Le Caméléon et les fourmis blanches

Le Caméléon et les fourmis blanches
Emmanuel Bourdier

La Joie de lire (encrage), 2015

Un épisode pour L’Instit : l’enfant sans papiers

Par Anne-Marie Mercier

le-cameleon-et-les-fourmis-blanchesLe caméléon, c’est Issa, jeune malien sans papiers, élève de primaire dans la classe d’un instituteur qui porte le nom de Casimir Feunard, mais que ses élèves surnomment « Pokémon ». Casimir est miné par un chagrin d’amour et par sa lassitude vis-à-vis de son métier qu’il a choisi un peu par hasard. Bien malgré lui, Casimir hébergera Issa lorsque le père de celui-ci se sera enfui pour échapper aux gendarmes, et il sera à la fin du roman mis en garde-à-vue pour cela.

Le récit se fait en voix alternées, chaque chapitre étant narré par l’un des deux personnages. Il débute juste avant la rentrée, avec les états d’âme de Casimir et les jeux d’Issa, et se poursuit jusqu’aux vacances de la Toussaint, avec de beaux portraits d’élèves et de moments de classe, les récits d’Issa sur sa vie avec son père, sur sa grande sœur, partie vivre ailleurs pour des raisons qu’on apprend au fil du roman.

Le temps de la cohabitation est raconté avec humour comme un apprivoisement lent et difficile, qui parvient à faire sortir chacun des protagonistes de sa paralysie. Une belle histoire, avec de belles personnes malgré leurs faiblesses…

Trois ânes (conte)

Trois Ânes (conte)
Michel Séonnet
L’Amourier (Thoth), 2009

Citoyens de la République

Par Anne-Marie Mercier

Voilà un conTroisaneste bien moderne pour notre bonheur, et bien d’actualité pour notre malheur, bien ancré dans le monde réel, même si la vraisemblance est quelque peu suspendue, pour le plaisir de la fable et son exemplarité.

Il était donc… une nuit, dans une ville, on ne sait pas bien laquelle, avec ses pavillons, ses immeubles, ses boulevards déserts, il était un âne appelé Semper (qui signifie « toujours » en latin, ce qui n’est pas indifférent), échappé du garage où on l’avait enfermé. Derrière lui court Lino, fils du propriétaire de l’âne, puis l’ennemi de Lino, Samir, puis Sara qui ne les aime pas, puis monsieur Crouzon, le gardien du collège, haï des trois enfants et le leur rendant bien.

Tous courent, étrangement happés par la course de l’âne ; celui-ci suit un chemin mystérieux qui les fait passer par les étapes de leur histoire et de celle de leur famille pendant la dernière guerre où tous luttaient pour la même cause et le même camp, étapes où un âne joue le premier rôle. Chemin faisant, ils se racontent, se heurtent, se soutiennent, créent les liens qui manquaient. A « l’arrière », la police, les familles et les voisins, d’origine italienne, arabe, juive, s’alarment, s’accusent, et enfin s’entraident ; en retrouvant les enfants, ils renouent avec une histoire commune  oubliée, une histoire de libération et de fraternité.

Un beau conte, magnifiquement écrit, saisissant et touchant, et un livre à la fabrication soignée, sur beau papier crème.

http://www.amourier.com/les-collections/thoth/381-trois-anes.php

Et pour poursuivre la réflexion, un article de  Tramor Quemeneur,  paru dans L’Ecole des lettres – jeudi 8 janvier 2015): racisme et terrorisme

Rappelons aussi la très belle BD de sociologie sur l’immigration algérienne, Les Mohamed, de J Ruiller chez Sarbacane (2011) chroniquée sur lietje.