Les derniers jeux de Pompéi

Les derniers jeux de Pompéi
Anne Pouget
Casterman, 2011

Pompéi comme si vous y étiez….

Par Chantal Magne-Ville

Les derniers jeux de Pompéi .jpgOn peut dire que la « transportation » dans l’Italie des années 79 est totalement réussie car Anne Pouget, en historienne érudite sait multiplier les effets de réel transformant parfois ce roman en véritable cours d’histoire. Le lecteur participe ainsi de près à la vie quotidienne des foulonniers ou des gladiateurs et découvre ce qu’on mangeait à l’époque, ou l’état de la chirurgie. Aucun aspect n’est négligé, en passant des élections à la religion et à l’habitat au risque de digressions un peu longues parfois. Les commerçants de Pompéi nous deviennent quasi familiers. Mais nous ne saurons presque rien de l’éruption du Vésuve qui n’intervient qu’à la fin, créant cependant une tension permanente.

Qu’en est-il alors de l’intrigue ? Il faut reconnaître que son intérêt tient pour beaucoup à la personnalité de Lucius, le jeune héros dont le métier est de collecter les urines utilisées pour blanchir le linge. Il a en charge Beryllus, un grand frère un peu simplet dont les bêtises sont source de péripéties multiples qui conduiront Lucius à Ostie où un riche patricien lui donnera les moyens de dessiner et d’apprendre le grec, la langue des savants.

L’étonnement provient de la modernité des sentiments de Lucius qui s’insurge notamment contre le sort fait aux esclaves en qui il voit des hommes, tout comme Sénèque avant lui, ainsi que le lui apprend un homme politique. Il n’hésitera pas à donner son sang pour sauver un gladiateur noir devenu son ami. Le ton demeure cependant plutôt léger et les bons sentiments triomphent toujours, à l’image de la fin où toutes les tensions se résolvent.

Les Grands soldats. Une aventure de Cathal Crann

Les Grands soldats. Une aventure de Cathal Crann
Laurent Rivelaygue et Olivier Tallec

Gallimard (« Bayou ») 2010

Candide géant

Par Anne-Marie Mercier

Les Grands soldats.jpgLes « grands soldats », ce sont des hommes de plus d’1m 88 que Frédéric Guillaume Ier de Prusse faisait recruter – et parfois enlever – à travers l’Europe au 18e siècle pour former sa garde personnelle, avec des tentatives pour les faire se reproduire avec de très grandes femmes choisies pour cela… ce qui évoque d’autres « recherches » sinistres du même type. On trouve le détail de tout cela dans l’Histoire de Frédéric II de Carlyle (ch. 5) ; quant au présent album, un texte final précise sa dimension historique. Cette BD ou roman graphique présente l’histoire de l’un de ces soldats, un géant irlandais de la côte ouest, Cathal Crann. C’est un bon gars, presque un simplet, tant qu’on ne le « cherche » pas, un prototype de « quiet man » irlandais. Dans le cas contraire, sa fureur le métamorphose en monstre. Le chien rouge qui se manifeste alors, en lui et hors de lui, est à la fois une métaphore et une réalité, donnant à l’histoire une allure fantastique. On y voit ce qui est sans doute le début de ses aventures : son enrôlement ou plutôt son enlèvement, son installation à Potsdam, ses rencontres, ses amours, une tentative d’assassinat, sa désertion…

Les illustrations sont très drôles et expressives. La tonalité sombre de l’histoire et des images joue avec les caricatures comiques et les explosions de couleurs des moments de rage du héros. Un beau roman tragi-comique en compagnie d’un colosse naïf et dangereux, et un morceau d’histoire inquiétante.

Chasseur de fantômes (chronique des temps obscurs, t. 6)

Chasseur de fantômes (chronique des temps obscurs, t. 6)
Michelle Paver
Traduit (anglais) par Blandine Longre
Hachette, 2010

Aventures préhistoriques : un garçon, une fille, un loup

Par Anne-Marie Mercier

Pour la sixième fois (dernière, si l’on en croit la quatrième de couverture), Michelle Paver emmène son lecteur à la suite des aventures de Torak et de son ami le loup, dans la forêt de l’âge de Pierre.
Les aventures sont assez classiques : un personnage maléfique à combattre, le destin de l’humanité suspendu aux choix d’un jeune garçon (et d’une jeune fille, tout de même, sans parler du loup, il y en a pour tous !). Avec cela on ajoute une pincée de magie noire ou blanche, deux doigts de suspens et de nombreuses scènes de poursuite, et l’affaire est enlevée.
Les interrogations de Torak et de son amie Renn sur leur identité et leur avenir sont à la fois spécifiques au contexte et pourtant très transposables vers celles d’adolescents d’aujourd’hui. Sur le plan de la vraisemblance documentaire, la psychologie des personnages est donc assez peu crédible et c’est encore plus vrai pour les personnages animaux (Loup et sa petite famille). Mais cela ajoute à la fantaisie et la liberté du texte et correspond aux contradictions d’un roman pris entre le roman (pré)historique, le roman d’aventure et le roman d’initiation.
Le charme particulier du récit réside surtout dans les descriptions de l’hiver de la forêt, des préparatifs, des vêtements et de leurs matières et textures, des abris rencontrés (on y fabriquer beaucop de cabanes…). Une précision méticuleuse (soutenue par une  traduction précise et élégante) fait voir et sentir ce monde du froid et la précarité des hommes des premiers temps, comme elle souligne leur proximité avec le monde naturel. Les animaux, réels ou inventé (belle idée d’un hibou diabolique), sont extrêmement présents et donnent à ce texte un autre ancrage sensible.