Arthur le bandit

Arthur le bandit
Benoit Debecker 
Seuil jeunesse, 2018

Le bandit et la bibliothécaire

Par Marion Mas

Arthur le bandit est un personnage ungererien. Certaines pages de l’album s’inscrivent dans le droit fil de l’univers graphique des Trois brigands, dont le héros de Benoit Debecker a d’ailleurs hérité quelques traits de caractère. Ainsi, « Il lui suffit de se tenir à la croisée des chemins sur son formidable cheval pour que les passants lui abandonnent tout ce qu’ils ont de plus précieux sur eux. » et comme Zéralda, il cultive ses talents de cuisinier. Cependant, ce n’est ni la rencontre avec un géant, ni la rencontre avec une orpheline qui le réforme, mais celle de Marie-Rose, une dame un peu âgée – ou plus exactement, la rencontre avec la bibliothèque de Marie-Rose, et les histoires qu’elle lui raconte.
Les illustrations se mettent alors à flirter avec toute une mémoire graphique, évoquant, dans un style très personnel, les récits d’aventures coloniaux du XIXe siècle aussi bien que Tom Sawyer ou l’univers de David B. C’est aussi à partir de cette rencontre que les illustrations, dominées par les tons de bleu sombre et de rouge, se colorent, suggérant la naissance du héros à l’imagination. Par son traitement plein d’humour et plein d’allusions, cette fable d’un bandit devenu colporteur d’histoires est très réussie.

 

Vivre livre

 

Vivre livre
 Collectif: Nina Ferrer-Gleize, Gilles Abier
Ricardo Montserrat
Cathy Ytak Julia Billet,
François David, Thomas Scotto
Hélène Humbert
(Ill) Hélène Humbert
Editions du Pourquoi pas ? 2016

Le livre est un personnage

Par Maryse Vuillermet

Les livres sont les narrateurs et les personnages de ces histoires. Chaque auteur (huit en tout) raconte une histoire différente, une situation différente, celle du livre herbier, du livre sur les rayons d’une librairie, du livre dans un casier de centre aéré, du livre numérique, du livre accouché et élevé par l’éditeur-nounou.
Ces histoires sont drôles ou touchantes, elles font du livre un personnage attachant, et les illustrations d’Hélène Humbert sont parfaites, colorées, joyeuses, vibrantes.

Au secours sortez-moi de là !

Au secours sortez-moi de là !
Ramadier et Bourgeau
L’école des loisirs, 2016

Loup y es-tu ?

Par Anne-Marie Mercier

Il y a de nombreuses histoires dans lesquelles un loup est coincé dans un puits, restes du Roman de Renart, parodies telles que le Plouf ! de Corentin… mais ici c’es avec la même trame, tout neuf.

Donc, un loup est dans un trou : on le contemple, vu d’en haut (grosse contre-plongée, donc), inscrit dans le carré brun de la page qui montre en perspective ce trou de section carrée, ses bords et son fond, avec le loup noir dedans qui nous regarde. Immédiatement, le dialogue s’engage entre le loup et celui dont on devine vite qu’il représente le lecteur :

  • – Mais que fais-tu là-dedans ?
    – Je suis coincé !
    – comment ça ?

Le loup raconte qu’il a vu un trou dans lequel il y avait un enfant… Pas d’enfant en vue : l’a-t-il mangé ? il prétend que l’enfant est sorti par un tunnel, et que lui n’a pas pu l’imiter car ce tunnel est trop petit pour lui… Le croira-t-on ? La conversation continue, et le lecteur feint d’accepter la proposition du loup qui lui demande de pencher un peu le livre pour qu’il puisse sortir. Mais au lieu de cela le lecteur agite violemment le livre : on voit le loup passer d’un angle à l’autre, Bang, Bing ! Puis il feint encore de vouloir aider le loup, mais retourne le livre brusquement, faisant apparaître la quatrième de couverture qui constate : « Ouf ! le loup n’est plus là ! – On recommence ? »

On l’aura donc compris, ce livre est un étonnant livre-jeu, qui propose à un jeune pré-lecteur de jouer avec ses peurs et de manipuler le livre comme un objet piège.

Mais qui est celui qui dit à la fin « on recommence ? » Cette dernière phrase imite la typographie utilisée pour les propos du loup : le lecteur est-il invité à endosser la peau de ses peurs ? Le loup est-il complice du jeu ?

Bien des questions et une délectation certaine avec ce petit ouvrage cartonné.

Cédric Ramadier s’est fait une spécialité des livres « objets », avec Au secours voilà le loup, Le livre en colère, etc.

 

Le Livre qui fait aimer les livres. Même à ceux qui n’aiment pas lire !

Le Livre qui fait aimer les livres. Même à ceux qui n’aiment pas lire !
Françoize Boucher

Nathan, 2011

Par Anne-Marie Mercier

Le Livre qui fait aimer les livres« Lire fait grandir », « lire développe ton vocabulaire », ton imagination, améliore ton orthographe… toutes ces vérités qui ont tendance à lasser les lecteurs réticents sont énoncées ici avec humour et distance. Mais aussi qu’on peut relire un livre à l’infini dans l’user, lire par tous les temps, à tout instant, qu’il y a forcément des livres sur les sujets qu’on aime… et qu’on a droit de ne pas aimer lire : tout cela est dit avec humour.

On est proche des idées des superbes C’est un livre et C’est un petit livre de Lane Smith, mais le discours est davantage adapté aux adolescents.

Les Filouttinen – Le Guide des guides

Les Filouttinen – Le Guide des guides
Siri Kolu
Didier Jeunesse 2015

Quête, surprises, enlèvement et bouleversements…

Par Michel Driol

fil3La saga continue. Voici le tome 3 de la série des Filouttinen. Liisa et les Filouttinen sont désormais en quête du livre écrit par le maitre bandit à la fin du XIXème siècle. On s’en doute, les autres familles de bandits rêvent aussi de s’approprier cet ouvrage ! Entre mensonges à ses parents, recherches sur le terrain, et rêves étranges, Liisa a bien à faire ! Surtout lorsqu’elle devra sauver sa sœur, enlevée à son tour par les Hurmala ! Quant à la révélation finale, au lecteur de la découvrir… Bref, un tome 3 plein de rebondissements.

Siri Kolu continue d’installer son univers décalé, dans laquelle les bandits constituent un monde à part, avec ses propres codes. Certains vivent en marge, d’autres sont plus ou moins fondus dans les « Bons Citoyens ». Si certaines familles s’allient, d’autres  s’opposent toujours violemment.  Le roman frôle cette fois avec un certain fantastique, Liisa étant guidée par des rêves étranges. Poursuites en voiture, en camionnette, dans un train, le rythme ne faiblit pas tout au long de ce volume  qui entraine le lecteur dans toute la Finlande.

A suivre…

Les autodafeurs, tome 2 et 3

Les autodafeurs,  Tome 2
Ma sœur est une artiste de guerre, Tome 2
Rouergue 2014,
Nous sommes tous des propagateurs, Tome 3
Martine Carteron
Rouergue 2015,

 Duel à mort pour les livres

Par Maryse Vuillermet

Cette trilogieautodafeurs2  pourrait paraître classique, et ressembler à A comme association de Erick Lhomme ou à Typos de Scagnoli, elle en a les ingrédients :

– une lutte à mort entre deux forces, d’un côté les autodafeurs qui, depuis la nuit des temps, ont voulu détruire les livres. Ils étaient déjà à l’origine de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, ils étaient encore là lors des autodafés des nazis à Berlin. En face, la Confrérie, secrète, puissante et organisée, qui a pour mission de sauver les livres.

– Dans la confrérie, une famille, les Mars dont les grands-parents, et le père ont été tués dans le tome 1, la mère, Auguste, le grand frère, un ado, comme tous les ados,  plein de contradictions, de doutes et de pulsions et Césarine, la petite sœur, autiste Asperger, aux réactions étonnantes.

autodafeurs3 – des aventures, des bagarres, des souterrains, des laboratoires secrets…des évasions, du suspens.

Mais elle est originale car :

– elle pose des questions fondamentales : à quoi servent les livres, pourquoi faut-il risquer sa vie pour les sauver ? La petite Césarine, adepte des listes, et d’une logique redoutable, après avoir bien réfléchi, trouve que les livres rendent heureux.  Autre question que se pose Césarine qui a du mal à ressentir les émotions : qu’est-ce que l’amour ?

– cette série est également un mélange détonant qui fait constamment rebondir l’action, une intrigue guerrière,  sur la base d’un complot et d’une lutte à mort, une intrigue politico-philosophique, la survie des livres et de la culture, et une intrigue scientifique. En effet, les autodafeurs ont mis au point une bactérie tueuse de livres, un procédé chimique qui les réduit en cendres, mieux qu’un incendie, la Confrérie doit donc aussi utiliser la science, les nouvelles technologies…

– les variations de point de vue, c’est tantôt Auguste qui s’exprime, son langage ado est drôle, le tandem qu’il forme avec son ami geek Nene est désopilant et tantôt Césarine, ce personnage est une trouvaille, un enchantement, ses réactions sont tellement étonnantes et sûrement vraies, elle a une intelligence supérieure et une logique infaillible, elle sait se battre et a comme livre de chevet l’Art de la guerre,  du maître chinois Sun Tzu…dont elle connait par cœur les préceptes, mais c’est une petite fille, donc, personne ne l’écoute !

Cependant, j’émets deux réserves, même si on change de lieu au tome 3, l’intérêt a tendance à s’essouffler un peu.  De plus, on a du mal parfois à justifier la violence de ces enfants transformés en tueurs, à coups de poing, de stylos, de revolver, ils tuent allégrement leurs ennemis, car ils sont entrainés pour ça ! Auguste a beau en faire une dépression, il recommencera, on atteint là la limite du genre !

 

Livres

Livres
Murray McCain, John Alcorn (ill.)
Autrement Jeunesse, 2013

It’s a book !

par Christine Moulin

 9782746733480FSNombreux les livres qui vantent le livre, à l’heure où l’on craint ou feint de craindre les progrès de la lecture numérique. Leur ancêtre à tous semble bien être l’ouvrage Livres, publié par les éditions Autrement, dans cette judicieuse collection qui veut faire « découvrir […] des classiques injustement oubliés ou jamais publiés en France, qui se distinguent par leur force littéraire et leurs qualités graphiques ». En effet, il date de 1962 et annonce les jeux postmodernes dont nous sommes friands, ceux, par exemple, de Lane Smith, d’Emily Gravett ou d’Hervé Tullet. Même s’il figure dans la collection « Vintage », il n’est en rien démodé (que peut être la « mode », d’ailleurs, dans le domaine qui nous occupe?). Le graphisme, faussement vieillot, arbore des couleurs qui se rehaussent mutuellement pour aboutir à une atmosphère gaie et dynamique, à base de rouge, de rose et d’ocre. Mais surtout, cet ouvrage ravira les amoureux des listes: elles sont nombreuses et farfelues à souhait. C’est ainsi que l’on a, forcément, envie de compléter celle des sujets de livre (où se côtoient Picsou, le vent dans les saules et « ce bon vieux roi Arthur »), celle des mots épineux (où l’on trouve Grigrimenufretin mais aussi travailler…), celles des mots heureux, des mots rigolos, des mots pour réfléchir (où figurent, le linguiste étant prié de ne pas chipoter à propos de la notion de mot, tu ne devrais pas, tout un chacun mais aussi en douceur). Parfois, l’humour absurde est juste délicieux (voir la page… sur les pages). La joyeuse mise en abyme finale est à l’unisson et fait de cet album un livre réjouissant.

La guerre des livres

La guerre des livres
Alain Grousset

Gallimard, Folio Junior, 2009, 2013

Book wars

Par Christine Moulin

product_9782070651009_244x0Voici une réédition d’un roman d’Alain Grousset. Le problème qu’il abordait il y a quatre ans en est encore un: faut-il craindre la disparition des « vrais » livres, sur papier? le tout numérique est-il dangereux? On se doute un peu de la réponse… Mais l’argumentation n’est pas pesante. Parce qu’elle se développe au sein d’un récit de science-fiction digne des aventures de Lucas avec combats (celui qui ouvre le roman est un modèle…), factions, empereur, fille d’empereur, héros en forme de Jedi (Shadi), faux traîtres, vrais traîtres, et même quelques maîtres (certes moins pittoresques que Maître Yoda mais quand même…). Autre charme: le décor est un labyrinthe borgésien, une immense bibliothèque qui renferme tous les livres (ou presque) de l’univers. De quoi rêver… Enfin, en exergue de chaque chapitre, figurent des citations sur la lecture, certaines assez connues (« Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux », Jules Renard), d’autres peut-être moins (?) (« Les livres nous obligent à perdre notre temps de manière intelligente », Mircea Eliade), en tout cas, toutes très belles (« Lire, c’est aller à la rencontre d’une chose qui va exister », Italo Calvino).

Je fabrique mes livres

Je fabrique mes livres
N. Palmaerts, M. Paruit
Casterman, 2012

Par Caroline Scandale

On n’arrête plus le progrès…

Je fabrique mes livresA l’heure où les enfants manient les tablettes numériques mieux que certains adultes, prient leurs parents de regarder Tchoupi sur le Ipad et lisent leurs revues en mode 2.0, ce documentaire leur rappelle de façon ludique que les livres sont avant tout des objets en papier dont la valeur réside dans le soin, l’attention et le temps passé à les rédiger et à les fabriquer.

Je fabrique mes livres foisonne d’idées de livres à créer et d’astuces pour les réaliser. Il propose des tutoriels et des croquis explicatifs pour chaque type de livre (le livre de ma semaine, le livre d’une couleur, le livre « j’aime », le livre des collages, le livre à histoire, le livre pop up…). Cerise sur le gâteau, il débute par un cours synthétique sur l’objet-livre, présente ses différentes parties, en dresse une typologie rapide, et explique très simplement comment relier les pages d’un ouvrage à partir du pliage de papiers de formats A2, A3 et A4.

Son autre point positif est la simplicité du matériel nécessaire à la réalisation des livres: des feuilles, de la colle, des ciseaux, une grosse aiguille à coudre, du fil, une photocopieuse et le tour est joué!

Un livre intelligent et stimulant à conseiller aux petits et aux grands, adeptes des loisirs créatifs.

 

C’est un petit livre

C’est un petit livre
Lane Smith
Gallimard jeunesse, 2012

Livre, mode d’emploi

Par Anne-Marie Mercier

Même si cet objet sur lequel on s’interroge, carré, cartonné, n’est pas recommandé avant trois ans, il s’adresse à de tout jeunes lecteurs. Dans un dialogue entre un petit âne et un jeune singe, statique et répétitif, l’un pose des questions (« ça se mâchouille ? », « on peut s’asseoir dessus ? »…) en manipulant un objet qui ressemble à celui que l’on tient en main ;  tandis que dans un ouvrage précédent  (C’est un livre) il cherchait une prise ou une souris pour le faire fonctionner. L’autre répond invariablement « non », jusqu’à la dernière réplique qui reprend le titre : « ça se lit, c’est un livre, petit âne ». Entretemps, le petit âne aura pu expérimenter de multiples possibles. Bel éloge du livre qui rappelle un vieux titre du Père Castor (Mes livres) : ça se lit, mais on peut faire aussi des tas d’autres choses avec.