Hemlock

Hemlock
Kathleen Peacock
La Martinière Jeunesse, 2013
Traduit de l’anglais par Nathalie Azoulai

Une épidémie de loups garous !

Par Maryse Vuillermet

hemlockUn mélange improbable d’ingrédients très classiques, qui ont fait leur preuve, mais le tout donne un premier roman de ce qui s’annonce déjà comme une série, somme toute, assez réussi.
Le roman commence par l’assassinat d’Amy, brillante lycéenne, par un grand loup-garou blanc. La ville a peur car c’est le troisième meurtre de la bête. Peu à peu, on s’aperçoit que les loups garous sont partout et pour cause, le SL, syndrome du loup-garou est une maladie qui s’attrape par griffure et morsure. Ceux qui sont contaminés en sont très malheureux, ils ne sont pas triomphants, ils sont honteux et désolés mais ne se contrôlent pas et ont besoin de sang. Par ailleurs, l’état, aidé par des milices, les Trakers, organise des chasses à l’homme féroces et les loups garous sont internés et maltraités dans des camps. L’originalité, dans ce cas, c’est que les Trakers sont les méchants et les loups garous et ceux qui les protègent, par amour de la nature et respect de la diversité, sont les gentils.
Donc, ce récit est à la fois une enquête policière sur ce crime, un roman d’épouvante sur une épidémie atroce, un roman politique car les autorités se servent de l’épidémie pour asseoir leur domination sur la ville, et bien entendu, c’est un roman d’amour ! Mackenzie, l’héroïne,  s’aperçoit qu’elle est aimée par Kyle, son meilleur ami et par Jason, l’amoureux d’Amy. Mais elle comprend peu à peu que tous, autour d’elle, cachent des secrets, des souffrances, Jason noie son chagrin dans l’alcool, Kyle se révèle être un loup-garou, sa meilleure amie protège son frère, le dernier à avoir vu vivante Amy. Alors, Mac décide de mener l’enquête et d’affronter les pires dangers, mais n’est-elle pas la fille d’un bandit qui l’a élevée dans les bas-fonds et la violence avant de l’abandonner?
Quelques invraisemblances et des personnages trop sommaires nuisent au plaisir de lecture, mais le mythe du loup-garou est le plus fort, l’ambiguïté des personnages, leur lutte contre leurs pulsions violentes, les scènes troublantes où le loup caresse l’adolescente rachètent les imperfections d’un premier roman.

Le cœur des louves

Le cœur des louves
Stéphane Servant

Rouergue doado, 2013

 

Le mythe du loup-garou  féminisé et revisité

Par  Maryse Vuillermet

 

 

le ceour des louves imagesUne variante originale du mythe du loup-garou. Célia revient dans le village de sa  mère et de sa grand-mère,  village perdu au fond d’une vallée sauvage  et entouré de montagnes. Sa mère  Catherine, écrivaine à succès sur le retour,  cultive son mal-être et multiplie les amants ;  ruinée, elle doit quitter Paris et vivre dans la dernière maison du village avec sa fille. La grand-mère,  Tina était   considérée comme une sorcière  dans la région. L’atmosphère y est d’ailleurs particulière, tout le monde se connait, et les villes histoires, les vieilles haines, les amours enfouies semblent ressurgir à tout instant sous les pas de Célia.

La jeune fille est pleine de rancœur envers sa mère et aimerait savoir pourquoi son père les a abandonnées, quelles relations a eus  Thomas,   bûcheron brutal et alcoolique,  avec  sa mère Catherine, pourquoi Cécile,  sa fille, se laisse brutaliser par lui et pourquoi elle emmène Célia dans la montagne au bord du lac noir. Là, les deux jeunes filles se déguisent en louves à l’aide de fourrures et courent nues,  la nuit,  à travers les bois.

Célia,  en cherchant la vérité,  rencontre d’autres personnages du village, Andréas, le frère de Cécile,  fabricant de papiers artisanaux qui a recueilli les secrets de Tina, la sorcière, Armand, le grand-père de Cécile,  qui pourrait avoir bien connu Tina. Peu à peu, le puzzle des évènements se met en place, à travers deux récits, celui du journal de Tina, disparu puis retrouvé et  celui de la vie au village de Clélia.

 Et, à travers ces deux récits,  rôdent des loups, les loups  exterminés au siècle dernier, réintroduits  et qui tuent des brebis, et puis les hommes-loups, c’est-à-dire aussi cruels que des loups,  ceux  qui tuent  et torturent des enfants, ceux qui tuent des réfugiés  de la seconde guerre mondiale et brûlent leurs camps, ceux qui lynchent le seul témoin de ce massacre en le faisant passer pour le tueur d’enfants et enfin,  nos deux jeunes louves-garous qui effraient les habitants au point que l’un d’eux meurt d’une crise cardiaque. La violence  meurtrière est omniprésente dans ce coin de montagnes,   de même que la violence sociale, la fermeture des entreprises, la  rudesse du travail de bûcheron ou de scierie, la xénophobie, la solitude, la peur de l’étranger…

Le seul défaut de ce roman captivant est sa trop grande richesse,  trop d’histoires, trop de morts,  trop de violence !

Nightshade, « Lune de sang »

Nightshade 1, « La lune de sang »
Andrea Cremer
traduction (américain) par Julie Lopez
Gallimard, 2011

 Twilight like

par Christine Moulin

 On pouvait craindre le pire : la couverture, aux couleurs glaciales, comporte juste la petite tache de sang qui convient. La question censée attirer le lecteur a comme un air de déjà vu : « L’amour interdit vaut-il tous les sacrifices ? ».

Et par certains côtés, ce premier roman ne s’écarte que très peu du modèle Twilight. Nous assistons à la vie quotidienne d’adolescents, dans un lycée : cours, devoirs à faire, fêtes longtemps attendues (« qui invitera-t-il ? »), rivalités amoureuses, arrivée d’un nouveau, phénomène des « bandes », sexualité encore marquée du sceau de l’interdit, relations difficiles avec les parents, tout est là. Comme dans Twilight, il y a un « hic » : c’est que les héros sont des vamp… non, des loups-garous. Comme dans Twilight, l’héroïne hésite entre deux beaux mâles et l’érotisme est torride (parfois de façon un peu insistante…)

Mais certains éléments surprennent. En bien. Tout d’abord, le point de départ est inversé : au lieu qu’on attende la révélation de la nature surnaturelle des personnages, c’est une donnée de départ. Les renseignements sur l’organisation et l’histoire de l’espèce « loups garous » ne sont pas assénés d’un coup : ils se devinent à travers de nombreux indices, qu’il faut patiemment rassembler et croiser entre eux, pour aboutir à un tableau assez complexe. Le fait que l’héroïne soit en partie un animal transparaît à travers l’écriture, très riche en notations olfactives. Et l’auteur ne recule pas devant certaines références, sans qu’elles soient pour autant gratuites : Locke et Hobbes sont convoqués.

C’est que ce roman « twilightesque » ne se limite pas aux questions psychologiques : il pose la question du secret et de ses conséquences, des obligations des puissants, de la servitude dorée, du Devoir, de la loyauté, du destin, du nécessaire libre arbitre qui préside à l’accomplissement de soi. Si bien qu’à la fin du premier volume, ce n’est pas le seul suspens  qui fait attendre la suite.

Dark Divine

Dark Divine
Bree Despain
traduction (américain) par Sabine Boulongne
De La Martinière Jeunesse, 2010

 Mystère : rien de nouveau mais ça marche !

 par Sophie Genin

9782732441863.gifC’est l’histoire d’une fille de pasteur, sage élève modèle, qui est amoureuse depuis l’enfance d’un apprenti artiste, accessoirement loup-garou à ses heures perdues (on le découvre dès la page 43 alors qu’il y en a plus de 400 !). Bon. On peut dire que ça partait mal ! Mais, contrairement à mes attentes peu enthousiastes, j’ai été prise par cette histoire.

Certes, je ne pense pas que je me jetterai sur la suite des aventures de Grace Divine (!) mais la narration est bien ficelée. Deux choix peuvent l’expliquer. Premièrement, l’auteur donne la parole à l’héroïne sur un ton très juste. Deuxièmement, le lecteur en sait autant que la fille de pasteur, c’est-à-dire rien, sur la nuit qui a curieusement vu disparaître son frère Daniel de la vie de la famille Divine ! De ce fait, nous suivons la jeune fille de découvertes en rebondissements, d’hésitations en crises de loyauté (son frère ou sa passion amoureuse interdite ?) dans un rythme haletant et nous sommes même parfois surpris ! De plus, la qualité de la traduction, et donc de l’écriture initiale, est notable. Telle une J.K. Rowling en son temps, Bree Despain a su remotiver un certain nombre de motifs dans l’air du temps (lutte entre le bien et le mal, tiraillement entre la famille et les sentiments amoureux adolescents contradictoires, religion, anges, loups-garous…).  

Dans le deuxième tome, The Lost Saint (qui sortira en France en avril), tout comme Bella dans Twilight, l’adolescente se transforme, mais ici en loup-garou. Ce dernier point pourrait bien me donner envie de voir ce que la louve en elle fera évoluer dans ses comportements! 

Encore des loups garous adolescents!

Instinct 1 et 2
Vincent Villeminot

Nathan 2011, Collection Blast

Des loups garous adolescents d’un nouveau genre!                                                                                       

Par  Maryse Vuillermet

 Au début du tome 1, Tim Blackills se réveille dans une voiture accidentée, ses deux parents et son frère sont morts, lui ne souvient pas de l’accident mais quand il a repris conscience,  il était un grizzly. Personne ne le croit, il est accusé d’avoir massacré sa famille sous l’emprise d’une drogue puissante qui circule aux USA. Mais il est sauvé des griffes de la justice américaine par un étrange psychiatre qui l’emmène en Europe dans un Institut encore plus étrange. Là vivent en paix, étudient et se laissent étudier par des scientifiques, de jeunes métamorphes. Tous connaissent des épisodes de métamorphose, tous ont été recueillis par les professeur McIntyre, lui-même métamorphe. Tim habite avec Flora qui se transforme en chat et Shariff en homard.

Cet institut est attaqué par des chasseurs hyper violents. Au cours de l’attaque, Tim,  en grizzly, tue une dizaine de gardes mais sauve Flora et tous ses amis. Pris de remords, il pense à mourir, il fuit Flora qui l’aime pourtant.

Puis un institut Suisse  intéressé par les potentialités des métamorphes, pour en faire des mercenaires surpuissants enlève d’autres jeunes et les torture en vue de leurs expériences. Bref, beaucoup d’aventures, de sang, mais aussi de philosophie et de nouvelles technologies. En effet, Flora est une redoutable pirate informatique et Shariff un adepte des philosophies orientales.

On pourrait se dire, encore un roman avec des loups garous ! Mais en fait, Instinct 1 et 2 sont pour moi, une réussite. Cette variante du mythe du loup-garou fonctionne très bien.Ses composantes, don de métamorphose, jouissance de sa force physique, ambivalence des émotions et sentiments, cruauté et remords, violence et essai de contrôle, conflits avec le groupe, impossibilité d’aimer librement, questionnement sur la folie, solitude  au sein des humains, au sein de leur propre groupe d’amis parfois,  rapprochent évidemment les loups garous adolescents des jeunes lecteurs.

Le mythe de la métamorphose, grâce à ses différentes facettes, est particulièrement apte à décrire les angoisses humaines, les angoisses de passage, de transformations de l’enfance à l’âge adulte, de la raison à la folie parfois.

Les procédés d’identification jouent à plein chez les jeunes lecteurs, identification narcissique à des adolescents beaux et forts, identification psychologique avec leurs tourments, leurs dédoublements de personnalité, leurs changements douloureux,empathie pour leur solitude et leur vulnérabilité.