César

César
Grégoire Solotareff
L’école des loisirs, 2012

Petit et grand

Par Anne-Marie Mercier

cesarCésar propose une histoire simple, dans la veine des fables où un petit devient l’ami d’un grand après l’avoir vaincu. Petit oiseau en cage, César écoute son père lui raconter l’histoire de l’empereur des crocodiles; l’album est dédié à André François pour Les Larmes de crocodile (Delpire, 1956 ou 1955 : voir l’article de Michel Defourny) et on peut trouver quelques liens ténus.

Le petit oiseau, vermeil comme il se doit et déterminé sans le savoir par son nom, décide de devenir empereur des oiseaux. Il s’évade, retourne au pays de ses ancêtres, le pays des crocodiles, avec l’intention de manger du crocodile car, dans cet album comme dans le précédent, « c’est très facile d’attraper un crocodile ».

Les couleurs ne sont plus évoquées par le texte, ni à placer dans un dessin en noir et blanc, mais elles saturent les pages de l’album : bleu pour le ciel, sable pour le sol, vert pour le crocodile. L’animal est vu sous toutes ses coutures, de profil, de face, par dessus… pour mettre en valeur ses dents terribles; mais le livre se clôt sur une scène de plage paisable (évoquant une page du fameux Loulou) où les contraires sont réunis. C’est du Solotareff simple et efficace, de la belle ouvrage.

Oiseau et Croco

Oiseau et Croco
Alexis Deacon
traduit (anglais) par Elisabeth Duval
Ecole des Loisirs, 2012

Pour l’amour des oiseaux… et des crocodiles

Par Christine  Moulin

Il est des livres qu’on est heureux d’avoir rencontrés: l’album d’Alexis Deacon est de ceux-là. Un cadeau.

Tout commence dans l’indistinction originelle des pages de garde. Des œufs flottent dans l’espace, la nuit des temps. La page de titre fait acte de nomination, Oiseau et Croco. Déjà, la typographie indique ce qui risque de séparer les deux héros. Le nom « oiseau » est recouvert de plumes, le nom « Croco » d’écailles, les « o » figurant des yeux manifestement reptiliens. Mais il est vrai qu’une minuscule copule « et » les unit, timide et essentielle.

La première double page a des airs de genèse. Face à l’immensité étoilée, deux œufs sont tendrement posés l’un à côté de l’autre et le texte dit ce que montre l’image, dans l’évidence des premiers moments. La naissance a lieu : le premier à sortir, c’est Oiseau, très vite suivi par Croco. Inquiet, le lecteur attend, si l’on peut dire, le « couac », d’autant que le premier cri du crocodile n’est guère rassurant: « J’ai faim ». Mais non… Les deux bébés découvrent le monde et l’apprivoisent, chacun selon ses compétences: Croco est doué pour trouver à manger, Oiseau pour chanter la beauté des choses ou pour bâtir une maison. Ils comptent l’un sur l’autre pour se réchauffer, se protéger  mutuellement, bref, grandir ensemble. Ignorant ce que leur « nature » respective leur permet ou leur interdit, ils progressent, sans se poser de questions, s’entraînant tous deux à voler ou à « lézarder »… Jusqu’au jour où une rivière les emporte « jusqu’à un lac empli de crocodiles au milieu d’une forêt pleine d’oiseaux ». Les appréhensions du lecteur renaissent…

L’amour fraternel, la tendresse vaincront, par-delà les déterminismes sociaux ou les pesanteurs génétiques… L’image de la fin est une merveille de simplicité et d’émotion. Les derniers mots peuvent alors s’écrire, ceux de l’intimité protectrice à laquelle aspirent les enfants et dont les parents ont la nostalgie, parfois: « Bonne nuit »…

L’avis et l’analyse de Sophie Van der Linden