Robinson

Robinson
Peter Sîs

Texte français de Paul Paludis
Grasset Jeunesse, 2018

Une île à soi

Par Anne-Marie Mercier

Cet album n’est pas une énième adaptation du Robinson de Defoe ; c’est à la fois une relecture et un souvenir de lecture, une mise en contexte, une relation entre l’enfant et le livre, et une superbe mise en image de la thématique de l’île où survivre.
D’après l’auteur, c’est une photo d’enfance qui a déclenché le souvenir et l’envie de réaliser l’album, tout y serait vrai, donc. Pourtant, sur la même dernière page il est affirmé que « cet ouvrage est un ouvrage de fiction. Les noms, personnages, lieux et circonstances sont issus de l’imagination de l’auteur, et toute ressemblance avec des personnes ou événements réels » (… etc.). Un peu comme dans Moi, Fifi de Solotaref, la photo devient alors un objet troublant, censé attester de la vérité de l’histoire dessinée, et tenant un discours double.
Le narrateur a des amis dans son quartier avec qui il joue aux pirates, matin et soir, partout ; ils transforment la ville, les rues et les squares en lieux imaginaires où vivre leur passion. Lorsqu’il s’agit de se déguiser pour un mardi-gras, tous ses amis viennent avec des habits de pirates, sauf lui, qui, suivant une idée (et une réalisation) de sa mère, vient en Robinson. Les moqueries et brouille sont suivies d’une forte fièvre qui l’emmène sur l’île de Robinson où, seul (mais avec son lapin), il explore, découvre des merveilles, apprend à survivre, se fait de nouveaux amis (des animaux), jusqu’au jour où les pirates débarquent…
Sur la dernière page, on lit encore : « Robinson a été réalisé avec des stylos, de l’encre et de l’aquarelle. Je voulais que les images et leur processus de création soient aussi libres que mon imagination d’enfant. L’histoire est avant tout un rêve. A travers les couleurs, le style et l’émotion de chaque page, j’ai essayé de recréer l’atmosphère onirique que j’ai ressentie lorsque petit garçon j’ai lu Robinson Crusoé ». De fait, si dans le récit cadre, réaliste, on retrouve le style habituel de l’auteur, la partie rêvée est fort différente : dans un style naïf, elle fait alterner pages sombres et pages claires, associe le vert de l’île et le bleu de la mer et du ciel, ou celui, plus profond, de la nuit, des formes exubérantes et des dessins plus sages, des doubles pages et des pages fractionnées… dans un rêve qui commence comme il a fini, de même que la brouille s’achève avec le partage d’imaginaires.

 

Petit Vampire, acte 1 : le serment des pirates

Petit Vampire, acte 1 : le serment des pirates
Joann Sfar
Rue de Sèvres, 2017

Les enfances d’un vampire

Par Anne-Marie Mercier

Même si les vampires ne vieillissent pas, ils ont une histoire. Et même si les séries ont des « saisons », elles peuvent être rétroactives.  On découvre ici comment le héros auquel Joann Sfar a consacré 7 albums (de 1999 à 2005) publiés chez Delcourt, est devenu, en même temps que sa mère, un « mort-vivant ». Sfar reprend donc l’intrigue du délicieux  Petit Vampire va à l’école en la modifiant un peu et en anticipant sur son début.
On retrouve la fantaisie de l’univers de la série : monstres en tous genres, en général sympathiques, ennemi terrifiant,  dessins qui ignorent la ligne droite et créent de belles atmosphères aux couleurs évocatrices. Les séances de ciné-club  (consacrées à des films de monstres) sont parfaites… L’album offre un beau contrepoint entre le héros et le « vrai » petit garçon, Michel, et présente une belle histoire d’amitié entre deux êtres qui ne sont pas du même monde, et n’ont pas les mêmes rythmes – et en devraient pas se rencontrer.

À Bord du bateau pirate

À Bord du bateau pirate
Jean-Michel Billioud et Ollivier Latyk
Gallimard Jeunesse (Le monde animé), 2014

C’est un fameux trois-mâts

Par Matthieu Freyheit

Le bateauÀ Bord du bateau pirate pirate est devenu en peu de temps un classique des albums de jeunesse, sorte de sous-branche des albums consacrés plus généralement à la piraterie. De fait, à bord du bateau pirate, on trouve essentiellement…des pirates. L’idée n’est donc pas neuve, ni originale, mais ce volume a l’intérêt de se montrer plus précis et plus curieux d’un mode d’existence somme toute particulier, et dont nous ne savons pas tout. De l’embarquement à la capture par les soldats du roi, l’album revient sur les principaux épisodes traversés par le bateau pirate, effaçant l’aspect documentaire en empruntant les étapes romanesques du roman de piraterie : l’enrôlement, la répartition des tâches, la position du capitaine, les escales, les abordages et les trésors remettent en perspective les étapes majeures d’un véritable roman de piraterie. L’aventure avant tout, donc, mais semée d’informations et d’anecdotes qui permettent à cet album de sortir un peu du lot. Visuellement, le livre privilégie les tons simples qui ne mettent pas à mal la présentation des informations, tout en livrant des scènes animées et riches. Et comme toujours dans ces albums participatifs, le geste du lecteur est mis à contribution : des languettes à tirer, des éléments à soulever, des roulettes à tourner, faisant de chaque double-âge un livre dans le livre. Une réussite, donc, qui n’hésite pas malgré son peu d’originalité dans le paysage de l »album de jeunesse, à mélanger avec intelligence l’enthousiasme de l’aventure et de la découverte à celui de la connaissance.

 

 

 

Le Pirate et le gardien de phare

Le Pirate et le gardien de phare
Simon Gauthier et Olivier Desvaux

Didier Jeunesse (Le monde animé), 2013

Apprends-moi le bonheur

Par Matthieu Freyheit

Les Vikings d’UdLe Pirate et le gardien de phareerzo et Goscinny sont bien sortis de leur froid nordique pour contraindre Goudurix à leur enseigner la seule des choses qu’ils ignorent : la peur. Pourquoi un pirate ne viendrait-il pas réclamer de ce gardien de phare un enseignement semblable : le bonheur ? C’est que le gardien, satisfait de pêcher son poisson et de bourrer sa pipe, se proclame lui-même, devant les flots, l’homme le plus heureux de la mer. Jusqu’à… jusqu’à ce qu’il soit contraint d’envoyer un appel au secours, dans l’espoir de trouver un remplaçant pour alléger son fardeau. Mais la libération ne vient pas seule : si un jeune homme vient bel et bien prêter main forte au gardien, entretenant sa lumière, l’ombre elle-même ne tarde pas à se montrer sous les traits du pirate, qui dans son ignorance du bonheur devient à son tour une figure du capitaine maudit d’un certain Hollandais Volant. Le gardien et son jeune compagnon trouveront-ils les réponses aux questions posées par ce témoin de la nuit ? C’est qu’ici se répondent, dans la même poésie, scènes de jour et scènes de nuit, à la lumière du soleil et celle de la lune, toutes deux reproduites par celle du phare.

L’album fonctionne certes à partir de motifs qui sont autant de clichés de contes, mais qu’importe : l’image est superbement travaillée, peuplée d’idées elles-mêmes lumineuses qui font de cet album un objet précieux, nourri de sentiments qui valent d’être mis en récit. Simon Gauthier, lui-même conteur célèbre et par ailleurs fondateur d’un festival de contes à Tadoussac (Québec), alimente son récit d’une poésie maritime et céleste, que le talent (immense) d’Olivier Desvaux restitue avec un goût rare.

À Bord du bateau pirate

À Bord du bateau pirate
Jean-Michel Billioud et Ollivier Latyk

Gallimard Jeunesse (Le monde animé), 2014

C’est un fameux trois-mâts

Par Matthieu Freyheit

Le bateau aBorddubateaupiratepirate est devenu en peu de temps un classique des albums de jeunesse, sorte de sous-branche des albums consacrés plus généralement à la piraterie. De fait, à bord du bateau pirate, on trouve essentiellement…des pirates. L’idée n’est donc pas neuve, ni originale, mais ce volume a l’intérêt de se montrer plus précis et plus curieux d’un mode d’existence somme toute particulier, et dont nous ne savons pas tout. De l’embarquement à la capture par les soldats du roi, l’album revient sur les principaux épisodes traversés par le bateau pirate : l’enrôlement, la répartition des tâches, la position du capitaine, les escales, les abordages et les trésors remettent en perspective les étapes majeures d’un véritable roman de piraterie. L’aventure avant tout, donc, mais semée d’informations et d’anecdotes qui permettent à cet album de sortir un peu du lot.

Visuellement, le livre privilégie les tons simples qui ne mettent pas à mal la présentation des informations, tout en livrant des scènes animées et riches. Et comme toujours dans ces albums participatifs, le geste du lecteur est mis à contribution : des languettes à tirer, des éléments à soulever, des roulettes à tourner, faisant de chaque double-page un livre dans le livre. Une réussite, donc, qui n’hésite pas à mélanger avec intelligence l’enthousiasme de l’aventure et de la découverte à celui de la connaissance.

 

Capitaine Squelette

Capitaine Squelette
Stéphane Tamaillon

Flammarion, 2013

Vieille marmite et bonne recette

Par Matthieu Freyheit

51S2x48jZRL._SY445_Difficile, vraiment, de faire du neuf avec un personnage définitivement connu et reconnu. Stéphane Tamaillon se situe volontairement dans une tradition du genre en reprenant à son compte quelques vieilles recettes de ceux qui, avant lui, se sont emparés du pirate. Dans Capitaine Squelette, un équipage pirate se grime pour se déguiser en squelettes et effrayer leurs adversaires. Le travestissement du capitaine reste le plus réussi, pour de tragiques raisons qu’il vous faudra découvrir. Quoi qu’il en soit, on retrouve ici les pirates de Pierre Mac Orlan qui, dans les Clients du Bon Chien Jaune, faisaient déjà usage de la même ruse.

Le sinistre capitaine, ancien esclave Noir mû par un désir de vengeance à l’encontre de son ancien maître, n’est pas sans faire penser au merveilleux Atar-Gull d’Eugène Sue ou au Captain Blood de Sabatini. Bref, rien de très très nouveau dans ce roman, ce qui n’empêche pas le plaisir d’être au rendez-vous. Tout à fait classique, le roman de Stéphane Tamaillon rend hommage à une longue tradition de l’aventure, à laquelle se mêle souvent un zeste de fantastique.

Ici, Fréhel est un jeune garçon devenu orphelin, comme dans bien des romans d’aventure, de Stevenson à Mac Orlan. Embarqué à bord d’un navire négrier pour rejoindre son planteur d’oncle, il est vite fait prisonnier par une bande de pirates dont la spécificité, plus encore que d’être déguisés en squelettes, est d’être tous noirs. Tamaillon rappelle discrètement la réalité du terrain, et la présence importante de Noirs parmi les équipages pirates. L’occasion, surtout, est parfaite pour remettre en perspective les réalités du commerce d’esclaves. L’auteur ne cherche pas à offrir un héros parfait et pur, double impossible du lecteur contemporain : c’est petit à petit que le jeune Fréhel ouvre sa conscience aux duretés des préjugés, et conserve tout au long de l’aventure une réserve plutôt réaliste. Le géant noir qui se cache derrière le capitaine Squelette n’a, quant à lui, rien du libérateur au grand cœur monolithique que l’on aurait pu craindre de rencontrer : personnage complexe, il n’est pas sans rappeler certains héros romantiques (les surhommes hugoliens, mais aussi ceux de Sue). L’oncle de Fréhel reste sans doute le personnage le plus stéréotypé, tristement fidèle au modèle tout aussi tristement réel du maître planteur tout puissant.

Sorte de Captain Blood sinistre, Capitaine Squelette parvient à l’aide d’une narration simple à restituer un grand nombre d’éléments non seulement historiques mais également psychologiques, qui font des personnages aux relations ambiguës dans un contexte qui l’est plus encore. Comme souvent l’aventure offre une belle manière d’aborder de manière vive et ludique, mais néanmoins sérieuse, des sujets importants.

L’Ile au trésor

L’Ile au trésor
Robert Louis Stevenson
Illustré par Jean-François Dumont
Traduit (anglais) par Déodat Serval
Flammarion, 2013

Un classique  illustré

Par Anne-Marie Mercier

ileautresorRéédition d’un ouvrage publié en 2004, cette version de l’île au trésor a fait le choix de la  tradition : des illustrations à l’aquarelle fidèles et précises accompagnent tous les chapitres, soit pour mettre en valeur des détails, soit pour créer une atmosphère ou mettre en scène un épisode. La traduction est fidèle et maintient le ton un peu suranné du récit de Jim Hawkins. Tout cela est présenté dans une belle mise en page et sur du beau papier, un bel ouvrage… classique.

Les Trois Vies d’Antoine Anacharsis

Les Trois Vies d’Antoine Anacharsis
Alex Cousseau

Rouergue, 2012

Edgar Poe, l’esclave, le pirate et la baleine

Par Anne-Marie Mercier

les3viesIl y a des livres-mondes, celui-ci en est un. Aventures, réflexions, poésie, tout y est. Ces trois vies pourraient être trois livres, tant elles offrent trois histoires différentes, si celles-ci n’étaient pas si étroitement imbriquées. Ces vies s’articulent autour de la quête d’un trésor, celui qu’aurait laissé le pirate La Buse, ancêtre du narrateur-héros. D’autres  quêtes s’y ajoutent : quête de la liberté, quête des amis perdus, quête de l’écrivain Edgar Poe, lui même en quête d’inspiration…

Ces trois vies tissent l’histoire d’une naissance : naissance d’une conscience, à travers la superbe évocation de la vie intra utérine que forme la première vie, naissance d’une identité, qui commence avec un extraordinaire récit généalogique dans les mers du sud, une naissance fantastique qui donne à l’enfant un corps de poisson jusqu’à sa deuxième « naissance », et se poursuit avec plusieurs « baptêmes » (nominations, épreuves, rencontres…) et l’affirmation progressive de l’autonomie du héros (l’une des parties du livre se place dans le contexte de l’esclavage au sud des Etats-Unis, juste avant son abolition), celle d’une famille, celle du bonheur.

Superbement écrit, traversé par une foule d’autres histoires (celles de Poe, bien sûr mais aussi Moby Dick et d’autres classiques moins connus, comme les Voyages du jeune Anacharsis en Grèce (1788), qui donne lieu à un jeu à la Raymond Roussel), ce roman brasse bien des sujets, tout en restant un très beau roman d’aventures initiatiques.

Cet ouvrage fait partie de la liste de lectures conseillées pour les collégiens sur le site eduscol.

 

Deux pirates pour un trésor

Deux pirates pour un trésor
Roger Judenne

Rageot, 2012

Pirates just want to have fun ?

Par Matthieu Freyheit

Deux_pirates_pour_un_tresorOn le sait depuis longtemps déjà, les pirates sont des comiques. Polanski en a fait la preuve dans son célèbre et ruineux Pirates. C’est que le pirate a cessé, avec le tremblant capitaine Crochet de la version Disney, d’être cette créature terrifiante et destructrice, cet ogre dévoreur d’enfant qui apparaissait dans les illustrations aux premières éditions du Peter and Wendy de James Matthew Barrie. Depuis, il n’est souvent rien d’autre qu’un joyeux et sympathique compagnon, aussi affable que le sont les membres de la famille pirate du dessin animé du même nom, accompagnés de leur fidèle crocodile Sac-à-main.

Bref, on connaît le potentiel comique/ridicule du personnage de pirate, que devrait confirmer ce petit ouvrage destiné, précise une quatrième de couverture enthousiaste, à « se lancer à l’abordage& du rire ! » Pour l’abordage, mettons. Quant au rire, c’est une autre affaire. Le volume est composé de huit récits très courts sur le thème de la piraterie, explorant un univers archi-connu pour en travestir et en désamorcer les motifs d’aventure, d’action et de violence et les convertir en rire. Le procédé, connu, tient théoriquement la route. Théoriquement. Mais il faut le génie d’un Polanski pour réaliser l’exploit de transformer l’essai. En l’occurrence, ni Deux Pirates pour un trésor ni aucun des sept autres récits ne parviennent à leur fin. Les textes manquent certainement de la vie, du rythme, de l’originalité et de l’audace nécessaires au rire. Il en faudra plus pour susciter quelque réaction chez les lecteurs/lectrices visé(e)s. Dommage.

Le Pirate de l’Au-delà – Un livre dont vous êtes le héros

Le Pirate de l’Au-delà – Un livre dont vous êtes le héros
Steve Jackson, Ian Livingstone
Gallimard Jeunesse (Défis fantastiques), 2012 [1982]

Je ne suis pas un héros ?

Par Matthieu Freyheit

lepiratedelaudelaAttention : vous avez affaire à un fan. Après une jeunesse passée à explorer les manoirs, les ports et les cimetières, à se prendre au jeu d’écrire des aventures dont quelqu’un serait le héros, quel plaisir, oui, quelle joie de voir réédités les classiques de ces fameux Livres dont vous êtes le héros. Pour les nostalgiques de mon espèce et de ma génération, les titres sont autant d’appels à renouer avec d’anciennes sensations de quête, intime, filée au cours des pages. C’est également, pour tous, l’occasion d’observer le travail du temps sur des textes incroyablement marqués par l’esprit des années 1980…

C’est malheureusement l’un des écueils de cette (nouvelle) collection : replonger dans les Livres dont vous êtes le héros, c’est un peu comme re-regarder Conan le Barbare, on se demande si ça peut vraiment fonctionner avec ceux qui n’ont pas grandi à leur contact. Pour nous autres, en revanche, c’est un mélange d’amusement, d’affection, et, peut-être, une part d’ennui. C’est que, il faut bien le dire, Le Pirate de l’au-delà ne constitue pas le sommet du genre. L’écriture est certainement dépassée et, plus étonnant, le rythme lui-même semble appartenir à un autre temps.

Mais enfin, je brûle des étapes. Pour les nouveau-nés au genre, le Livre dont vous êtes le héros est un livre, un vrai, dont VOUS êtes le héros. Certes, je joue un peu sur la répétition, mais il est bon d’insister. Après une introduction (plutôt courte), sorte de scène d’exposition, il vous faudra effectuer une succession de choix qui vous renverront à chaque fois à un numéro. Ainsi, le livre dont vous êtes le héros est constitué d’une suite de paragraphes numérotés, et se lit dans un ordre tout-à-fait aléatoire d’un lecteur à l’autre et, plus encore, d’une lecture à l’autre. Car ne croyez vous en sortir du premier coup : vous affronterez la mort, et elle n’est pas sans conséquence, comme dans certains jeux vidéo. Pas de sauvegarde, il faut recommencer du début, et reprendre sa feuille de route. Feuille de route ? C’est un tableau situé au début du livre, avant que l’aventure ne commence, et sur lequel vous aurez à noter vos points d’endurance, d’habileté, de chance, éventuellement de magie, ainsi que l’ensemble des objets que vous transportez, les codes et mots de passe découverts, les pièces de monnaie récoltées… tant de choses, tant de choses ! Usage aléatoire, lectures multiples, prise de notes : Mac Orlan n’a qu’à bien se tenir, ici il n’est pas question de distinguer aventuriers passifs et actifs, car l’aventure est au coin de la page ! Simplement fascinant.

Revenons à celui qui nous intéresse. Six pages suffisent à dresser le tableau de votre nouvelle existence de héros du Pirate de l’au-delà. Les ingrédients ne sont pas follement originaux : un pirate terrible et maléfique, le massacre de votre famille, l’avènement de votre désir de vengeance. Inutile de vous en dire plus, si ce n’est que ce n’est pas parce que tout le monde raconte que le fameux pirate est mort qu’il a pour autant cessé ses méfaits. L’infâme ! Comme je le disais plus haut, ce n’est sans doute pas le plus inoubliable de la collection. Le texte est relativement simpliste et convenu, même attendu, et l’enchaînement qui devait nous faire haleter demeure un peu mou, et pas toujours savoureux. Ceci dit, l’actuelle veine des pirates offrira peut-être à ce volume plus de succès qu’il n’en mérite, tandis que d’autres volumes de la collection, plus réussis, passeront inaperçus. Mon désir profond étant, bien sûr, que les éditions Gallimard parviennent à travers cette collection à susciter quelques nouvelles vocations, et que des auteurs contemporains se lancent à leur tour dans l’aventure que constitue l’écriture de genre si particulier, si potentiellement riche.

Pour ma part, les autres classiques de Steve Jackson, Ian Livingstone et Joe Dever occupent ma table basse, et attendent que je m’y plonge pour vous en rendre compte. C’est que ce n’est pas désagréable, d’être un héros.