24 heures de la vie d’une fourmi

24 heures de la vie d’une fourmi
Delphine Chedru
Hélium, 2023

La vie, l’amour, le temps… et une petite fourmi

Par Anne-Marie Mercier

Avec un clin d’œil aux Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig, voici un album qui montre les émotions d’une jeune fourmi, Fourmiguette, avant le vol nuptial annuel des fourmis, alors qu’elle ignore au début de sa journée qu’elle y participera.
On admire avec elle sur son trajet les beautés de la nature et les dangers qui guettent les petites fourmis comme elle. Chaque double page indique une heure précise ; il faut qu’elle arrive à temps pour ne pas rater le spectacle. Le lecteur peut inscrire l’heure sur le cadran présent dans le trou de la page en tournant les aiguilles. Les enfants peuvent ainsi apprendre à lire l’heure. On y apprend aussi des détails sur différents insectes, leurs métamorphoses, leurs habitudes.
Selon l’heure, le rythme est à la hâte, à la fuite ou à la flânerie ; la fin se fera au galop. Arrêt au bord de la mare pour admirer les libellules ; de fait, que cette image est belle ! Enfouissement dans les fleurs, sous la menace de jeunes coccinelles qui ne l’ont pas reconnue ; au coucher du soleil, c’est le règne des abeilles dans le rosé du soir. La nuit est mauve et noire, sur fond de fleurs et de papillons de nuit ; l’aube est jaune dans les maïs, le jour est jaune puis bleu… Fourmiguette finit son voyage accompagnée par ses récents amis, papillons et coccinelles. A l’arrivée, elle sent que des ailes poussent sur son corps : elle ne sera donc pas spectatrice du vol des fourmis mais actrice.
La vie, l’amour, le temps, et la mort qui rôde… quel beau mélange.
Les images sont magnifiques. Le texte, court et précis, parfois drôle, est rythmé par une formulette.
Il est rare qu’un documentaire soit aussi délicat et riche tout en restant extrêmement simple, et en racontant une histoire avec un personnage attachant.

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La fourmi, l’oiseau et le vaste monde

La fourmi, l’oiseau et le vaste monde
Niels Thorez, Valérie Michel (ill.)
Editions courtes et longues, 2021

Fable cruelle

Par Christine Moulin

 

Une fourmi croit avoir fait le tour du monde et le connaître parce qu’elle a pris la carte pour le territoire, ou plutôt la mappemonde pour la terre. Son orgueil et sa suffisance sont évoqués dès le début de l’album: sur la première double page, elle est affublée d’une ombre immense mais, à peine la page tournée, le lecteur doit la chercher pour la dénicher sur le globe où elle se tient. Un dessin ici vaut mieux qu’un long discours. Pourtant, un long discours, il y en aura un: celui de la fourmi qui veut absolument raconter ses aventures d’abord à une salle vide, puis à un oiseau à qui on ne la fait pas et qui la remet à sa place, par ses propos (« Mais vous êtes plutôt fanfaronne, menteuse/Qu’exploratrice, nomade, globe-trotteuse »), et par un coup d’aile qui, littéralement, envoie la fourmi au tapis.

Comme il se doit, le narrateur nous délivre la morale de cette fable, en vers, s’il vous plaît, comme au bon vieux temps. Le lecteur apprend donc à se méfier des « charlatans qui ont leur orgueil pour étalon ». A l’heure où l’on se vante, sur les réseaux dits sociaux,  des « meeeerveilleux voyaaages » que l’on a faits, à l’heure, surtout, où, quel que soit le domaine, le paraître compte plus que la vraie connaissance faite d’humilité et d’expérience,  la leçon peut être précieuse. Mais pour les jeunes lecteurs, il faudra sans doute en accompagner la découverte car le vocabulaire, la syntaxe et même le propos sont exigeants et pourraient paraître ardus. Il est vrai que les splendides illustrations qui jouent sur les échelles aident vraiment à la compréhension et contribuent beaucoup au plaisir de lire cet album.

 

Fourmi

Fourmi
Olivier Douzou

Rouergue, 2012,

Non, ce n’est pas qu’une fourmi!

par Christine Moulin

On devait s’en douter : l’auteur de Jojo la mache, quand il semble publier un album cartonné tout « simple » à destination des tout-petits, fait bien plus que cela. C’est le cas avec Fourmi, qui, comme son titre l’indique, a pour thème un ours blanc. Le livre est fondé sur l’utilisation de caches que seul l’auteur peut manipuler, laissant tout le travail et tout le plaisir (celui de deviner, d’anticiper) au lecteur grâce à une structure répétitive… qui s’interrompt au bout d’un moment: façon malicieuse et quasi désinvolte d’enjoindre le jeune lecteur à se débrouiller seul, à prendre le relais.

Quant à la chute,  brutale, elle renvoie, presque par traîtrise, aux questions qui comptent: (le risque, la rupture, la violence, bref, les dures lois de l’existence) : celles-ci viennent nous interpeller jusque sur la quatrième de couverture, brisant le fragile rempart entre le monde du livre et le nôtre et frisant l’humour noir à travers le refrain, devenu ironique: « mais non ce n’est qu’une fourmi! ». Rien de fade, donc, de trop « puérilement » correct dans cet ouvrage qui est encore, comme celui narrant le destin stellaire de la célèbre mache, une perle rare.

 

Les petites bêtes de Tatsu Nagata

Les Petites Bêtes de Tatsu Nagata
Tatsu Nagata (Dedieu)

Seuil jeunesse, 2011

Le gros volume des petites bêtes

par Anne-Marie Mercier

Les petites bêtes de Tatsu Nagata.gifOn trouve ici réunies en un grand volume plusieurs histoires naturelles de Tatsu Nagata : l’escargot, la fourmi, le hérisson, le ver de terre, l’araignée, la grenouille, la chouette et le phasme n’auront quasiment plus de secrets pour vous, ou du moins auront pris un visage coloré, joueur.

On savourera particulièrement l’image de l’araignée « buvant » sa proie comme un touriste boit son orangeade en terrasse, tout en apprenant qu’elle est un arachnide et non un insecte : mettez-vous ça en tête, un insecte = 2 ailes, 2 antennes et six pattes! Grâce au professeur Nagata, on voit l’infiniment petit, on découvre ce qui se trame sous la terre et dans les airs on apprend sur la vie et les moeurs des animaux et on s’amuse aussi beaucoup.