Le Jour du papillon blanc

Le Jour du papillon blanc
Françoise Johnen – Elodie Flavenot
La cabane bleue 2024

Quand il faut tout quitter…

Par Michel Driol

Par un jour de pluie, Esther demande à Virgile de regarder les photos de sa petite enfance. Alors que Virgile voudrait bien trier les objets cassés, les vêtements trop petits, Esther veut tout garder. Lorsque le rivière sort de son lit, ils doivent quitter leur maison avec peu de bagages. Et les voilà descendant en barque la rivière, échangeant leurs souvenirs, jusqu’au terme de leur voyage.

Avec beaucoup de poésie, voilà un album qui aborde des sujets graves, comme les dérèglements climatiques et l’émigration liée aux bouleversements écologiques autour de deux personnages. Quelles sont leurs relations familiales ? L’album ne le dit pas, laissant chaque lecteur projeter sur eux une relation fraternelle, filiale ou autre… Ce qui compte ce sont leurs différences (d’âge, de maturité, de comportement …). Autant l’une est attachée à tout conserver, autant l’autre souhaite que les objets circulent, puissent être réemployés. Autant l’une est insouciante, autant l’autre est plus mûr, plus conscient du danger que la pluie leur fait courir. L’une est protégée, l’autre est protecteur, voilà l’essentiel, dit la construction du récit et des personnages. La seconde partie de l’album est consacrée au périple des deux personnages sur leur barque, dans des univers que le texte signale comme étant de plus en plus gigantesques : rivière – fleuve – mer – océan. Au milieu de cet univers, ils ne sont rien, perdus.  Mais ces émigrés qui ont tout perdu n’ont pas perdu leurs souvenirs, que le texte et l’image matérialisent d’une façon très poétique. Souvenirs qu’on peut jeter par-dessus bord, qu’on peut inventer, qu’on peut ranger dans la boite à cookies…  Souvenirs représentés sur l’image comme des petites enluminures dorées capables d’envahir l’espace, façon d’en montrer, graphiquement, la valeur, comme lien avec le passé. Ainsi l’album sort d’un certain réalisme brutal et violent, celui de l’arrachement à un espace familier, pour entrer dans un imaginaire réconfortant, imaginaire lié à la parole qui ranime le passé, voire le réinvente. Les illustrations inscrivent l’histoire dans deux types d’espaces : à la fois l’espace d’un intérieur de chambre dans lequel tout enfant occidental se reconnaitra et un extérieur fait de maisons sur pilotis plus polynésien.  Quant à la dernière illustration, elle intègre avec bonheur des éléments de provenance diverse ; des lamas, des cerisiers en fleur, une cabane bien perchée sur un arbre, et une rivière bien sage. Image d’un paradis terrestre retrouvé, d’une nouvelle vie pour Esther, symbolisée par ce papillon blanc qui était là le jour de sa naissance.

Edité par la Cabane bleue, un éditeur qui s’efforce, par ses pratiques, de protéger la Terre, Le Jour du papillon blanc est un conte écologique qui nous conduit à réfléchir sur ce qui a vraiment de la valeur pour nous, tout en nous sensibilisant aux problèmes des réfugiés climatiques, de la montée des eaux – problème que l’actualité récente en Espagne ou en France a mis en lumière.

Qui veut jouer dehors ?

Qui veut jouer dehors ?
Valerie Dupuy – Virginie Blondeau
Utopique 2024

Par tous les temps

Par Michel Driol

Barnabé le hérisson cherche un ami pour jouer dehors alors que les nuages sont bien gris. Mais Léon le papillon préfère le grand soleil, Hector l’escargot la pluie… et ainsi de suite. Ce n’est le bon temps pour aucun de ses amis jusqu’à ce que l’arc en ciel les mette tous d’accord pour jouer ensemble.

Cet album, cartonné, s’adresse aux plus petits à travers une histoire en randonnée qui permet d’évoquer la question de la diversité. La structure est simple : page de gauche, le hérisson parle, page de droite on a la réaction ou la réponse de l’autre animal. Des animaux humanisés par les vêtements, mais qui conservent leur aspect, tenue, position naturels. Le texte est conçu pour s’adresser aux plus jeunes, et les illustrations, vives, colorées, montrent des personnages souriants, sympathiques, tout en restant parfaitement lisibles par les plus jeunes.  Cette histoire d’animaux montre les différences de gouts, d’habitudes, de modes de vie, mais met aussi l’accent sur ce qui réunit, à travers le beau symbole de l’arc-en-ciel, réunion de toutes les couleurs, symbole du beau temps revenu.

L’album permet aussi d’aborder le premier vocabulaire de la météo, froid, chaud, vent, neige, nuages. pluie, des noms contextualisés par les illustrations. Il donne aussi des clefs pour signer ces mots, à la fois sur chaque page où on les voit réalisés par un enfant, et à travers un lien permettant d’accéder à des tutoriels en vidéo. Il s’agit de donner des outils pour approcher la communication gestuelle, inspirée de la langue des signes française, façon de communiquer avec les bébés avant l’acquisition du langage oral.

Un album destiné aux plus jeunes, qui vise un double objectif : montrer qu’il n’est pas forcément simple de trouver un ami pour jouer avec lui, développer le vocabulaire lié à la météo et apprendre à le signer.

 

Mademoiselle météo

Mademoiselle météo
Susie Morgenstern
L’Ecole des loisirs (neuf), 2011

 L’école, contre vents et marées

par Anne-Marie Mercier

Trop mince, trop jolie, trop fantaisiste, Alizée Tramontane est seule. Elle a deux passions dans sa vie, la météo et ses élèves de CM1; elle a également deux ennemies, une collègue méchante et jalouse et une inspectrice qui n’aime pas son inventivité pédagogique.

Deux intrigues se déroulent en parallèle, la tentative de ses proches pour la marier (le candidat s’avère être un jeune businessman incapable d’exprimer une émotion), et une expérimentation pédagogique qui l’amènera à faire réaliser des bulletins météo théatralisés par ses élèves, en costumes et en actions, puis à une classe de mer « météo », chaque volet se terminant en catastrophe, du moins provisoirement. La vision du monde enseignant est assez noire, celle de la vie des hommes d’affaires n’est guère meilleure, mais le roman est constamment porté par l’humour et le style de Suzie Morgenstern, autant dire qu’on se régale.

À noter particulièrement : le récit de la visite d’un auteur dans l’école avec deux types de préparation, l’une scolaire et ennuyeuse, menée par la méchante institutrice, l’autre inventive et intelligente, menée par la jeune, jolie, gentille et parfaite héroïne… Du vécu, Susie?