Minou

Minou
Olivier Douzou et  Frédérique Bertrand
Rouergue, 2012

Très minou !

Par Christine Moulin

minouTout est délicat dans cet album dont les pages en carton fort indiquent le destinataire: les tout-petits. Les illustrations, aux tons assourdis et au trait minimaliste, mettent en scène un chat quelque peu énigmatique, vu de profil: celui-ci suit un itinéraire qui le mène d’une forêt  à un salon pour le faire repartir vers la forêt, où sa quête, commencée le matin, va enfin aboutir, à la nuit. Le texte évoque le genre de la comptine (comme l’indique le titre de la collection) et multiplie les jeux de mots, grâce à un principe simple: la répétition des ou de la dernière(s) syllabe(s) du dernier mot. On (re)découvre au passage de délicieuses expressions surannées comme « à potron minet » ou « au débotté »: mais comme tout est subtilité dans ce livre, le chat devient, dans ce dernier cas, Chat Botté. L’image, en effet, montre, sans lourdeur, en le prenant souvent au pied de la lettre, ce que dit le texte.  C’est ainsi qu' »entre chien et loup », au moment où apparaît le « matou… tou », on découvre , sur la droite, un inquiétant museau …

Ce livre  témoigne d’un respect remarquable pour les tout jeunes lecteurs, à qui il offre une oeuvre poétique de qualité, à leur portée.

Plupk (D’après un conte ruthéanien)

Plupk (D’après un conte ruthéanien)
Olivier Douzou, Natali Fortier
Rouergue, 2012

Entre Pinocchio et Petit Poucet, un conte d’aujourd’hui

Par Dominique Perrin

Habitant d’une maison nichée dans la forêt, Plupk est sans doute, entre ses deux parents et de multiples compagnons animaux, un enfant choyé par la vie. Sa silhouette effilée de Pinocchio souple au petit nez et aux longs pieds annonce cependant un destin plus tumultueux, né de la lecture du Petit Poucet.
Et si Plupk devait un jour être perdu par ses parents, si ceux-ci étaient pauvres ? (L’hypothèse est loin d’être absurde, se redit le lecteur amateur de relations entre histoires et Histoire). La volonté secrète du jeune héros de prévenir cette épreuve imaginée l’entraîne dans bien des épreuves réelles, au sein de la forêt vibrante de présences sortie des doigts de Natali Fortier. Le lecteur l’y suit avec très vite un immense attachement, et apprend avec lui ce qu’enseigne l’aventure : les significations multiples de l’amitié et de la solidarité, l’impossibilité pour l’être humain d’être à hauteur de ses expériences au moment où il les vit, l’humilité moelleuse qui en découle. « Dehors, le ciel est rempli de cailloux blancs », dit la page finale, en vis-à-vis d’un ultime hommage au trait inaltérable d’Odilon Redon.

Fourmi

Fourmi
Olivier Douzou

Rouergue, 2012,

Non, ce n’est pas qu’une fourmi!

par Christine Moulin

On devait s’en douter : l’auteur de Jojo la mache, quand il semble publier un album cartonné tout « simple » à destination des tout-petits, fait bien plus que cela. C’est le cas avec Fourmi, qui, comme son titre l’indique, a pour thème un ours blanc. Le livre est fondé sur l’utilisation de caches que seul l’auteur peut manipuler, laissant tout le travail et tout le plaisir (celui de deviner, d’anticiper) au lecteur grâce à une structure répétitive… qui s’interrompt au bout d’un moment: façon malicieuse et quasi désinvolte d’enjoindre le jeune lecteur à se débrouiller seul, à prendre le relais.

Quant à la chute,  brutale, elle renvoie, presque par traîtrise, aux questions qui comptent: (le risque, la rupture, la violence, bref, les dures lois de l’existence) : celles-ci viennent nous interpeller jusque sur la quatrième de couverture, brisant le fragile rempart entre le monde du livre et le nôtre et frisant l’humour noir à travers le refrain, devenu ironique: « mais non ce n’est qu’une fourmi! ». Rien de fade, donc, de trop « puérilement » correct dans cet ouvrage qui est encore, comme celui narrant le destin stellaire de la célèbre mache, une perle rare.

 

Le petit bonhomme pané

Olivier Douzou, Frédérique Bertrand
Le petit bonhomme pané

Rouergue, 2011

En toute candeur pontienne

Par Dominique Perrin

Dans une basse-cour, un tout petit bonhomme transparent accède à la visibilité en prenant un bain d’œuf et de miettes, trouvant dès lors en un vieux croûton et une mère poule des ascendants putatifs. Cela ne consacre pas encore un avènement au monde, mais c’est le début d’une quête initiatique au sens le plus ample du terme. Le « petit bonhomme pané » parcourt le vaste monde – forêt, collines, montagnes, champ de coquelicots -, aiguillonné par le désir d’interroger le « nuage à âge ».

Que cette « panne de naissance » (comment ne pas citer ce jeu de mots, à défaut des « pontines » qui jalonnent le récit ?) trouve sa résolution ultime parmi coussins, poussins et bougies dans le « château d’Anne Hiversère » coule dès lors de source, dans un univers polarisé par le rapport au langage et le merveilleux pontiens. Etre à naître ou être né ? Allégresse communicative et liberté créatrice irradient cet album subtilement original, dans lequel on peut entendre, au texte et à l’image, un récit de tous les commencements humains, qu’on les situe avant, pendant ou après la vie intra-utérine.

Boucle d’or et les trois ours

Olivier Douzou
Boucle d’or et les trois ours

Rouergue, 2011

 Boucle d’or, dans l’alphabet des chiffres

 Par Dominique Perrin

Boucle d’or et les trois ours, une histoire chiffrée, voire une histoire de chiffres ? Une décennie après la version géométrisante de Rascal (Ecole des loisirs, 2002), Olivier Douzou donne un corps littéral à cette intuition tout droit issue d’une fantaisie d’enfant. Le conte est là, transmis dans sa fraîcheur et sa simplicité retorse ; l’image espiègle et sérieuse en offre une interprétation plaisante, d’une évidence renouvelée : dans l’algèbre virtuose et désinvolte de la culture humaine, le conte offre une mise en équation du connu et de l’inconnaissable, dédiée à la célébration ludique des formes symboliques sorties de l’esprit humain.