Milton chez le vétérinaire, Mais où est passé Milton? Les vacances de Milton

Mais où est passé Milton?
Milton chez le vétérinaire,
Les vacances de Milton
Haydé
La Joie de Lire, 2007, 2000, 2012

Encore lui! Et tant mieux!

par Christine Moulin

 b9a3347f802b2a1f303f23d6d22d3608-300x300Milton, dont nous avons déjà chroniqué les hauts faits (voir La fugue de Milton et Quand j’étais petit…), ne nous déçoit jamais: il est tellement vrai…!

Comme tous les chats, il se niche dans les endroits les plus improbables, ce qui permet au jeune lecteur, bien mieux qu’avec tous les albums ad hoc, de s’initier au vocabulaire spatial ainsi qu’aux adverbes de manière!! Mais en fait, pour notre plus grand bonheur, Milton n’a que faire du lexique : il ne cherche que son confort (ou sa sécurité! je vous laisse découvrir ses démêlés avec une abeille!), en des positions hilarantes et délicieusement félines qui permettent de constater, une fois encore, que lorsqu’un chat se cache quelque part, il y a toujours un bout qui dépasse!

Comme tous les chats, il vit la visite chez le vétérinaire comme un calvaire et résiste de toutes ses griffes : les maîtres qui ont déjà essayé d’arracher leur animal préféré à sa cage pour le déposer sur la table de torture se reconnaîtront! Et la mauvaise foi dont la bête fait preuve, une fois l’examen terminé, leur rappellera certainement quelque chose.

Comme tous les chats, Milton adore la chasse : voilà que pendant ses vacances, il découvre un lézard, un serpent, une araignée, les grillons, les grenouilles, une libellule, un poisson rouge et… la couleur (les bestioles en question sont colorées et contrastent avec le noir et le blanc habituels de la collection). Dans cet opus, la verve coutumière de l’auteure est peut-être quelque peu en berne mais la couverture montrant Milton affalé, tel Snoopy sur sa niche, sur un mur de pierres sèches justifierait à elle seule l’existence du volume tout entier!

Me voici

Me voici
Friedrich Karl Waechter
MéMo,  2010

Et le matou revient…le jour suivant…

Par Christine Planchette master MESFC Saint-Etienne

La première de couverture est une aquarelle représentant un chat qui appuie sur un bouton, ce qui met en scène le titre de I’ouvrage, « me voici ». La quatrième de couverture montre ce même chat en train de dormir dans un lit.

Puis trois mots : un drame

                         une renaissance

                         une rencontre

Il n’y a alors pas beaucoup d’indices sur le contenu de cet album, mais la tendresse des aquarelles et la puissance évocatrice de ces mots donnent envie d’aller plus loin. La couleur apparaît : trois queues de chats différentes et un texte minimaliste : « nous étions trois. » Puis sur double page, une aquarelle : une famille de chats photographiée sur la plage. Ils sont « arrivés en août. » Ils venaient s’ajouter aux « quatre » arrivés en mai. La famille est trop nombreuse….

Que faire lorsqu’une famille de chats est trop nombreuse ? On en élimine quelques-uns et souvent par noyade ! Ces chats, qui nous sont montrés comme des gosses, sont fourrés dans un sac par des pêcheurs et jetés au large des côtes.

Arrivé mortelle d’un requin-chat. Un seul chaton survit et finit dans le garde-manger du requin. Changement de décor et mise en scène théâtrale. Tuer le tueur et se nourrir de sa chair pour devenir plus fort.  Sauvé, il arrive sur une plage et prend un ticket de train. Fin du voyage ! Il descend et erre dans les rues. « …j’arrive devant une maison, j’appuie sur le bon bouton, tu m’ouvres. Quel bonheur. Me voici. » Cet album nous raconte de manière bouleversante et dérangeante I’histoire de cet enfant-chat qui se bat pour la vie.

Le « tu » de la narration s’adresse à la famille retrouvée, mais aussi à nous lecteurs, qui ouvrons notre porte, en ouvrant le livre, à ce petit chat humain que nous voudrions prendre dans nos bras. Les aquarelles de cet album sont extraordinaires, tant par les regards très expressifs que par les postures des personnages, qui en disent long.

C’est un album hors norme, une énigme. Un texte minimaliste, où tout ce qui est suggéré rend l’histoire encore plus forte. Elle nous transporte dans le voyage de la vie à travers le parcours de cet enfant-chat qui se battra et se débattra pour survivre à l’abandon, à la mort, et retrouver le chemin qui mène à un être aimant.

C’est un album marquant, qu’on n’oubliera pas de sitôt, l’histoire d’un chat humain, trop humain, enfant, trop enfant…

Milton : quand j’étais petit

Quand j’étais petit
Haydé
La Joie de Lire, 2012

Autobiographie féline

Par Christine Moulin

Cela manquait, c’est fait : Milton, revenu parmi nous après une longue absence, prend la parole et nous raconte son enfance. Dès la couverture, le charme agit : il est « trop mimi », comme disent les admirateurs irrécupérables du célèbre félin, englouti dans son grand fauteuil, entouré de ses jouets préférés. Le reste est à l’avenant : attention, aucune révélation ne sera faite sur la lignée de l’animal (d’autres épisodes à venir ? en même temps, comme on dit maintenant, Milton n’est qu’un chat de gouttière. C’est ce qui fait tout son  charme et explique sans doute que silence soit fait sur les circonstances de sa naissance).

Le récit de sa vie commence dans la rue, où il est perdu et recueilli par une famille aimante. Il se poursuit par la série de ses découvertes, qui sont autant d’occasions de le montrer dans des attitudes aussi drôles que touchantes : son premier collier, l’eau du robinet, son premier bouchon, ses premières bêtises, et surtout, son coussin. Rouge. Qui fait le lien avec le présent du narrateur, devenu adulte, sage et nostalgique et garantit la permanence de son identité. Celle qui fait qu’on l’aime et qu’on attend le prochain « Milton » avec impatience.

Un chat capricieux

Un chat capricieux
Lionel Koechlin

Gallimard Jeunesse, 2012

Par Christine Moulin

Un chat, quoi…

Qui connaît les chats, et les aime, aimera ce petit livre, destiné, pourtant, aux tout-petits, comme l’indiquent son nombre de pages cartonnées (9),  le trait simple et malicieux de ses illustrations, ses douces couleurs pastel.

Le narrateur, Moustache (nom emblématique indiquant bien que c’est de l’essence féline qu’il s’agit dans cet ouvrage), est seul à la maison et il s’ennuie. Il attend avec impatience le retour de sa « grande amie ». Quand celle-ci revient de l’école et l’appelle, bien sûr… il se cache sous le fauteuil. Attitude typique du chat moyen.

On peut feindre de croire à l’explication de l’auteur (« je suis un chat capricieux ») mais de subtils indices nous mettent sur la voie: Lionel Koechlin sait bien qu’en fait, ce chat a eu très peur d’être abandonné, qu’il a essayé, comme d’autres, de se rassurer en imaginant par avance les marques d’affection qu’il prodiguerait à sa « famille », que l’angoisse a eu le dessus. Si bien que lorsque la tension s’apaise, il veut se prouver que tout cet amour est partagé : il décide donc de se faire un peu désirer, de rester sourd aux appels, pour en prolonger la douceur, en laissant toutefois traîner un indice caudal  attendrissant (c’est qu’il faut qu’on le trouve, à la fin, sous son fauteuil!).

« Quand je vous parle de chat, je vous parle de vous », en quelque sorte…


C’est un secret !

C’est un secret !
John Burningham
traduction (anglais) d’E. Duval
Kaleidoscope, 2010

Où vont les chats durant la nuit ?

Par Anne-Marie Mercier

c'est un secret.gif « Où vont les chats durant la nuit ? » demande l’enfant. « Je ne sais pas », répond sa mère. Plus tard, le chat Malcolm, interrogé, proteste : « C’est un secret ».  A la fin de l’album l’enfant peut dire à sa mère : « Je sais où il va le soir, mais je ne peux pas te le dire parce que c’est un secret ». Entre les deux, il y a un beau chemin dans la ville nocturne avec des aventures proches de celles racontées par Pommaux (Une Nuit, un chat, La Fugue…).

Le réalisme est plus limité et l’atmosphère plus rêveuse. Le dessin est aussi empreint d’enfance et de fantaisie : des traits de brouillon (beaucoup de crayonnés, des coloriages aquarellés à grands traits), une alternance de fonds blancs, grisés ou noirs avec des contrastes de couleurs forts, des superpositions de papiers découpés. La petite Marie-Hélène est rapetissée pour accompagner son ami Malcolm, lui-même est habillé pour aller à la fête (un costume qui ressemble à un déguisement bricolé de chat botté – sans les bottes). On rencontre la reine des chats, il y a un festin, des danses, des jeux, des cadeaux pour tous… Le texte est simple et allusif, l’image fait le reste.

Un rêve d’enfance et de connivence loin des adultes (mais pas trop tout de même), un délice dédié fort justement par l’auteur « aux petits ».

Chat-nouille

Chat-nouille 
Gaëtan Doremus

Rouergue, 2010

 Dans « LJ », il y a « littérature »

 par Christine Moulin

 chat-nouille.jpgOn aimerait aimer ce petit album, carré comme tous ceux de l’éditeur, au nom même du goût que l’on a pour le Rouergue. Pour le dessin aussi, fluide, au crayon rehaussé d’orange. Pour la bonne bouille du chat héros de l’histoire, sans doute nommé Mistigri (mais son nom disparaît rapidement pour la dénomination « le chat »).

Oui, mais voilà, le propos est tellement évident, pesant et didactique qu’on n’y arrive pas. Derrière ce chat anonyme, on reconnaît tellement vite tous les adolescents scotchés à leur écran et leurs jeux vidéo qu’il n’y a aucune surprise, aucun décalage, aucun déplacement. La leçon est assénée : la télévision, les jeux vidéo, c’est nul ; il vaut mieux lire et aller faire un tour dehors. Sinon, on devient lisse, mou et blanc… !

Quand le livre fait son auto-promotion sans nuances, on a bien envie de se précipiter sur son canapé et de s’offrir une grande orgie de télé !

La fugue de Milton

La fugue de Milton
Haydé
La Joie de Lire, 2010

Il est « trop » !

par Christine Moulin

 milton.jpgCertes, Milton est une vieille connaissance (c’est qu’il va vers ses quinze ans, le bougre!). Mais il n’a rien perdu de son charme lunaire. Paresseux, un peu bête (?), gourmand, mais aussi curieux, épicurien, fidèle, sage, au fond, il est terriblement attachant. Si bien que l’on a très peur pour lui car sa fugue n’est pas de tout repos ! Mais évidemment, rien ne vire au tragique.

Il fera rire et sourire tout le monde et il attendrira les amoureux des chats qui retrouveront en lui, certainement, quelques traits de leur animal favori…

Le chat aux yeux bleus

Le chat aux yeux bleus
Egon Mathiesen
traduction (danois) par Catherine Schydlowsky-Nielsen
Circonflexe, 2010

Le vilain petit félin

par Christine Moulin

chat yeux bleus.jpgLa première édition (au Danemark) de ce livre date de 1949 ! Mais le trait est moderne, dynamique, drôle. Le personnage, un adorable chat aux yeux bleus, immenses, est attachant, courageux, sûr de lui sans forfanterie, et l’histoire, avec bonheur, sans pesanteur moralisatrice, s’inscrit, de façon à la fois humoristique et tonique, dans la tradition du « pas beau », du « pas gâté par le destin » qui triomphe à la fin.

Un vrai régal.

Le livre a reçu le prix de la Littérature pour enfants du Ministère de la Culture en 1954. Nos parents avaient du goût !

De l’autre côté du lac

De l’autre côté du lac
Anne Brouillard,
Le Sorbier, 2011

Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre,

par Christine Moulin

Anne Brouillard n’a pas son pareil pour créer un univers envoûtant avec rien. Rien si ce n’est un chemin (comme dans Le chemin bleu, autre magnifique ouvrage, publié il y a sept ans, déjà…), celui qu’un présent quasi atemporel nous invite à suivre dès la première phrase : « Le chemin bordé d’arbres tourne autour du lac dans l’ombre et la lumière ».

Rien, si ce n’est une superbe maison, de celle que l’on aimerait habiter, pleine de lumière, de tendresse (un tissu rouge à carreaux, un évier où sèche la vaisselle, des chaises en bois, toutes simples, un buffet, bien sûr, quelques livres posés sur la table, une bouilloire : c’est tout juste si on ne respire pas comme une odeur de café ou de thé en découvrant la double page où se succèdent quatre tableaux paisibles, décrivant  le monde vu de ce côté-ci du lac). Cette maison appartient à Tante Nadège, et Lucie, une petite fille dans les dix-douze ans, y est en vacances, sans doute.

On découvre aussi, avec bonheur, Alpha et Toka, deux chats, l’un blanc, l’autre tigré, merveilleusement croqués et croyez-moi, rien n’est plus difficile à dessiner qu’un chat ! Mais le premier livre de l’auteur, c’était, rappelez-vous, Trois chats.

Tout pourrait rester ainsi, en équilibre, dans la douceur estivale de cette maison de famille, mais « l’autre côté du lac », que Tante Nadège associe visiblement au souvenir et à l’enfance, va faire signe, dans tous les sens du terme. « Un matin, Lucie remarque quelque chose de bleu qui brille dans les arbres ». Bleu, la couleur du temps, chez Anne Brouillard…

On prépare l’expédition car c’en est une. On se lance. Il faudra marcher longtemps, construire un pont. Le résultat sera à la hauteur de l’attente. Manet et son Déjeuner sur l’herbe sont même convoqués. Mais l’essentiel est dans le décalage, le point de vue différent porté sur l’existence : il suffit de passer le pont… et l’aventure commence, à la fois intérieure et universelle.

Le chat d’Elsa

Le chat d’Elsa
Alice Brière-Haquet, Magali Le Huche

Père Castor, 2011

  Le chat invisible

 par Christine Moulin

 
Les enfants, on le sait, se créent souvent des amis imaginaires et la littérature aime à traiter ce thème spéculaire comme dans Le chien invisible (Claude Ponti), Léon et Bob (James Simon), Moi et rien (Kitty Crowther), Petits sauvages (David Almond), Je voulais te dire (Jennifer Dalrymple), Bernard et le monstre (David Mc Kee), etc. Le chat d’Elsa fait partie du lot et, comme souvent, c’est la solitude qui explique la genèse du chat (vert, comme il se doit) : « Elsa est une toute petite fille, seule dans une grande maison vide ».

Mais ce qui est amusant, c’est qu’ensuite, tout est raconté du point de vue de l’héroïne. Les parents ont très bien admis que leur fille se soit inventé un compagnon, même s’ils rouspètent quand il devient l’alibi rêvé pour toutes ses bêtises et même si leur exaspération les amène parfois à rompre le pacte qui entérine l’existence d’Armand ‑ puisque tel est le nom du félin.

Mais nous, lecteurs, nous voyons la vie des deux amis et elle est attestée par les illustrations dont la force, en l’occurrence, est de ne pas savoir mentir. L’album s’ouvre alors sur un retournement poétique, qui n’est pas sans rappeler deux autres albums jouant habilement sur le point de vue, Bébé monstre (Jeanne Willis et Susan Varley) et Papa de Corentin. Le chat d’Elsa pose finalement la question de la fiabilité du narrateur et s’adresse à ceux qui ne sont pas (trop) devenus « des grandes personnes ». Les illustrations sont à l’unisson de cet univers délicat : elles évoqueraient presque (excusez du peu…) la finesse de Sempé et savent provoquer l’émotion (le chat contrit est tellement attendrissant…)