Blood song

Blood song
Cat Adams
traduction de l’Américain, Pierre Varrod
La Martinière,  2012

Cosmopolitan chez les vampires

Par Christine Moulin

 

blood-singer,-tome-1---blood-song-118347-250-400La couverture ressemble à celles qui pullulent désormais dans les rayons « Adolescents » ou « Jeunes adultes » : les couleurs promettent des sensations fortes, les yeux hypnotiques se détachent, brillants, sur le fond mat. On pourrait craindre une énième réécriture d’un succès calibré. Et le titre n’arrange pas les choses!

Mais, en fait, l’histoire est assez originale: Célia Grave (« tombe », en anglais, n’est-il pas? l’ambiance est indiquée!) est une sorte de garde du corps, bardée de gadgets high-tech. Comme beaucoup d’autres personnages, depuis qu’elle a été transformée partiellement en vampire (accident de service), elle est devenue une « abomination »: en tant que telle, elle est dotée de super-pouvoirs qui sont présentés, et c’est là ce qui change de la routine, comme allant de soi. Ce qui est cocasse, c’est ce que cette métamorphose inachevée lui cause des soucis « de fille » assez croquignolets : elle doit, par exemple, porter une ombrelle ou se tartiner de crème solaire. Situation d’autant plus savoureuse que, pour une femme d’action, elle semble très soucieuse de son apparence: « Pour couronner le tout, j’étais habillée comme l’as de pique, avec, notamment, un short de basket en polyester noir trop grand qui me donnait l’air d’une parfaite idiote ». Cette description, à faire dresser les cheveux de n’importe quelle féministe, contraste, on nous l’accordera, avec les pages qui suivent: « Le monstre leva la tête, hurlant à la mort. J’en profitai pour lancer mon couteau sur elle. […] Je fis mouche; la lame bénite s’enfonça jusqu’au manche dans la chair molle du ventre de Lilith ». Tout le roman est là: les créatures fantastiques ont envahi le quotidien, sans que cela ne choque personne et l’héroïne, perdue dans ses peines de coeur et ses soucis vestimentaires, ressemble à une Bridget Jones égarée dans une faille du continuum spatio-temporel.

Célia a une amie, Vicky, « extra-lucide de niveau 9 », qui se protège des conséquences de ses capacités dans un hôpital psychiatrique. Elle fréquente des sortes d’agents secrets tous plus étranges les uns que les autres et se bat avec un naturel digne de Lara Croft elle-même avec toutes sortes de vampires et de monstres qui semblent avoir toujours habité la Californie. L’enjeu de la lutte? ce n’est pas forcément ce qui apparait le plus clairement, d’autant que beaucoup de personnages apparaissent, disparaissent, sans avoir un grand rôle dans l’intrigue (quelqu’un peut-il me dire ce qui est arrivé à Jones?): disons qu’il s’agit de protéger un Prince improbable, sorti tout droit de Tintin et du Rusland. Mais peu importe : ça se bat, ça bouge, ça saigne et on se retrouve à la fin du livre en ayant passé un assez bon moment, sans avoir pour autant l’impression d’avoir fait une lecture majeure!

 

Vampire City

Vampire City 
Rachel Caine

Traduction (anglais, USA) par Alice Delarbre
Hachette, 2010

Un épisode de « Friends » façon « bit-lit »

 par Christine Moulin

vampirecity.jpgLa « bit lit », n’est-ce pas ?, c’est cette littérature destinée principalement aux adolescentes, qui, dans le sillage plus ou moins commercial de Twilight, raconte les amours contrariées d’une jeune fille avec un vampire. Elle a même son site !

Dans Vampire city, nous avons les ingrédients du genre : une jeune fille, des vampires, un beau jeune homme, une maison victorienne et hantée. Mais cela fonctionne ! En effet, finalement, la description de la colocation est agréable (Claire, l’héroïne un peu « coincée » au départ s’émancipe rapidement), le rythme est enlevé, l’action ne faiblit guère. Bref, on se surprend à dévorer (c’est le mot…) une page, puis l’autre, et à attendre la suite, qui ne saurait tarder !!

Nightshade, « Lune de sang »

Nightshade 1, « La lune de sang »
Andrea Cremer
traduction (américain) par Julie Lopez
Gallimard, 2011

 Twilight like

par Christine Moulin

 On pouvait craindre le pire : la couverture, aux couleurs glaciales, comporte juste la petite tache de sang qui convient. La question censée attirer le lecteur a comme un air de déjà vu : « L’amour interdit vaut-il tous les sacrifices ? ».

Et par certains côtés, ce premier roman ne s’écarte que très peu du modèle Twilight. Nous assistons à la vie quotidienne d’adolescents, dans un lycée : cours, devoirs à faire, fêtes longtemps attendues (« qui invitera-t-il ? »), rivalités amoureuses, arrivée d’un nouveau, phénomène des « bandes », sexualité encore marquée du sceau de l’interdit, relations difficiles avec les parents, tout est là. Comme dans Twilight, il y a un « hic » : c’est que les héros sont des vamp… non, des loups-garous. Comme dans Twilight, l’héroïne hésite entre deux beaux mâles et l’érotisme est torride (parfois de façon un peu insistante…)

Mais certains éléments surprennent. En bien. Tout d’abord, le point de départ est inversé : au lieu qu’on attende la révélation de la nature surnaturelle des personnages, c’est une donnée de départ. Les renseignements sur l’organisation et l’histoire de l’espèce « loups garous » ne sont pas assénés d’un coup : ils se devinent à travers de nombreux indices, qu’il faut patiemment rassembler et croiser entre eux, pour aboutir à un tableau assez complexe. Le fait que l’héroïne soit en partie un animal transparaît à travers l’écriture, très riche en notations olfactives. Et l’auteur ne recule pas devant certaines références, sans qu’elles soient pour autant gratuites : Locke et Hobbes sont convoqués.

C’est que ce roman « twilightesque » ne se limite pas aux questions psychologiques : il pose la question du secret et de ses conséquences, des obligations des puissants, de la servitude dorée, du Devoir, de la loyauté, du destin, du nécessaire libre arbitre qui préside à l’accomplissement de soi. Si bien qu’à la fin du premier volume, ce n’est pas le seul suspens  qui fait attendre la suite.

Dark Divine

Dark Divine
Bree Despain
traduction (américain) par Sabine Boulongne
De La Martinière Jeunesse, 2010

 Mystère : rien de nouveau mais ça marche !

 par Sophie Genin

9782732441863.gifC’est l’histoire d’une fille de pasteur, sage élève modèle, qui est amoureuse depuis l’enfance d’un apprenti artiste, accessoirement loup-garou à ses heures perdues (on le découvre dès la page 43 alors qu’il y en a plus de 400 !). Bon. On peut dire que ça partait mal ! Mais, contrairement à mes attentes peu enthousiastes, j’ai été prise par cette histoire.

Certes, je ne pense pas que je me jetterai sur la suite des aventures de Grace Divine (!) mais la narration est bien ficelée. Deux choix peuvent l’expliquer. Premièrement, l’auteur donne la parole à l’héroïne sur un ton très juste. Deuxièmement, le lecteur en sait autant que la fille de pasteur, c’est-à-dire rien, sur la nuit qui a curieusement vu disparaître son frère Daniel de la vie de la famille Divine ! De ce fait, nous suivons la jeune fille de découvertes en rebondissements, d’hésitations en crises de loyauté (son frère ou sa passion amoureuse interdite ?) dans un rythme haletant et nous sommes même parfois surpris ! De plus, la qualité de la traduction, et donc de l’écriture initiale, est notable. Telle une J.K. Rowling en son temps, Bree Despain a su remotiver un certain nombre de motifs dans l’air du temps (lutte entre le bien et le mal, tiraillement entre la famille et les sentiments amoureux adolescents contradictoires, religion, anges, loups-garous…).  

Dans le deuxième tome, The Lost Saint (qui sortira en France en avril), tout comme Bella dans Twilight, l’adolescente se transforme, mais ici en loup-garou. Ce dernier point pourrait bien me donner envie de voir ce que la louve en elle fera évoluer dans ses comportements! 

Malédiction du sang

Malédiction du sang
Celia Rees

Seuil, 2011

La Marie Curie de la « bit-lit »

par Christine Moulin

vampire,fantastique,celia rees,bit litCe roman se remarque d’abord par sa couverture, non pas par l’illustration, banale, mais par sa texture : lisse, douce au toucher, veloutée. Du noir tactile…

Mais comme un livre n’est pas fait uniquement pour être caressé, parlons du reste. L’auteur le fait assez bien elle-même, dans un passage « méta » plutôt ironique : « En 1878, on ne pondait pas encore à la chaîne romans et films d’épouvante ». En effet, nous avons affaire à un roman de vampires on ne peut plus classique, qui ressemble a priori aux « produits » qui s’empilent sur les tables des libraires. Cela se passe dans une vieille maison victorienne, sise à côté d’un cimetière plein de tombes délabrées. Tous les éléments de la légende sont là : peur de l’ail, du crucifix, absence de reflet, pieu, étrange beauté des hommes vampires, etc.

Mais ce qui fait l’originalité du roman, c’est que l’héroïne, Ellen, qui souffre d’une maladie de sang mystérieuse, monte au grenier de la maison de sa grand-mère, où elle trouve un vieux coffre, rempli de manuscrits : le journal d’une de ses ancêtres, qui s’appelait également Ellen. Bien sûr, au début du premier cahier, figure cet avertissement : « Ce livre appartient à Ellen Laidlaw, 1878. […] Malheur à celui qui y jettera les yeux ». Grâce à cette mise en abyme, l’on est sans cesse pris dans un jeu de miroirs (ce qui est un comble quand il s’agit de vampires !) entre l’histoire qui s’est déroulée au XIXe siècle, dont on sait très vite qu’elle a eu une issue heureuse (si bien que le suspens tient plutôt à la question : « Comment a-t-elle fait pour s’en sortir? ») et l’histoire qui se déroule de nos jours. Reflets, ressemblances sont alors intéressants à traquer. L’auteur1 a assez astucieusement résolu le problème de l’alternance entre narration en « je » (celle du journal) et narration en « elle » (celle de l’histoire cadre), ce qui anime le récit et le rend plus inquiétant.

Autre originalité : on sait aussi très vite que l’ancêtre en question a été médecin et qu’elle a contribué à la découverte du facteur rhésus.

Voilà donc un roman qui se lit d’une traite (on pourrait, si on était pointilleux, relever quelques invraisemblances mais basta !) et qui renouvelle, malgré les craintes que l’on peut nourrir au départ, le genre très encombré des histoires de vampire.

(1) à qui l’on doit Le Journal d’une sorcière. 

Encore des loups garous adolescents!

Instinct 1 et 2
Vincent Villeminot

Nathan 2011, Collection Blast

Des loups garous adolescents d’un nouveau genre!                                                                                       

Par  Maryse Vuillermet

 Au début du tome 1, Tim Blackills se réveille dans une voiture accidentée, ses deux parents et son frère sont morts, lui ne souvient pas de l’accident mais quand il a repris conscience,  il était un grizzly. Personne ne le croit, il est accusé d’avoir massacré sa famille sous l’emprise d’une drogue puissante qui circule aux USA. Mais il est sauvé des griffes de la justice américaine par un étrange psychiatre qui l’emmène en Europe dans un Institut encore plus étrange. Là vivent en paix, étudient et se laissent étudier par des scientifiques, de jeunes métamorphes. Tous connaissent des épisodes de métamorphose, tous ont été recueillis par les professeur McIntyre, lui-même métamorphe. Tim habite avec Flora qui se transforme en chat et Shariff en homard.

Cet institut est attaqué par des chasseurs hyper violents. Au cours de l’attaque, Tim,  en grizzly, tue une dizaine de gardes mais sauve Flora et tous ses amis. Pris de remords, il pense à mourir, il fuit Flora qui l’aime pourtant.

Puis un institut Suisse  intéressé par les potentialités des métamorphes, pour en faire des mercenaires surpuissants enlève d’autres jeunes et les torture en vue de leurs expériences. Bref, beaucoup d’aventures, de sang, mais aussi de philosophie et de nouvelles technologies. En effet, Flora est une redoutable pirate informatique et Shariff un adepte des philosophies orientales.

On pourrait se dire, encore un roman avec des loups garous ! Mais en fait, Instinct 1 et 2 sont pour moi, une réussite. Cette variante du mythe du loup-garou fonctionne très bien.Ses composantes, don de métamorphose, jouissance de sa force physique, ambivalence des émotions et sentiments, cruauté et remords, violence et essai de contrôle, conflits avec le groupe, impossibilité d’aimer librement, questionnement sur la folie, solitude  au sein des humains, au sein de leur propre groupe d’amis parfois,  rapprochent évidemment les loups garous adolescents des jeunes lecteurs.

Le mythe de la métamorphose, grâce à ses différentes facettes, est particulièrement apte à décrire les angoisses humaines, les angoisses de passage, de transformations de l’enfance à l’âge adulte, de la raison à la folie parfois.

Les procédés d’identification jouent à plein chez les jeunes lecteurs, identification narcissique à des adolescents beaux et forts, identification psychologique avec leurs tourments, leurs dédoublements de personnalité, leurs changements douloureux,empathie pour leur solitude et leur vulnérabilité.