’on peut y trouver (la réalité non plus : essayez d’en trouver une dans votre ville!), la charcutière s’appelle Madame Salami (n’est-il pas un peu lourd de donner aux commerçants le nom de ce qu’ils vendent?) et les illustrations rappellent furieusement celles de Rémi et Colette. La fin est à l’unisson, un peu mièvre et moralisatrice (« Et si on prenait un petit bouquet pour faire plaisir à maman ? »).

Les petites bêtes de Tatsu Nagata

Les Petites Bêtes de Tatsu Nagata
Tatsu Nagata (Dedieu)

Seuil jeunesse, 2011

Le gros volume des petites bêtes

par Anne-Marie Mercier

Les petites bêtes de Tatsu Nagata.gifOn trouve ici réunies en un grand volume plusieurs histoires naturelles de Tatsu Nagata : l’escargot, la fourmi, le hérisson, le ver de terre, l’araignée, la grenouille, la chouette et le phasme n’auront quasiment plus de secrets pour vous, ou du moins auront pris un visage coloré, joueur.

On savourera particulièrement l’image de l’araignée « buvant » sa proie comme un touriste boit son orangeade en terrasse, tout en apprenant qu’elle est un arachnide et non un insecte : mettez-vous ça en tête, un insecte = 2 ailes, 2 antennes et six pattes! Grâce au professeur Nagata, on voit l’infiniment petit, on découvre ce qui se trame sous la terre et dans les airs on apprend sur la vie et les moeurs des animaux et on s’amuse aussi beaucoup.

Le grand livre d’activités

Le grand livre d’activités
John Woodward
Gallimard jeunesse, 2010

Il pleut ? La solution

par Anne-Marie Mercier

John Woodward,Anne-Marie Mercier,livre d'activités, Gallimard jeunesse« Ne plus jamais s’ennuyer », tel est le sous titre de cette Bible des activités, destinée à tous les enfants solitaires que leurs parents n’ont pas autorisé à rester branchés en permanence sur les ordinateurs et play stations.

On y trouve les bonnes vieilles recettes (jouer avec du papier, des fils, des ombres, faire un jardin, un gâteau… faire un feu, un abri, se diriger grâce aux étoiles…) mais aussi les solutions liées aux nouvelles technologie (faire un film d’animation avec un appareil photo numérique et un PC…) . Tout cela en une à deux pages très lisibles, avec photos, schémas et illustrations. Ainsi, on peut jouer un petit air de guitare, devenir champion de foot, se perfectionner en skate board, en suivant pas à pas les instructions.

Magique, non ? A offrir à tous les grands-parents qui ne savent comment occuper des petits-enfants solitaires.

L’agenda du lecteur curieux

L’agenda du lecteur curieux
Régine Barat, illustré par Pef

De la Martinière, 2011

Agenda pour remplir le temps

Par Anne-Marie Mercier

L’agenda du lecteur curieux .gifDans le même collection que les agendas des « apprentis » (apprenti écrivain, illustrateur,  scientifique, gourmand, comédien…) voici une jolie proposition pour les lecteurs… confirmés.

En effet, il se destine à ceux qui ont déjà le goût de lire et pourraient souhaiter élargir leur champ de vision à d’autres œuvres de la littérature, principalement de jeunesse, mais pas exclusivement, classiques et modernes, français et étranger. Il leur propose d’écrire, de chercher, de réfléchir, de lire…

Un cadeau intelligent pour un été pluvieux ou pour un enfant solitaire.

Vois-tu ce que je vois ? Trésors des pirates

Vois-tu ce que je vois ? Trésors des pirates
Walter Wick

Traduit (anglais) par Christine Billaux
Millepages, 2011

Des zooms et (encore) des pirates

 Par Matthieu Freyheit

Vois-tu ce que je vois ? Trésors des pirates.gif Walter Wick est loin d’être un inconnu. Le photographe américain, qui se dit lui-même fasciné par les défis techniques offerts par sa discipline, n’en est pas à son premier livre pour la jeunesse et continue d’interroger les possibilités et bizarreries de l’optique.

Dans la veine des Où est Charlie ? et des livres d’observation, la série des Can you see what I see ? se poursuit. Après avoir revisité, entre autres, Noël, les contes de fée, et Halloween, Walter Wick consacre son objectif aux trésors des pirates. Prétexte à tout, la piraterie ? Sans doute.

Le concept, pour ceux qui n’ont pas encore passé quelques soirées à fouiller les précédents volumes, est le suivant : Walter Wick crée un effet de zoom à l’aide de photographies prises de décors en miniatures et en grandeur nature. Commencez à l’intérieur du coffre au trésor pour vous retrouver au fond des mers avant de finir sur une plage de sable fin, et trouvez une liste d’éléments fondus dans la masse de l’image. De l’incontournable tête de mort au sabre inévitablement serti de diamants en passant par un cœur en or et quatre tortues (à cette heure il m’en manque toujours une), voilà un livre qui invite à passer et à revenir, à le fermer et à le rouvrir : un livre, finalement, à investir, dans une vraie chasse au trésor.

Cependant, si le travail de Wick demeure brillant, certaines planches ne sont pas tout à fait réussies, en termes d’esthétique autant que de lisibilité. Quant à l’ensemble, il est quelque peu trahi par le défaut d’originalité du sujet. Ce qui ne nous empêche pas d’attendre avec impatience la prochaine proposition de l’auteur qui, abandonnant le navire pour suivre les rails du Toyland Express, gagnera peut-être en onirisme et en imagination.