C’est un secret !
John Burningham
traduction (anglais) d’E. Duval
Kaleidoscope, 2010
Où vont les chats durant la nuit ?
Par Anne-Marie Mercier
« Où vont les chats durant la nuit ? » demande l’enfant. « Je ne sais pas », répond sa mère. Plus tard, le chat Malcolm, interrogé, proteste : « C’est un secret ». A la fin de l’album l’enfant peut dire à sa mère : « Je sais où il va le soir, mais je ne peux pas te le dire parce que c’est un secret ». Entre les deux, il y a un beau chemin dans la ville nocturne avec des aventures proches de celles racontées par Pommaux (Une Nuit, un chat, La Fugue…).
Le réalisme est plus limité et l’atmosphère plus rêveuse. Le dessin est aussi empreint d’enfance et de fantaisie : des traits de brouillon (beaucoup de crayonnés, des coloriages aquarellés à grands traits), une alternance de fonds blancs, grisés ou noirs avec des contrastes de couleurs forts, des superpositions de papiers découpés. La petite Marie-Hélène est rapetissée pour accompagner son ami Malcolm, lui-même est habillé pour aller à la fête (un costume qui ressemble à un déguisement bricolé de chat botté – sans les bottes). On rencontre la reine des chats, il y a un festin, des danses, des jeux, des cadeaux pour tous… Le texte est simple et allusif, l’image fait le reste.
Un rêve d’enfance et de connivence loin des adultes (mais pas trop tout de même), un délice dédié fort justement par l’auteur « aux petits ».
On aimerait aimer ce petit album, carré comme tous ceux de l’éditeur, au nom même du goût que l’on a pour le Rouergue. Pour le dessin aussi, fluide, au crayon rehaussé d’orange. Pour la bonne bouille du chat héros de l’histoire, sans doute nommé Mistigri (mais son nom disparaît rapidement pour la dénomination « le chat »).
Certes, Milton est une vieille connaissance (c’est qu’il va vers ses quinze ans, le bougre!). Mais il n’a rien perdu de son charme lunaire. Paresseux, un peu bête (?), gourmand, mais aussi curieux, épicurien, fidèle, sage, au fond, il est terriblement attachant. Si bien que l’on a très peur pour lui car sa fugue n’est pas de tout repos ! Mais évidemment, rien ne vire au tragique.
La première édition (au Danemark) de ce livre date de 1949 ! Mais le trait est moderne, dynamique, drôle. Le personnage, un adorable chat aux yeux bleus, immenses, est attachant, courageux, sûr de lui sans forfanterie, et l’histoire, avec bonheur, sans pesanteur moralisatrice, s’inscrit, de façon à la fois humoristique et tonique, dans la tradition du « pas beau », du « pas gâté par le destin » qui triomphe à la fin.

Cet album est, en apparence, modeste et par là même, touchant. Il ne cherche pas à donner de la mort et du deuil une vision originale ou poétique ou profonde. Non, il dit tout simplement, avec des phrases très courtes, de celles que saurait écrire un enfant, les sentiments qui peuvent unir un chat, un petit garçon et sa maman. Il dit la rupture que provoque la maladie. Il dit la tristesse.