Le clan des chiens, tome 1 Sur la piste des hommes

Le clan des chiens; Tome 1 Sur la piste des hommes
Christopher Holt
Seuil,   2013, pour la traduction
D’ Amélie Sarn

  Angoisse chez les chiens

Par Maryse Vuillermet

 le-clan-des-chiens---sur-la-piste-des-hommes-4149792-250-400Qu’est-il arrivé aux maîtres  de Max, le labrador ?  Pourquoi l’ont-ils abandonné au chenil ? Quand,  presque mort de faim, il réussit à s’échapper, il ne trouve  à l’extérieur que désolation,  les Hommes sont partis  et des chiens maigres, seuls, ou en clans très fermés et très dangereux,  errent dans les villes. Accompagné de Rocky, un teckel très intelligent et de Naïve,  une petite chienne yorkshire affectueuse, il commence un immense périple à travers  un pays dévasté où les loups affamés les  menacent  sans cesse, où les rats pullulent dans le métro abandonné, avec  le froid,  la pluie et surtout  la faim comme compagnons.  Ils volent  des croquettes dans les supermarchés, s’initient à la survie. Beaucoup d’entre eux sont devenus fous,  les plus forts sont des tyrans, les faibles se soumettent.

Mais eux,  dans leur petite bande,  s’entraident,  aident les plus faibles et cherchent  les hommes. On leur dit d’aller vers l’océan mais pourquoi ? Qu’est-il arrivé ? Le suspense et l’angoisse sont bien présents tout au long du récit. On s’attache à ces chiens intelligents et courageux, on s’étonne de voir incarnées,  dans les  autres chiens perdus,  toutes les tares des humains.

C’est un premier tome  attachant,  dépêchez-vous, le deuxième tome est sorti en octobre 2013 et le troisième l’a talonné.

Frangine

Frangine
Marion Brunet
Sarbacane, Coll. Exprim’, 2013 

Un beau roman de formation sur un sujet ô combien délicat et d’actualité

Par Maryse Vuillermet

 

frangineJoachim, lycéen de terminale,  n’a pas eu trop de problèmes jusque-là,  pour vivre sa différence. En effet, il est né d’une PMA ( procréation médicalement assistée) et il a deux mères, maman et Maline. Ceci pour plusieurs raisons, il est beau et costaud et il est magnifiquement aimé par ses deux mères et sa petite sœur, il vit dans un cocon de tendresse  et de confort. Il n’en va pas de même pour sa petite sœur, Pauline,  quand elle arrive au lycée.

Elle subit de plein fouet la bêtise, la haine et la violence de quelques gros bras de la classe de première. Ils la harcèlent, la couvrent d’insultes, la menacent des pires sévices sexuels, lui font un chantage ignoble. Elle souffre en silence. Pendant ce temps,  son frère vit sa première aventure amoureuse avec Pauline.

 Cependant,  par hasard, il  apprend l’horreur, fou de haine et honteux de son aveuglement,  il veut régler leur compte aux idiots,  mais sa petite sœur   ne veut pas qu’il le fasse à sa place.  Après avoir repris des forces pendant les vacances de Toussaint à la campagne auprès de ses grands-parents, elle décide de ne plus subir. Il fallait juste qu’elle arrête d’avoir peur. Le récit du retournement de situation est très jouissif  pour le lecteur.

C’est une belle histoire, un beau roman de formation original, sur un sujet peu traité,  mais d’actualité ; les enfants de couples homosexuels.

Joachim découvre en même temps l’amour et la sexualité, les différences sociales, la haine et toutes ses découvertes ne le font vaciller qu’un instant,  car, grâce à ses mères et à leur amour inconditionnel, à leur courage de vivre en accord avec elles-mêmes, il a des bases solides. C’est la leçon du roman:  ce qui compte, c’est surtout l’amour  entre frères et sœurs, entre grands-parents et petits enfants,  et dans le couple, l’amitié et  c’est ce qui donne le courage de  ne pas passer à côté de sa vie.

Entre deux rafales: Entre deux monologues

Entre deux rafales
Arnaud Tiercelin

Rouergue (DoAdo),  2010

Entre deux monologues 

                                                                                                         par Maryse Vuillermet

 Deux monologues alternent, celui d’Emma sur son lit d’hôpital qui a perdu la mémoire et celui d’Arthur qui erre aux alentours, parce qu’il est responsable de l’accident de scooter qui a blessé Emma.Les deux voix sont celles d’adolescents déchirés, l’une dans sa chair et sa mémoire, l’autre,  depuis toujours, par la maltraitance, l’abandon de ses parents, de ses familles d’accueil, la violence des foyers, et du regard des autres.

Emma, ayant tout oublié,  sent pourtant que quelqu’un l’aime, lui,  croit qu’elle va le rejeter, le haïr mais il ne cesse d’espérer pare qu’il n’a plus que ça, il est seul,recherché par la police et le foyer.Ce roman d’Arnaud Tiercelin, parle d’adolescents blessés, de parents muets, de mère alcoolique, de préjugés de classe, de colère autodestructrice, mails il parle aussi d’espoir, d’entraide entre jeunes, et d’humanité.

Le style et le dispositif d’écriture permettent bien des surprises, des rencontres et des rebondissements.  C’est un roman touchant qu’on n’oublie pas.

L’ami de toujours

L’ami de toujours
Xavier Mauméjean
Flammarion,2011

L’ami  de toujours

                                                                                                             par Maryse Vuillermet

David, un jeune geek,  mélancolique et asocial, réussit à se faire remarquer et embaucher par la plus grande entreprise de jeux vidéo des Etats-Unis, dans l’agence de New-York. Mais il y rencontre son ami d’enfance oublié,  Richard. En  fait, on comprend qu’il s’était inventé un ami imaginaire pour supporter sa solitude et ses problèmes psychologiques. Et soudain, cet ami imaginaire est incarné. Richard est violent, sûr de lui, fort et beau, tout ce que n’est pas David et il agit parfois à sa place ou en son nom.

Nous voilà happés par un duel entre Richard et David, qui devient peu à peu une lutte à mort. David, alias Richard,  invente un jeu vidéo qui ressemble à l’univers imaginaire d’enfance qu’ils avaient créé. Et, nous lecteurs sommes entraînés dans  le vertige du virtuel,  on ne sait plus qui est le vrai, qui est le virtuel, qui est l’ami imaginaire, qui est le double, qui est le bon, qui est le méchant. Chaque fois que nous croyons comprendre, nous replongeons dans la perplexité. En même temps que le récit nous entraine dans le monde fascinant des games programmeurs, dans l’énergie de New-York, dans l’amitié entre jeunes,  il nous intrigue et nous dérange. Les traumatismes d’enfance, la mort d’un frère, un incendie criminel hantent la mémoire de David, un psychothérapeute tente de comprendre mais n’explique pas tout.

La fin du roman semble résoudre l’énigme, encore que…

Le roman a su recréer le vertige du virtuel qui  menace bien des jeunes trop plongés dans l’univers des jeux, ils s’y retrouveront donc peut-être !

Le soleil et la mort

Le soleil et la mort
Elise Fontenaille
Grasset-Jeunesse (Lampe de poche ados),  2011

Regarder la mort en face

par Maryse Vuillermet

  «  Le soleil et la mort ne se peuvent regarder en face ». Cette  phrase de La Rochefoucauld est placée en exergue de ce court roman car, justement, la mort, plus exactement le suicide, en est le centre, on y revient toujours, à la fois horrifiés et fascinés.

Le narrateur, 15 ans, a perdu sa mère, très jeune, puis son grand-père qui l’a élevé, et, enfin, son chat écrasé par une belle-mère stupide. Il ne supporte plus sa vie chez son père, remarié à cette marâtre, et rêve de mourir. Mais comment ? Sur un site internet dédié, intitulé Le soleil et la mort, il rencontre d’autres adolescents qui, comme lui, veulent mettre fin à leurs jours, ils en parlent sans cesse, jouent avec l’idée, se l’approprient, sont heureux d’avoir trouvés des « frères de suicide ». Avec l’aide d’Anton, le plus âgé d’entre eux, le plus cultivé aussi et le plus déterminé, ils organisent une expédition qui sera un suicide collectif sur l’île du grand-père. Mais la rencontre « ça nous avait fait drôle de nous voir en vrai », l’arrivée sur l’île, la vie de groupe, tout cela va changer un peu la donne.

Il faut du courage pour s’attaquer à un sujet aussi délicat, quand on sait que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes. Les passages où les jeunes parlent aussi naturellement de la mort que de musique ou d’informatique sont un peu déconcertants au début : complaisance morbide ? Sujet noir en or ? Mais l’auteur, malgré un style percutant, des phrases courtes, le fait avec délicatesse et c’est le récit qui met en place la sortie de l’enfer, qui trouve les solutions : écoute de sa souffrance, de sa peur, amitié, projets de vie, épreuves communes. 

J’émets quelques réserves, certains personnages sont un peu stéréotypés, la marâtre, l’ange de la mort, le grand-père génial, les parents défaillants, et récurrents chez l’auteur, mais après tout, ces stéréotypes sont peut-être les personnages de notre société !

Mistral

Mistral
Angela Nanetti

La joie de lire, Collection Encrage,  2011

 Roi d’une île et adolescent  à problèmes

 par Maryse Vuillermet

  Mistral, le héros éponyme de ce roman,  est né sur une île minuscule, ses parents sont gardiens de phare. Ils l’ont appelé Mistral parce qu’il est né une nuit de tempête et qu’il a crié très fort.

Mistral grandit dans ce royaume de rochers,  et d’oiseaux, il se croit le roi de l’île,  comme son père.

Même quand ses parents ont des problèmes (le phare est automatisé et ils perdent leur emploi, les grands-parents maternels ne parlent pas à son père, celui-ci doit partir travailler sur les bateaux de pêche,) lui, rêve,  ivre de liberté et de mer.

Un jour, arrive un magnifique voilier, avec à son bord,  Chloé,  une petite fille riche, pianiste. Il en tombe éperdument amoureux,  même si elle repart et n’écrit pas souvent.  Un jour, longtemps après,  elle revient avec ses amis qui racontent mai 68 à Paris.

Ce roman offre un malicieux mélange de réalisme, (les affres d’un adolescent qui doit choisir un métier, qui se heurte à la transformation de l’ile en paradis pour riches touristes, à la mésentente de ses parents) et de poésie : Mistral ne cesse d’arpenter son ile et de rêver.

C’est un roman de formation attachant, très vivant, un roman de vent d’amour et de mer.

Difficile d’avouer qu’on aime!

Comment (bien)  gérer sa love story
Anne Percin

Rouergue (doAdo ), 2011

 Difficile d’avouer qu’on aime !

par Maryse Vuillermet

  Encore une fois, exactement comme pour Comment bien rater ses vacances, du même auteur en 2010,  au début de ma lecture, j’ai été un peu agacée par un langage « djeun » un peu lassant et qui m’a semblé outré, mais, très vite, j’ai oublié mon agacement pour me laisser entraîner dans les péripéties de ses amitiés avec Kevin, très lourd mais d’un bon sens et d’une loyauté à toute épreuve, de sa rencontre sur Spacebook avec Natacha, des cours particuliers donnés à un aspi (comprendre un enfant souffrant du syndrôme d’Asperger, qui ne supporte aucun contact humain), de ses gouters-crêpes chez la grand-mère, de ses répétitions dans sa cave…

Maxime est encore enfantin, mais  fait l’amour avec Natacha, une étudiante en psychologie plus âgée, c’est un intellectuel, un artiste, il improvise à la guitare et a une immense culture en rock-jazz post-punk, mais il n’est pas sûr de lui, bref un adolescent totalement de son époque,  plein de doutes et de certitudes. Il n’est plus le jeune autiste du précédent roman, mais  pour devenir adulte, il a encore pas mal d’épreuves à traverser, comme la disparition soudaine de Natacha à sa soirée d’anniversaire, son arrestation pour détention de téléphone portable de contrebande…

Le ton est cependant plein d’humour, le franglais, le jargon jeune omniprésents; chaque fois qu’il lui arrive un malheur, son énergie et son humour  le font rebondir: on passe un bon moment de lecture en sa compagnie. 

L’inconnue des Andes

L’inconnue des Andes
Sylvie Deshors

Rouergue, (Doado Noir), 2011

Enquête en altitude

                                                                                                             par Maryse Vuillermet

    On retrouve dans ce roman policier le touchant personnage d’Agathe de Fuite en mineur, (voir article sur ce site), une jeune Franco-chinoise karatéka, son énergie, et surtout sa curiosité.  Elle voyage en Équateur en compagnie de son amie étudiante Lucia. Une curieuse rencontre avec une superbe inconnue aux yeux verts qui lui donne un bracelet en or va changer le cours paisible du voyage.Dans un Lodge en pleine Cordillères des Andes, elle trouve un morceau déchiré de son  passeport, ce qui lui fait croire qu’elle a disparu. Elle décide de partir à sa recherche.

Une course enquête à travers les paysages somptueux et dangereux des Andes, de nombreuses et belles amitiés entre jeunes  Américains du sud, Québécois, jeune policier lyonnais, un style efficace, une réalité sociale bien prise en compte (misère, violence, pillage de tombes, suite des tortures, disparitions et assassinats en Argentine), tous ces ingrédients bien dosés font de ce roman une lecture  dépaysante, engagée, palpitante et souvent émouvante.

Encore des loups garous adolescents!

Instinct 1 et 2
Vincent Villeminot

Nathan 2011, Collection Blast

Des loups garous adolescents d’un nouveau genre!                                                                                       

Par  Maryse Vuillermet

 Au début du tome 1, Tim Blackills se réveille dans une voiture accidentée, ses deux parents et son frère sont morts, lui ne souvient pas de l’accident mais quand il a repris conscience,  il était un grizzly. Personne ne le croit, il est accusé d’avoir massacré sa famille sous l’emprise d’une drogue puissante qui circule aux USA. Mais il est sauvé des griffes de la justice américaine par un étrange psychiatre qui l’emmène en Europe dans un Institut encore plus étrange. Là vivent en paix, étudient et se laissent étudier par des scientifiques, de jeunes métamorphes. Tous connaissent des épisodes de métamorphose, tous ont été recueillis par les professeur McIntyre, lui-même métamorphe. Tim habite avec Flora qui se transforme en chat et Shariff en homard.

Cet institut est attaqué par des chasseurs hyper violents. Au cours de l’attaque, Tim,  en grizzly, tue une dizaine de gardes mais sauve Flora et tous ses amis. Pris de remords, il pense à mourir, il fuit Flora qui l’aime pourtant.

Puis un institut Suisse  intéressé par les potentialités des métamorphes, pour en faire des mercenaires surpuissants enlève d’autres jeunes et les torture en vue de leurs expériences. Bref, beaucoup d’aventures, de sang, mais aussi de philosophie et de nouvelles technologies. En effet, Flora est une redoutable pirate informatique et Shariff un adepte des philosophies orientales.

On pourrait se dire, encore un roman avec des loups garous ! Mais en fait, Instinct 1 et 2 sont pour moi, une réussite. Cette variante du mythe du loup-garou fonctionne très bien.Ses composantes, don de métamorphose, jouissance de sa force physique, ambivalence des émotions et sentiments, cruauté et remords, violence et essai de contrôle, conflits avec le groupe, impossibilité d’aimer librement, questionnement sur la folie, solitude  au sein des humains, au sein de leur propre groupe d’amis parfois,  rapprochent évidemment les loups garous adolescents des jeunes lecteurs.

Le mythe de la métamorphose, grâce à ses différentes facettes, est particulièrement apte à décrire les angoisses humaines, les angoisses de passage, de transformations de l’enfance à l’âge adulte, de la raison à la folie parfois.

Les procédés d’identification jouent à plein chez les jeunes lecteurs, identification narcissique à des adolescents beaux et forts, identification psychologique avec leurs tourments, leurs dédoublements de personnalité, leurs changements douloureux,empathie pour leur solitude et leur vulnérabilité.